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JEAN (SAINT), SOTERIOLOGIE


Dieu, puisque sou intervention au baptême du Christ est nettement indiquée, l’évangéliste veut dire seulement que sa mission sanctificatrice n’était pas commencée.

La question se pose de savoir si ce don de Dieu, cette force divine qu’est l’Esprit Saint, n’est qu’un mode de de l’être et de l’activité de Dieu, ou s’il possède une personnalité distincte de Dieu, distincte aussi du Verbe.

1. Il est distinct du Père.

Le rôle de l’Esprit Saint, tel qu’il est décrit dans les discours après la Cène, est bien un rôle personnel : il doit remplacer le Christ auprès des apôtres ; « je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous toujours », xiv, 15, leur servir d’avocat, de guide, de conseiller, leur rappeler et leur faire comprendre les enseignements de Jésus. L’Esprit est même tellement considéré dans le quatrième évangile comme une personne, qu’il est toujours désigné par le pronom masculin èxsïvoç, alors que le nom que remplace le pronom est le neutre we^a. Et sa personnalité est distincte de la personnalité du Père. Le texte : Dieu est Esprit, iv, 24, veut simplement insister sur la nature spirituelle de Dieu, mais ne signifie pas qu’il n’y ait pas de distinction réelle entre Dieu et l’Esprit ; cette distinction est au contraire nettement marquée dans les passages où l’Esprit Saint est représenté comme procédant du Père, envoyé par le Père, donné par le Père.

2. Il est distinct du Fils.

Il y a dans le quatrième évangile des passages analogues qui marquent aussi une distinction réelle entre le Christ et l’Esprit. Envoyé par le Père comme « un autre Paraclet », l’Esprit Saint doit donc être distinct du Christ qui était pour ses apôtres le premier Paraclet, auquel d’ailleurs l’Esprit doit rendre témoignage et qu’il doit glorifier. Cependant beaucoup de critiques et d’exégètes pensent que, dans la pensée de saint Jean, l’Esprit est identifié avec le Christ glorifié. Ils s’appuient sur plusieurs textes où le Christ semble l’aire coïncider son retour avec la venue de l’Esprit, et paraît dire à ses disciples que, par la présence de l’Esprit Saint en eux, il leur sera lui-même présent, xiv, 18-19. Mais ces textes — qui s’entendent beaucoup plus naturellement, on doit le reconnaître, de la présence spirituelle du Christ que de ses apparitions après la Résurrection auxquelles les appliquent certains commentateurs, ou de la parousie — ne prouvent pas que l’Esprit soit identique au Fils, mais expriment simplement l’unité du Fils et de l’Esprit, unité toute semblable à celle qui existe entre le Père et le Fils, et qui fait que recevoir et posséder l’Esprit, c’est recevoir et posséder le Fils, comme posséder le Fils c’est posséder le Père. xiv. 23. Ainsi qu’on l’a très justement fait remarquer, « dans la doctrine de saint Jean, les relations du Fils et de l’Esprit sont celles du Père et du Fils », Lcbreton, op. cit., p. 491, et, puisque le Père et le Fils constituent deux personnalités distinctes, on en peut dire autant, en raison de ce parallélisme, du Fils et de l’Esprit. — On a moins de raisons encore d’identifier l’Esprit Saint au Verbe préexistant, comme l’ont fait plus ou moins nettement les critiques qui voient dans la descente visible de l’Esprit sur la tête de Jésus au moment de son baptême la manifestation sensible de l’Incarnation qui se serait produite à cet instant, le Verbe-Esprit ayant pris alors possession de l’humanité de Jésus (Loisy, op. cit., p. 105). Même dans l’hypothèse — que nous tenons bien entendu pour inadmissible - où saint Jean aurait considéré le baptême du Christ comme le moment initial de l’Incarnation, cette conclusion ne sérail pas justifiée : l’Ksprit interviendrait dans l’Incarnation ainsi comprise de la même façon que saint Matthieu et saint Luc le font intervenir dans la conception miraculeuse

de Jésus, sans pour cela donner à entendre que c’est l’Esprit qui s’incarne dans le sein de Marie.

3. Ses relations avec le Père et le Fils.

De l’ensemble des textes du quatrième évangile qui définissent les relations de l’Esprit divin avec le Père et le Fils, on peut conclure que l’Esprit est au Fils à peu près ce que le Fils est au Père : le Fils témoin du Père, l’Esprit témoin du Fils ; l’Esprit glorifiant le Fils, comme le Fils glorifie le Père ; le Fils envoyant l’Esprit, comme lui-même est envoyé par le Père. Ce dernier texte (ainsi que les autres passages du Nouveau Testament où le Saint-Esprit est désigné comme l’Esprit du Fils, l’Esprit du Christ), montre qu’il y a une relation plus directe et plus immédiate entre le Fils et l’Esprit, qu’entre le Père et l’Esprit. Mais, comme le f ail remarquer justement le P. Lebreton, « même dans ses relations avec l’Esprit, le Fils est dépendant du Père : il envoie l’Esprit « de la part du Père. » xv, 26. Et en définitive, par l’intermédiaire du Fils, qui sollicite et obtient du Père le don de l’Esprit, qui ne donne à l’Esprit que ce qu’il a lui-même reçu du Père, xvi, 14-15, c’est du Père que procède l’Esprit, comme de son premier principe, xv, 26.

III. Sotériologie.

La mission du Verbe incarné est de sauver le monde. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé pat lui. » m, 16-17. Il faut exposer, d’après la doctrine du quatrième évangile, comment Jésus est le Sauveur du monde, et en quoi consiste le salut.

Jésus-Christ Sauveur du monde.

1. Universalité

du saint. — Le mot y.ôajxoç revêt dans le quatrième évangile plusieurs acceptions un peu différentes, Abstraction faite de quelques passages où il désigne l’ensemble des choses créées, i, 9, 10, il s’applique à l’humanité, mais à l’humanité non régénérée par le Christ et soumise au joug du péché : tantôt, comme dans le texte cité plus haut, il s’agit de l’humanité telle qu’elle était avant la venue du Christ, plus souvent il s’agit du monde hostile à l’œuvre rédemptrice, et sous ce nom saint Jean désigne l’ensemble des forces qui s’opposent sur la terre au règne de Dieu, le royaume de Satan, « prince de ce monde », xii, 31 ; xiv, 30 ; xvi, 11, auquel appartiennent ceux qui refusent de croire au Fils de Dieu, tandis que les croyants cessent d’être du monde, pour devenir enfants de Dieu, xv, 19.

Avant la venue du Christ, toute l’humanité était plongée dans le péché, ou, ce qui a le même sens dans la langue johannique, le monde était tout entier dans les ténèbres, les ténèbres étant le symbole de l’ignorance, du mal et de la mort. Le Christ est venu connue la lumière du monde, i, 8 ; viii, 12 ; xii, 35, 46, offrant la lumière de vie à ceux qui marchent dans les ténèbres. Il apporte a ceux qui croient en lui la vérité qui les arrache à l’esclavage du péché, et leur donne la véritable liberté, viii, 32, 35-36. Il leur communique surtout la vie. vi. 35 ; x, 10.

Il est ainsi l’unique Sauveur des hommes, car il est le chemin, la vérité et la vie ; par lui seul on peut aller à son Père, xiv, 7. par lui seul on peut passer des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. Ce sont là deux ordres distincts et entièrement séparés, correspondant sensiblement à ce que la théologie actuelle appelle l’ordre de la nature et l’ordre de la grâce, et qui sont caractérisés dans la doctrine johannique par l’opposition de la chair et de l’esprit. « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Ksprit est esprit, t m, (S. 1.’homme né de la chair, appartient par nature à la chair, et il ne peut s’élever à la sphère du l’Esprit, au monde spirituel et divin, que par une régénération, I une nouvelle naissance, qui le fait enfant de Dieu. Et