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ducUon à la seconde, elle ne peut s’expliquer dans le livre des Rois, qu’en admettant un emprunt au livre d’Isale. A l’époque de la composition du quatrième livre des Rois, dans la première moitié de l’exil, les deux parties d’Isaïe ne formaient donc qu’un seul livre. Il en resuite que la seconde partie est antérieure à l’exil. Dès lors, il n’y a plus de raison de ne pas l’attribuer à Isaïe. La critique ne sépare d’ailleurs pas ces deux propositions : cette partie n’est pas antérieure a l’exil ; elle n’est pas il’Isaïe.

Nous avons vu que les chapitres xxxvi-xxxix n’avaient pas été rédigés, dans leur forme actuelle, par le prophète Isaïe, que leur place naturelle se trouvait dans le livre des Rois, où ils font partie intégrante de l’histoire, où ils sont conservés d’une façon plus complète et dans un meilleur texte. Ils auront été empruntés au second livre des Rois, pour servir de conclusion historique au livre d’Isaïe, comme c’est le cas pour le chapitre lu de Jérémie. La première partie d’Isaïe a donc joui pendant un certain temps d’une existence indépendante, elle a formé un livre complet, avec ou sans sa conclusion historique, et ce fait crée déjà une forte présomption contre l’authenticité de la seconde partie. L’interversion chronologique qu’on remarque dans les chapitres xxxvi-xxxix peut être attribuée au rédacteur final d’Isaïe qui, lors de l’adjonction de la seconde partie d’Isaïe, aura voulu mettre un certain plan d’ensemble dans le livre définitif. La transposition aura été effectuée ensuite dans le livre des Rois ; elle ne constitue donc aucun argument en faveur de l’existence préexilienne et de l’authenticité de la seconde partie d’Isaïe.

d. — Les défenseurs de l’authenticité de la seconde partie d’Isaïe empruntent un dernier argument extrinsèque à l’influence littéraire exercée par les chapitres xl-lxvt sur les prophètes du viie siècle, Jérémie, Nahum, Sophonie, Habacuc. Il en résulte que ces chapitres sont antérieurs au viie siècle et qu’il faut les attribuer, comme le veut la tradition et comme l’indique la composition actuelle du livre d’Isaïe, au grand prophète du ine siècle.

Dans bien des cas, répondent les adversaires de l’authenticité, la dépendance littéraire n’est pas prouvée. Delitzsch lui-même a reconnu, alors qu’il admettait encore l’authenticité, que les parallèles établis entre Is., xl-lxvi et Nahum n’étaient pas probants. Et lorsque la dépendance littéraire paraît établie, se pose la difficile question de priorité. C’est ainsi que Soph., ii, 15 semble antérieur à ls., xlvii, 8-10 ; et Soph., ni, 10 peut s’expliquer indépendamment d’Is., lxvi, 20. La comparaison de Jer., xxx, 10 sq. ; xlvt, 27 sq. avec Is., xun, 1-6 ; de Jer., vi, 15 avec Is., lvi, 11 ; de Jer., xxxiii, 3 avec Is., xlviii, 6 ; de Jer., x, 1-16 avec I ?., xi.iv, 12-15, etc., ne serait pas non plus favorable à l’intériorité d’Isaïe xl-lxvi.

On fait valoir encore d’autres considérations pour prouver, en particulier, que Jérémie doit occuper une position intermédiaire entre le prophète Isaïe du vine siècle et l’auteur des chapitres xl-lxvi. Ici, l’exil de Babylone est présupposé, il est actuel, partant inéluctable et fatal On ne se préoccupe plus de le prévenir, mais on en prédit brillamment la fin. Jérémie, au contraire, voudrait encore éviter l’exil, qui apparaît comme prochain, mais non fatal : c’est pourquoi il multiplie les appels au repentir et à la conversion. Si Jérémie a connu les oracles d’Is., xl-lxvi, son ministère marque un recul dans le développement de la prophétie ; et si ses contemporains avaient pu lui opposer les promesses magnifiques contenues dans ces chapitres, l’activité de lérémie aurait été paralysée, et son principal effort, frappé d’impuissance. Pour échapper à cette conséquence, quelques partisans de l’authenticité ont supposé que les prophéties de xl-lxvi n’avaient pas été

immédiatement publiées, qu’elles étaient restées Inconnues à plusieurs générations, pour n’être mises au jour qu’au moment voulu, dans le but de consoler les déportés. Cette hypothèse gratuite ruine par sa base l’argument de la dépendance littéraire apporté plus haut en faveur de l’authenticité d’Is., xl-lxvi.

b) Arguments d’ordre interne. — Us sont empruntés à l’horizon historique, aux tendances doctrinales, au vocabulaire et au style de ces chapitres.

a. Horizon historique de la seconde partie — Le prophète Isaïe exerce son ministère dans la seconde moitié du vin » siècle. A cette époque, l’Assyrie détient l’hégémonie dans le monde, Babylone est sa vassale. Aussi, dans les oracles authentiques d’Isaïe, c’est toujours l’Assyrie qui est au premier plan, c’est d’elle que vient le danger. Dans la seconde partie, au contraire, tout comme dans les chapitres interpolés de la première partie, xm-xiv, xxi, etc., il n’est plus question de Ninive et de l’Assyrie, mais de Babylone, et son hégémonie n’est pas prédite, mais supposée. Juda est soumis à une puissance étrangère, le peuple est en exil, Jérusalem est détruite et le temple est en ruines, et cette lamentable situation dure déjà depuis longtemps. xlii, 14, 22, 24, 25 ; xliii, 28 ; xliv, 26 ; xlvii, 6 ; li, 3 sq. ; lii, 5 ; lviii, 12 ; lxi, 4 ; lxiii, 18-19, lxiv, 10-12, etc. Aussi, ceux auxquels le prophète s’adresse, ceux qu’il veut gagner et consoler, au témoignage desquels il en appelle, ne sont pas les habitants de Jérusalem, les contemporains d’Achaz, d’Ézéchias ou de Manassé, mais les captifs, soupirant en exil à Babylone. xl, 21, 26, 28 ; xliii, 10 ; xlviii, 8 ; l, 10-11 ; li, 6, 12, sq. ; lviii, 3 sq., etc. Ils ont longtemps attendu le salut, mais maintenant il est proche ; on tourne les yeux vers Cyrus qui a déjà remporté de grandes victoires, qui abattra la puissance chaldéenne et libérera les exilés, xl, 2 ; xli, 2, sq., 25sq. ; xliv, 28 ; xlv, 1 ; xlvi, 13 ; xlviii, 20, etc. Cyrus est deux fois appelé par son nom, xliv, 2 et xlv, 1. Cette mention d’un nom propre, s’il faut l’attribuer au prophète Isaïe du viiie siècle, constitue un cas absolument exceptionnel dans l’histoire du prophétisme. On ne pourrait pas apporter comme exemple semblable l’oracle d’un prophète du temps de Jéroboam I, annonçant la venue de Josias, III Reg., xiii, 2, car le livre des Rois n’a été rédigé qu’après la réforme de Josias.

Le retour sera suivi d’une grande prospérité, xl, 9-11, etc. Les motifs de confiance sont empruntés à l’omniscience et à la toute-puissance de Jahvé, qui se manifestent déjà dans un commencement de réalisation des prophéties. Jahvé n’abandonnera pas son serviteur Israël : Il était irrité, mus il pardonne, autant pour sa propre gloire, que parce que l’expiation est complète. En un mot, la situation supposée dans ce recueil est celle de l’exil, et l’explication la plus simple de ce phénomène est à chercher dans le fait que son auteur vivait lui-même à cette époque et dans ces circonstances. Il faut d’ailleurs remarquer qu’en dehors de leur réunion accidentelle à la première partie d’Isaïe, ces xxvii chapitres ne contiennent pas une phrase, pas un mot, qui tende à les rattacher, directemment ou indirectement, au filsd’Amos, le prophète du vin » siècle. Les défenseurs de l’authenticité ne peuvent méconnaîtra cette situation, et ne la méconnaissent point. Pour ce qui est tout d’abord de la mention même de Cyrus, ils n’hésitent pas, en général à l’attribuera Isaïe lui-même. Quelques-uns pourtant croient que le nom de Cyrus est une glose marginale introduite plus tard dans le texte lui-même, tout comme le nom de Josias dans III Reg., xiii, 2 (Hanneberg). D’autres croient que Cyrus n’était qu’un titre donné, à une taine époque, à tous les rois de Perse (Jahn). l’cmgstenbergfait de Cyrus un nom honorifique que conquérant de Babylone auraitjpris en se fondan’sur les