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501 JEAN SAINT DONNÉES INTRINSÈQUES DU QUATRIÈME ÉVANGILE 552

voient dans le disciple bien-aimé non point un personnage réel et historique, mais un personnage symbolique, un disciple purement idéal, reconnaissent qu’il doit être une sorte de personnification de l’auteur de l’evanpile, témoin mystique des scènes qu’il raconte.

Qui est ce disciple ? L’interprétation traditionnelle qui identifie le disciple bien-aimé, c’est-à-dire l’auteur de l’évangile, avec l’apôtre Jean est celle qui se dégage le plus naturellement des passages où figure ce personnage. L’interprétation purement symbolique en effet, n’est pas soutenable : que l’évangéliste ait voulu faire du disciple bien-aimé le type d’une catégorie de croyants, l’incarnation d’une certaine qualité de foi, on peut l’admettre ; mais la façon dont ce disciple est introduit, le rôle qu’il joue a côté de personnages très réels, comme Pierre et les autres apôtres, ne sont pas explicables, et les scènes ou il figure deviennent tout a fait invraisemblables, s’il n’a qu’une existence purement symbolique. Quant à l’hypothèse, proposée sous diverses formes par quelques critiques, qui voient dans le disciple anonyme un disciple réel, mais non un des douze apôtres, un disciple dont le nom ne nous serait pas parvenu, elle n’est point sans doute incompatible avec le texte évangélique, mais n’esl-il pas inadmissible qu’un personnage qui aurait vécu à ce point dans l’intimité du Christ n’ait tenu ensuite aucune place dans la tradition chrétienne et qu’on ne sache rien du rôle qu’il aurait dû jouer dans la fondation de l’Église ? Au contraire, tout s’éclaire dans les diverses pages de l’évangile où figure le disciple anonyme, si celui-ci est un apôtre (d’après les synoptiques, les apôtres seuls prirent part à la dernière Cène ;, et, parmi les apôtres, l’un des fils de Zébédée. Aux indications directes que fournit l’analyse du texte évangélique, spécialement i, 35-40, et xxi, 20, s’ajoute d’ailleurs la considération suivante : ne serait-il pas étonnant que le quatrième évangile qui mentionne à diverses reprises plusieurs apôtres : Pierre, André, Thomas, Philippe, Barthélémy (cet apôtre est, d’après l’opinion commune, le personnage désigné dans le quatrième évangile sous le nom de Nathanaël) fasse le silence complet (sauf xxi, 2, où ils sont désignés collectivement comme les fils de Zébédée), sur les apôtres Jacques et Jean, qui pourtant, nous le savons par les synoptiques, étaient parmi les disciples les plus familiers de Jésus ? N’est-on pas fondé a croire dès lors que le disciple anonyme, aimé de Jésus, est l’un des deux frères, et, comme il ne peut être question de Jacques, qui ne saurait être l’auteur réel, ni même fictif, de l’évangile, puisqu’il fut martyrisé en 44, n’est-on pas amené nécessairement à reconnaître en lui l’apôtre Jean conformément à L’affirmation prèsqu’unanime de la tradition ecclésiastique ? Tout au moins doit-on conclure que l’auteur tic l’évangile, s’il n’est pas saint Jean, a voulu se taire passer pour ce ! apôtre, et donner l’impression qu’il était un disciple immédiat du Christ, un témoin oculaire de ce qu’il rapportait.

2° L" prétention manifestée par Vautrind’être un témoin oculaire et un dis/ ; iple de Jésus routarde avec certains caractères de ce livre. L. Précision de certains

détails. - Le caractère de la narration eu beaucoup de

passages du quatrième évangile est tel qu’on doit conclure tout au moins que l’auteur a été Informé du détail des laits pur un témoin oculaire, niais beaucoup plus probablement qu’il a fait lui-même partie des disciples les plus Intimes de Jésus II entre dans de mi nu lieux détails, auxquels on cherche en vain a trouver une signification symbolique acceptable, et qui ne semblent cire rapportes par l’évangéliste que comme

des souvenirs vécus. On peut noter spécialement a ce point de vue la précision des données chronologiques : le jour et l’heure sont souvent spécifiés, I, 29, 35, 39,

43 ; ii, 1 ; iv, G, etc., et topographiques ; la mention du nom de personnages qui n’interviennent pourtant dans le récit que d’une façon très secondaire ; la netteté dans le dessin des caractères des personnages mis en scène. Ces traits sont si frappants que les critiques radicaux doivent dire, pour les expliquer, que l’auteur a délibérément cherché, en affectant cette précision, à donner à son récit « l’apparence de la chose vue » (Loisy, à propos de la scène de l’arrestation de Jésus). Mais il suffit de comparer la manière de l’auteur du quatrième évangile avec la précision apparente et l’abondance de détails qu’on remarque dans les évangiles apocryphes, pour sentir la différence et conclure que dans ce dernier cas on a affaire avec des créations de l’imagination populaire, tandis que les récits johanniques donnent l’impression de souvenirs rédigés par un témoin.

2. Exactitude de l’ensemble.

Cette impression est confirmée par l’exactitude des données contenues dans le quatrième évangile sur la géographie de la Palestine, sur son organisation politique et religieuse au temps du Christ, sur les coutumes et les idées juives à cette même époque, exactitude d’autant plus remarquable que l’état de choses ainsi dépeint avait été complètement détruit à la suite de la prise de Jérusalem en 70 et n’existait plus à l’époque de la rédaction de l’évangile, si bien que beaucoup de critiques adversaires de l’authenticité johannique de cet évangile sont amenés à en attribuer la composition non seulement à un Juif, mais à un Juif palestinien. Ce fait est confirmé par les caractères de la langue grecque du quatrième évangile, qui, bien que peu chargée d’hébraïsmes ou d’aramaïsmes, présente beaucoup de particularités lexicographiques et grammaticales qui rappellent les langues sémitiques (noter spécialement l’emploi assez fréquent du parallélisme et la simplicité extrême de la syntaxe). On a même pu soutenir récemment que notre quatrième évangile actuel suppose un original araméen. Burney, The aramale origin of the jourth Gospel, Oxford, 1922. La connaissance que l’évangéliste avait de la langue hébraïque se révèle d’ailleurs par l’emploi qu’il fait de mots hébreux, dont il indique le sens exact pour ses lecteurs grecs. L’auteur manifeste aussi une connaissance parfaite de l’Ancien Testament, et, si les citations qu’il en fait sont le plus souvent conformes au texte de la version grecque des Septante, en plusieurs cas elles se rapprochent davantage du texte hébreu. Les adversaires de l’authenticité johannique du quatrième évangile signalent, il est vrai, quelques données topographiques ou historiques qui seraient erronées. Mais la mention de localités inconnues par ailleurs, telles que Béthanie au delà du Jourdain où Jean baptisait, i. 28 ; ou Sychar, en Samarie, près du puits de Jacob, iv. 5, si clic n’est pas à expliquer par une altération de noms dans la tradition manuscrite, ne prouve pas une contusion de la part de l’évangéliste, qui pouvait avoir îles informations particulières plus précises sur la topographie des

lieux OÙ se liassent les scènes qu’il raconte. De même, on ne peut conclure du fait que Caïphe est désigné comme i le grand piètre de cette année-là ». xi, 49 ; xvin, 13, que l’auteur ail cru, contrairement à la réalité, que le souverain pontificat était une charge

annuelle : il a sans doute voulu, par cette expression.

accentuer la signification de cette année mémorable. c.c sont la d’ailleurs des difficultés secondaires. Les

objections sérieuses qu’on fait valoir contre l’authenticité johannique du quatrième évangile sont d’ordre plus gênerai et sont fondées sur la nature des laits racontés, sur les tendances et le caractère doctrinal du livre.

3° Objections contre l’attribution du quatrième c’uangile à un témoin oculaire, et particulièrement à l’apôtre