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JEAN SAINT), DONNÉES INTRINSÈQUES Dl" QUATRIÈME ÉVANGILE 556

l)t même, si l’on veut apprécier exactement la portée que peut avoir pour le problème de l’origine et de l’historicité du quatrième évangile le caractère particulier des discours de Jésus, tels qu’ils sont rapportés dans cet évangile, manifestement très différents de ceux qui sont contenus dans les synoptiques, il faut noter d’abord, qu’on ne peut rejeter a priori, ire qu’on en ait quelque peu abusé, l’hypothèse d’un double enseignement donné par le Sauveur : enseignement plus populaire, s’adressant aux foules, qui aurait été conservé de préférence par la tradition d’où sont issus les synoptiques, et enseignement plus élevé, plus profond, que Jésus aurait réservé à ses disciples ainsi qu’aux docteurs juifs qui discutaient sa doctrine, enseignement qui formerait la substance des discours johanniques. Il faut remarquer aussi que, à côté de discours d’un caractère très théologique, le quatrième évangile contient beaucoup de sentences et de comparaisons qui ne se distinguent pas de celles qu’on trouve dans les synoptiques, tandis que, d’autre part, il y a dans beaucoup de passages des synoptiques comme une amorce de l’enseignement johannique : ainsi que le remarque Stanton, op. cit., p. 276, « si de telles sentences ont été prononcées, il est improbable qu’elles aient été isolées dans les entretiens de Jésus avec ses disciples ; rien que pour être intelligibles, pour exercer sur les esprits l’impression qu’elles devaient produire, il a fallu qu’elles fussent répétées et développées » ; cela est vrai surtout de certains textes synoptiques qui présentent un caractère johannique si marqué, que certains critiques ont cru devoir, pour cette raison même, et sans aucun autre motif valable, en contester l’authenticité. Cf. en particulier, Matth., xi, 25 ; Luc., x, 21.

Ces remarques, qui permettent de maintenir sans invraisemblance l’authenticité au moins substantielle des discours que l’auteur du quatrième évangile met dans la bouche de Jésus, ne nous autoriseraient pas cependant à en attribuer la rédaction à l’apôtre Jean, s’il était vrai que la doctrine johannique présentât des caractères incompatibles avec l’attribution de l’évangile à un Juif palestinien, tel que saint Jean.

2. Caractères de la doctrine johannique allégués contre l’authenticité de l’évangile. - — Les adversaires de l’authenticité insistent spécialement sur le caractère anti judaïque de l’évangile et sur les traits où se révèle l’influence de la philosophie et de la mystique de l’hellénisme.

a) Il faut reconnaître que l’appellation > les Juifs » est souvent employée dans le quatrième évangile en un sens particulier et peu favorable, pour désigner le groupe des ennemis de Jésus. < >n doit miter cependant que l’évangéliste signale à plusieurs reprises que beaucoup parmi les.juifs crurent en Jésus, viii, 31, et indique comme disciples du Sauveur Nicodème et Jcseph qui comptaient parmi les autorités juives de Jérusalem. Il faut d’autant moins s’étonner que l’auteur ait en quelque manière identifié la nation juive avec ses chefs qui. eux, furent bien les adversaires aclr.irnés de Jésus et de sa doctrine, qu’il écrivait à une époque où l’Église chrétienne s’était complètement séparée

du judaïsme, el aail consl animent a souffrir de l’hostilité des Juifs, hostilité qui s’exerçait contre les disciples comme elle s’était exercée d’abord contre leur Maître. Il suiiit d’ailleurs, pour enlever toute valeur à l’objection qu’on prétend tirer de cette attitude et de ce langage de Jean, de remarquer que saint Paul, qui pourtant ne reniait pas son origine juive, parle des Juifs exactement de la même Façon que le quatrième évangile, où la polémique antijudaïque est même beau coup moins accentuée que dans les épîtres pauliniennes.

P/ i. influence de Philon et de l’alexandrinisme sur

la pensée et le langage de l’auteur du quatrième évangile serait une objection beaucoup plus forte contre l’authenticité johannique, s’il était prouvé que cette influence a été réelle, profonde et intime. De fait, on ne peut nier qu’il y ait certaines ressemblances entre le quatrième évangile, principalement dans son prologue, et la doctrine philonienne du Logos. Mais une étude attentive fait ressortir entre le Verbe de saint Jean et le Logos de Philon des différences si essentielles qu’on ne peut upposcr que la théologie johannique ait sa source dans la conception philonienne. Les rapprochements et les oppositions sont discutés avec précision dans J. Lebreton, Les Origines du dogme de la Trinité, 1e édit., 1919, p. 500-598, note 1. Il suffit d’admettre que saint Jean ait vécu en Asie Mineure dans des milieux familiers avec la philosophie alexandrinc, pour s’expliquer qu’il ait fait quelques emprunts à la terminologie de cette école. Quant à l’idée même du Verbe, c’est dans l’Ancien Testament (livres sapientiaux), et dans la théologie du judaïsme palestinien, sources auxquelles Philon a d’ailleurs puisé largement, qu’il en faut sans doute chercher l’origine.

L’influence du mysticisme hellénistique sur le quatrième évangile, qu’on a signalée récemment comme un facteur important et caractéristique, Loisy, Le quatrième Évangile, 2e édit., est encore moins prouvée que celle de la philosophie et de la théologie philoniennes. Dût-on même en reconnaître la réalité dans une certaine mesure, ce ne serait pas encore une objection décisive contre l’attribution à saint Jean de cet évangile, car les mêmes critiques attribuent aussi une influence considérable aux mystères païens sur la pensée et la mystique de saint Paul. Or, si l’on ne trouve pas invraisemblable que cet apôtre, dont l’éducation première avait été toute judaïque, ait emprunté aux « religions de mystères » des éléments Importants de sa théologie, on ne doit pas trouver plus de difficultés à admettre qu’un long séjour dans des milieux grecs de pensée et de religion ait pu donner à l’apôtre Jean une connaissance suffisante de la mystique païenne pour que sa doctrine et sa terminologie en portent l’empreinte.

Les remarques qui viennent d’être faites sur les principales objections contre l’authenticité du quatrième évangile tirées de l’étude intrinsèque du livre montrent que la solution traditionnelle de la question johannique peut être maintenue, malgré ces dillicultés, pourvu qu’on tienne compte du but de l’auteur, du caractère qu’il a voulu donner à son œuvre, des conditions de temps et de milieu où il a dû la composer. Avant de préciser ces divers points, il convient de mentionner les essais de solution qui ont été tentés dans des voies différentes, en sacrifiant soit l’unité du quatrième évangile, soit son origine johannique directe.

Essais de solution du problème johannique.


Il s’agit de concilier la tradition qui attribue le quatrième évangile à saint Jean et les caractères du livre qui s’accordent malaisément avec cette attribution.

1. Distinction d’éléments divers.

Quelques cri-Uques ont pense’1 résoudre la difficulté en supposant que notre évangile, au lieu de posséder une parfaite unité et homogénéité, serait le résultat d’un travail de rédaction assez complexe, et qu’on y devrait distinguer des éléments johanniques qui formeraient le fond du livre, el des morceaux ajoutés par des rédacteurs ou éditeurs,

Il faut mettre a pari, à ce point de vue. l’épisode de la femme adultère, vu. 5, ’S-vui, 11. Cette péricope est canonique, puisqu’elle figure dans la Vulgate et a été certainement visée dans la décision du concile de Trente relative à l’authenlicil é de cette version. Mais la question de son origine n’est pas nécessairement