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[SAIE, DOCTRINE

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jouir ; etc. Une dizaine de locutions fréquentes dans la

seconde partie ne reviennent que rarement dans la première, ou chez les prophètes prèexiliens, et parfois avec un sens différent, comme’Ebéd Jahoé, sédéq, scddqâh, dans le sens de salut ; sâdaq, dans le sens d’être vrai, d’avoir raison, etc. Plus de trente-cinq expressions se rencontrent dans la première partie, qui ne reviennent jamais dans la seconde. D’autres, comme « en ce jour », reviennent plus de trente fois dans la première partie et une fois seulement dans la seconde, lii, 6. La tournure « il se fera, affectionnée par Isaïe, ne revient que deux fois dans la seconde partie. L’hébreu de cette seconde partie sans être aussi entaché d’aramaïsmes que celui de Jérémie et d’Ézéchiel, n’est cependant plus aussi pur que celui des écrivains du vme siècle, en particulier d’Isaïe. D’ailleurs, dit-on, la pureté relativement grande de la langue des 27 derniers chapitres ne prouve pas nécessairement en faveur de leur antiquité : certains psaumes récents, le livre des Paralipomènes lui-même, sont encore écrits dans un hébreu assez pur.

Au jugement des partisans de la tradition, ces différences de style et de vocabulaire ne permettent pas de conclure à la diversité d’auteurs. Ils les expliquent par la nature différente des sujets traités, par l’âge du prophète. Isaïe aurait composé la seconde partie de son livre vers la fin de son ministère prophétique, et au cours de sa longue carrière, son style, son vocabulaire et sa langue ont pu se modifier quelque peu. — Mais nous possédons aussi, dans la première partie d’Isaïe, des oracles datant de la fin de son ministère, alors que le prophète devait avoir plus de soixante ans, et ces oracles ne se distinguent pas, pour la forme, des prophéties antérieures. Isaïe a-t-il donc changé de manière dans son extrême vieillesse ? On a soutenu aussi que la première partie renfermait le résumé des prédications d’Isaïe, ce qui leur donnerait quelque chose de vivant, d’animé, tandis que les chapitres xl-lxvi auraient été écrits sans avoir jamais été prêches. Mais la différence que l’on constate entre les deux parties il’Isaïe n’est pas précisément celle qui existerait entre la parole vivante et chaleureuse d’un orateur populaire et l’œuvre mesurée d’un écrivain.

Après avoir expliqué les différences, les défenseurs de l’authenticité insistent sur les affinités littéraires incontestables qui existent entre les deux parties du livre d’Isaïe. Ils relèvent aussi un certain nombre d’expressions, caractéristiques d’Isaïe, qui se rencontrent indifféremment dans les deux parties, comme la dénomination de t Saint d’Israël » donnée à Dieu : elle revient dix-sept fois dans la première partie, maisaussi treize fois dans la seconde. Les critiques répondent que l’écrivain de xl-lxvi a connu les prophéties d’Isaïe, dont il a certainement été l’admirateur, le disciple et le continuateur, et qu’en tout cas, les ressemblances entre les deux parties ne prouveraient pas autant pour l’unité d’auteur, que les différences, pour la diversité.

En présence de la complexité du problème que soulève l’authenticité de la seconde partie d’Isaïe, on reconnaîtra que la Commission biblique agit sagement en maintenant, jusqu’à plus ample informé, la thèse traditionnelle de l’attribution à Isaïe. A cette question : Ulrum admilti possil… secundam parlem libri Isaise in qua vales non Judœos Isaiæ eequales, at Judœos in exsilio bnbylonico lugentes oeluli inler ipsos vivens alloquitur et solatur, non posse ipsum Isaiam jamdiu emortuum auctorem habere, sed oporlere eam ignolo cuidam vali inler exsuies viventi assignare ? elle a répondu par la négative. Et les deux réponses qui suivent précisent que les diverses raions, soit d’ordre philologique, soit d’ordre général) apportées en faveur de l’hypothèse critique, ne sont pas suffisantes pour emporter la conviction. Le texte de la Commission biblique dans

Denzinger-Bamrwart, Enchiridion, n. 2115-2119, et dans Cavallera, Thésaurus, n 108.

Pour l’immense majorité des critiques non catholiques, la question de l’authenticité isalenne des chapitres xl-lxvi ne se pose même plus a l’heure actuelle. Mais leur tâche n’est pas finie quand ils croient avoir démontré que ces chapitres ne sont pas d’Isaïe. D’autres problèmes se posent On parlait autrefois du Deutéro-Isaïe, du Grand Inconnu, de l’Anonyme de la captivité. Or, beaucoup de savants contemporains (Duhm, Cheyne, Marti, LIttmann, etc.) ont été amenés, par l’étude des caractères littéraires et religieux de cet ensemble de prophéties, à y distinguer deux groupes dus à des auteurs différents.

Le premier, comprenant xl-lv, appartient à la période exilique, antérieure à l’éditde Cyrus. C’est proprement le livre des consolations, ainsi qu’on l’a défini avec beaucoup de justesse. On donne à l’auteur qui l’a composé le nom de second Isaïe. Ce groupe n’a cependant pas été écrit d’un seul jet. Un examen attentif des circonstances historiques supposées prouve que les chapitres xl-xlviii doivent se placer en 547-546, à l’époque où Cyrus s’avançait triomphalement contre Crésus, tandis que les chapitres xlix-lv précéderaient de peu la chute de Babylone.

L’autre groupe, formé des chapitres lvi-lxvi est un morceau postexilique. Les pièces qui s’y trouvent rassemblées ont été composées après l’édit de restauration de 538. C’est ainsi que lvi, 5-8 suppose manifestement un état de choses postérieur à la captivité : Jérusalem est habitée, le temple existe avec son culte et ses sacrifices. Plusieurs cependant croient encore retrouver dans ce groupe des morceaux du temps de l’exil, lx-lxii, même des morceaux du temps de Jérémie, repris et modifiés par un auteur postérieur, lvt, 9-lvii, 11 » ; lix, 3-15. Dans quelle mesure les chapitres lvi-lxvi peuvent-ils encore être attribués au Deutéro-Isaïe ? Ne faut-il pas admettre un TritoIsaïe ? Plusieurs, à la suite de Kuenen, Kittel, Cheyne, Cramer, songent plutôt à une école influencée par le Deutéro-Isaïe. On le voit, pour la solution du problème de la composition des chapitres xl-lxvi, on est loin d’obtenir parmi les critiques l’unanimité qu’on rencontre dans la négation de l’authenticité isaïenne de ces mêmes chapitres.

III. Doctrine du livre d’Isaïe. — Nous exposerons séparément les enseignements des deux parties du livre d’Isaïe.

I. LA première PARTIE.

Nous étudierons succinctement

les attributs divins et les conceptions de la vie d’outre-tombe., puis nous consacrerons un développement plus considérable aux prophéties messianiques.

Les attributs divins.

 La doctrine de la première

partie du livre d’Isaïe touchant l’unité, la toute-puissance, la souveraineté absolue, la providence universelle de Jahvé, la nullité des idoles est trop claire pour que nous nous y arrêtions. Il faudrait en citer tous les chapitres. Toute l’activité prophétique d’Isaïe se reflète dans la vision inaugurale de son ministère et lui emprunte un cachet particulier : Isaïe est le prophète de la sainteté de Jahvé. L’expression qu’il emploie de préférence pour désigner Dieu, c’est le « Saint d’Israël ». Il s’efforce par tous les moyens de faire prévaloir la conception singulièrement élevée qu’il se fait de la sainteté de Jahvé. Essayer de préciser cette notion, c’est caractériser en même temps le contenu essentiel de la prophétie d’Isaïe.

Une créature est sainte quand elle est mise à part pour un but religieux, quand elle est consacrée à I)ieu. Saint est plutôt opposé a profane qu’a souillé, f l’idée primitive de séparation découle natur< llement celle de pureté, d’absence de souilllure. (tue n IS atta