Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée

JEAN VIII. SA POLITIQUE ORIENTALE. RÉHABILITATION DE PHOTIUS (ilO

Il est impossible de taire la moindre confiance à pareil document, et c’est pourquoi nous considérons comme oon moins romanesque que celle d’1 [ergenrôther l’interprétation qu’en donne le 1’. I. apôtre. Jean Y I II, p. 68 et p. 152-153. Ce dernier a bien vu que le pape n’était pas revenu sur la reconnaissance de Photius ; mais, à l’aide d’indices extrêmement fugitifs, il imagine que la condescendance pontificale à l’égard du patriarche de Constantinople a été vue de mauvais œil dans les milieux germaniques, et spécialement dans l’entourage de Charles le Gros. Au moment où celui-ci est venu recevoir à Rome la couronne impériale. Jean VIII a dû être contraint d’expliquer sa conduite dans l’affaire photienne. Renouvelant le geste de Léon lll se purgeant par serment devant Charlomagne. Jean serait monté à l’ambon de Saint-Pierre, les évangiles à la main, pour jurer solennellement qu’en se réconciliant avec Photius il n’avait point entendu porter atteinte aux sentences de ses prédécesseurs. C’est faire beaucoup d’honneur au pamphlet byzantin que de lui donner une pareille exégèse.

Jean VIII et la question du filioque.

La meilleure

preuve que Jean VIII n’est jamais revenu sur la réintégration de Photius. elle se tire de l’attitude que le patriarche réintégré a toujours conservée à l’endroit de Jean VIII et de sa mémoire. C’est d’une manière enthousiaste qu’il parle du pontife dans son Traite du Saint-Esprit certainement composé après la mort de de Jean, voir P. (i., t. eu, col. 380-381 ; et pour être moins chaude, l’expression de sa reconnaissance à l’égard des légats romains de 879, n’en est pas moins significative. Lettre au métropolitain d’Aquilée, n. 25. Ibid., col. 820. Cette gratitude n’a rien que de très naturel ; elle ne laisse pas néanmoins que de poser un problème assez troublant, étant donnée la nature des deux ouvrages où elle s’exprime. L’un et l’autre sont consacrés à la question dite du Filioque, cf. t. v, col. 2318, et prétendent démontrer que le Saint-Esprit procède exclusivement du Père. A l’appui de son erreur, l’hotius invoque tant les preuves d’Écriture sainte, que les arguments de tradition. Il est amené, dès lors, a signaler l’attitude qu’ont prise à l’endroit du Filioque un certain nombre de pontifes romains. On sait quelle avait été dans cette controverse, du jour où elle avait été soulevée par les théologiens francs, la ligne de conduite des papes. Tout fidèles qu’ils fussent à la doctrine de la double procession du Saint-Esprit, ils avaient blâmé plus ou moins nettement l’insertion du Filioque dans le symbole dit de Nicée-Constantinople. A tort sans doute. Photius cherche à interpréter cette attitude comme une condamnation de la doctrine trinitaire qu’il combat lui-même. Il insiste tout spécialement sur la position que prirent au synode de Î80, quand ce problème y fut soulevé, les légats de Jean VIII : Ce vénérable pontife de Rome, dit Photius, par l’intermédiaire de ses très pieux et très illustres représentants, Paul, Eugène et Pierre, a voulu au synode réuni de notre temps, en recevant, comme fait l’Église catholique, et comme firent ses prédécesseurs romains, le symbole de la foi souscrire et sanctionner de pensée, de bouche et de geste (xepotv Lspalç : il s’agit de la signature), les décisions de ers illustres et admirables personnages. P. G., t. eu, col. 380, cf. col. 820. Il s’agil évidemment de la décision prise par le concile photien, en s ;, r, session relativement au symbole de Nicée-Constantinople. Mansi, Concilia, t. xvii, col. 516. En se prêtant ; i cette démarche, qui, étant données les attaques précédentes de Photius contre la doctrine des latins, revêtait une signification toute spéciale, les apocrisiaires romains exécutaient-ils fidèlement les instructions de leur maître, reflétaient-ils la pensée de Jean VIII ? Photius l’a dit et l’on trouve par ailleurs à la suite des Actes

DICT. DI-. Illl’.OI.. CATIIOL.

du concile photien une lettre de Jean VIII à Photius qui semble confirmer cette manière de voir. Mansi, t. xvii. col. 253 ; P. /… t. cxxvi, col. 944. C’est la fameuse lettre : Won ignoramus, oùx. àyvoeïv. Elle n’est connue que par un original grec. Le texte latin quon lit dans P. L., est une traduction de Baronius. lai voici les idées principales. Parmi les Crées, écrit Jean VIII, il circule sur notre doctrine des bruits fâcheux ; pour y couper court je vais exposer ce que je pense. « Lorsqu’un de tes envoyés est venu nous consulter sur le symbole, il a bien vu que nous le conservons intact, tel qu’il nous a été transmis dès le commencement, sans addition, ni suppression. Et nous te mandons, au sujet du fameux membre de phrase, que non seulement nous ne le (lisons pas, mais que ceux-là qui ont eu la présomption et la folie de l’ajouter nous les condamnons comme transgresseurs des oracles divins, comme corrupteurs de la doctrine, OsoXoyîaç, du Christ et des saints Pères, qui, réunis en synode nous ont transmis le symbole sacré ; nous les mettons, ces corrupteurs, au rang de Judas, puisqu’ils n’ont pas craint de perpétrer le même crime que lui. en divisant par le schisme l’Église, corps du Christ ». Le pape ajoute qu’il ne lui est pas facile de faire partager par les évêques de son rite ces robustes convictions, il lui semble impossible pour l’instant de faire violence à personne ; c’est plutôt par la douceur quon pourra, dans la suite, détourner les occidentaux de ce blasphème : sed potius mansueludine aliqua hujusmodi homines admonere et paulaiim a blasphemia revocare.

Il n’est pas douteux que cette lettre, si on la croit authentique, ne mette Jean VIII dans une posture particulièrement regrettable. L’historien ecclésiastique Fleury en prend trop allègrement son parti : « Le pape Jean VIII, écrit-il, sachant que les grecs étaient scandalisés de cette addition pouvait avec vérité dire que l’Église romaine ne l’avait point reçue et blâmer ceux qui l’avaient introduite, et s’il use contre eux d’expressions trop fortes, on peut les attribuer à sa complaisance pour Photius et pour l’empereur Basile qui lui a fait faire tant de fautes. Mais il ne touche point dans cette lettre au fond de la doctrine. Ce qui n’a pas empêché depuis les grecs schismatiques de prendre avantage de cette lettre et de tout ce qui fut fait sur ce sujet au concile de Photius qu’ils tiennent pour le vrai VIIIe concile œcuménique. » Histoire ecclés., 1. LUI, § 24. C’est bientôt dit. Mais qualifier de blasphemia soit le Filioque, soit (ce qui est beaucoup moins grave) l’insertion indue de ce mot dans le symbole officiel, on conviendra que c’est plus que fâcheux. Et tout le reste de la lettre témoigne, semble-t-il, que son auteur n’est point en désaccord avec les grecs sur le fond même de la doctrine.

On ne s’étonnera donc pas que, dès l’apparition de ce texte, les érudits catholiques en aient contesté l’authenticité. Hergenrôther, loc. <it., p. 541-§43 a résumé au mieux les arguments d’ordre externe et d’ordre interne qui militent en faveur du caractère apocryphe de cet écrit. Jusqu’à plus ample informé, on peut s’en tenir à sa démonstration, en insistant tout spécialement sur les critères exl rinsèques apportés par cet auteur. Le fait que la lettre ne se trouve point au registre, lequel semble complet pour la période 879-SS2, esi déjà surprenant. M l’on ajoute qu’il n’a été relevé aucune trace d’un original latin de notre document, lequel figure exclusivement dans des mss

grecs et de date récente, et n’a été cité jusqu’au xiv siècle par aucun auteur grec, on se convaincra « pic l’état civil de cette pièce est bien défectueux. Ou. par qui, en quelles circonstances ce faux a-t-il

été fabriqué ? Quelle fui dans sa COnfed ion la responsabilité de Photius/ la chose est. après tout d’importance

ndaire. Il reste que, si dans la question photienne,

VIII. - 2H