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[SAIE, LE LIVRE - W I HENTICITÉ

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l es raisons qu’on apporte pour et contre L’authenticité de la leeonde partie d’Isale peuvent se ranger en

deux classes, selon qu’elles s’appuient sur des considérations extrinsèques ou intrinsèques au livre même.

a) Arguments (Tordre externe. — a. — La tradition juive et chrétienne a attribué à Isaïe les vingt-sept derniers chapitres <lu livre qui porte son nom. L’Ecclésiastique, écrit au début du iie siècle avant notre ère, s’exprime, sur le compte d’Isale, de façon à montrer qu’il le reconnaît aussi pour l’auteur des chapitres xii. xvi : « Sous une puissante inspiration prophétique, il vit les temps à venir, et consola les affligé" ; dans Sion ; il annonça ce qui doit arriver dans toute la suite des temps, et 1rs choses cachées avant leur accomplissement. » Eccli., xi.vin, 23-24. Cet éloge contient des allusions manifestes a Is, XL, 1 ; xi.i, 22 23 ; xui, 9. Le Siracide connaît, sous le nom.d’Isaïe. le même recueil de prophéties que nous, la collection des l.xvi chapitres. Cet le conviction de l’auteur de l’Ecclésiastique ( si partagée par Flavius Joséphe, Anliq., XI, i.l-2 et par les écrivains du Nouveau Testament. Sur 37 citations empruntées aux chapitres xl-lxvi, il en est au moins Il qui sont explicitement attribuées à Isaïe : Is., xi.. 3 et Matth., iii, 3 ; Marc, i, 3 ; Luc, in, 4 ; Joa., i, 23. Is., xlii, 1-4 et Matth., xii, 17. Is., Lin, 1 et Matth., viii, 17. Is., lui, 7 et Act., viii, 28. Is., lui, 1 et Joa., xii, 38 ; Rom., x. 1(>. Is., lxi et Luc, iv, 17. Is., lxv, 1-2 et Rom., x 20-21. L’authenticité de ces chapitres est ainsi garantie par le témoignage des Évangiles et des Épîtres.

Les ad versa ires de l’authenticité s’efforcent d’énerver ce témoignage de la tradition. L’auteur de l’Ecclésiastique ne s’est pas livré à des recherches personnelles sur l’origine de la seconde partie d’Isaïe ; il accepte de confiance l’opinion courante de son temps. Cette opinion est née du fait que depuis longtemps déjà on possédait le livre d’Isaïe dans la teneur que nous lui connaissons aujourd’hui II est possihle d’expliquer, en dehors de l’hypothèse de l’authenticité, comment le recueil d’oracles des chapitres xl-lxvi a pu être joint aux prophéties authentiques d’Isaïe ; et cette juxtaposition aura, à son tour, crée la tradition de l’unité d’auteur du livre d’Isaïe. La réunion des deux recueils peut être l’effet du hasard. L’auteur du second a pu par une fiction littéraire le présenter comme l’œuvre d’Isale. les sopherim ont pu croire que les chapitres xl-lxvi qui présentent, dans la pensée et dans l’expression, d’incontestables affinités avec Isaïe, étaient vraiment sou œuvre. Le Talmud, iv-Mv Baba bailua, N’1 (le iixie dans Cornely, Iniroductio generalis. p. 17), affirme qu’à une certaine époque, sans doute ancienne, le livre d’Isaie se’trouvait placé après ceux de Jérémle et d’Ézéchiel ; comme c’était de beaucoup le moins étendu des trois, on y aura Joint noire écrit anonyme. On forma « le celle manière irois volumes à peu près égaux, auxquels vint se joindre comme quatrième, la collection des douze

petits prophètes, qui Ont toujours ete comptés pour un seul livre.

ie témoignage de Joséphe, qui vivait trois siêeles après l’auteur de l’Ecclésiastique, n’a rien d’étonnant. iie-i naturel que l’écrivain Juif ail partagé l’opinion

i et commune touchanl l’origine Isaïenne des

chap i i. Qfaul en dire autant des écrivains « in Nouveau Testament qui, en citanl le livre d’Isale, ie ii ion1 pas occupés de la question d’auteur, et n’onl pa n’i d’illumination spéciale pour la trancher. Le in lui in mi a pu, sur ce sujet, s’accommoder au lang ; "e coin an i. son in ii n’. i uni pas de nous enseigner l’Introduction a l’Ancien Testament. D’ailleurs, la grandi valeur religieuse que le Nouveau Test a me ni reconnaît i la seconde partie d’Isale, cel Évangile prophétlqui’est nullement diminuée par le fail que l’au teur en serait non pas Isaïe, mais le grand anonyme de la captivité.

b. — L’édit de Cyrus en faveur du retour des exilés de Babylone, tel qu’il est rapporté dans II Par., xxxvi, 23 et Esdr., i. 2-1, trahit dans son contenu el dans sa tonne une dépendance vis-à-vis d’Is., xli, 2-4. 25 ; xuv, 26-28 ; xlv, 1-6, 13 ; xlvi, 11 ; xlviii, 14-15. 11 en résulte que Cyrus a eu connaissance des prophéties de la seconde partie d’Isaïe où son avènement était prédit comme un fait lointain que Dieu seul peut prévoir. C’est aussi ce qu’atteste.losephe, Antiq., xi, 1, 2, au jugement duquel Cyrus, touché par la lecture des antiques oracles d’Isaïe qu’on lui présenta et qui prophétisaient son règne, accorda aux juifs le fameux édit de 538, autorisant la reconstruction du temple. La tradition juive n’a pas hésité à faire un pas de plus et à affirmer que Cyrus s’était converti à la religion de Jahvé.

Il est établi que Joséphe, pour l’histoire de la période perse, n’a pas eu d’autre source que l’Ancien Testament. Ce qu’il raconte de l’influence des prophéties sur Cyrus n’est qu’une amplification de la notice des Paralipomènes et d’Esdras. Si cette notice rapporte la lettre même de l’édit de Cyrus, on peut admettre que 1.’vainqueur de Bahylone a eu connaissance des prophéties qui le désignaient comme l’instrument de Jahvé pour la restauration juive. Mais peut-on en conclure que ces prophéties ont pour auteur le prophète Isaïe du vm c siècle ? Leur influence ne s’explique-t-elle pas aussi bien si elles émanent d’un prophète vivant quelque temps avant l’entrée en scène de Cyrus ? Beaucoup de critiques nient d’ailleurs l’authenticité littérale du décret rapporté par les Paralipomènes et Esdras : la forme du décret vient du chroniste lui-même qui a voulu présenter Cyrus comme l’instrument de Jahvé. En réalité, les mesures prises par Cyrus en faveur du judaïsme ont été dictées par des considérations d’ordre purement politique. On sait aujourd’hui que Cyrus. inaugurant une méthode nouvelle, entreprit de gagner la confiance et l’obéissance de ses sujets, grâce à dis procédés bienveillants et d’une habileté consommée (Gautier, Introduction, t. i, p. 437).

En donnant au décret de Cyrus cette forme spéciale, qui cadre si bien avec l’esprit juif, le chroniste at-il été influencé par la seconde partie d’Isaïe, qu’il aurait donc connue et attribuée au prophète du vin siècle ? Plusieurs le croient, et proposent même de lire dans II Par., xxxvi, 22 et Esdr., i, 1 : « pour l’accomplissement de la parole que Jahvé avait dite par la bouche d’Isaïe » (et non : de Jérémie). Beaucoup d’autres maintiennent en ces endroits la mention de Jérémie, et nient en conséquence que le chroniste ait attribué à Isaïe les chap. xl-lxvi, voire même qu’il ait eu connaissance de ce recueil de prophi tics. D’une part, il est peu probable, s’il s’en est servi, qu’il l’ail attribué à Jérémie ; d’autre part, il ne manque pas de textes, dans le livre authentique de Jérémie, qui pouvaient fournir au chroniste la Justification prophétique de l’acte accompli par Cyrus. Jer., xxv, 10-14 ; xxvii, 7 ; xxix, 10. On est d’autant plus porté à croire que c’est le livre de Jérémie (pli inspire le chroniste, qu’au verset immédiatement précédent, xxxvi, 21, les soixante-dix années de la captivité son] rappelées « afin que s’accomplit la parole que Jahvé avait dite par la bouche de Jérémie. »

C. — Le livre d’Isaïe, dans sa forme actuelle, est antérieur au livre des Rois. Celui-ci reproduit presque littéralement, el avec la même interversion des faits, les chapitres historiques xxxvi-xxxix d’Isaïe Or, si la transposition chronologique constatée dans ces chapi Ires peut s’expliquer (huis le livre d’Isaïe, on lis chapitres xxxvi-xxxvii servent de conclusion à la première partie, d les chapitres xxxviii-xxxix, d’intro-