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JANSÉNISME, LES ARTICLES DE COMMINGES


ques sur l’arrêt du Conseil du 1 er mai par lequel S. M. exhorte tous les archevêques et évêques de son royaume qui n’ont point encore signé ni fait signer le formulaire, de faire leur mandement pur et simple pour procéder à la signature du formulaire, Œuvres, t. xxi, p. 440-458 ; il attaque les évêques courtisans, et, en particulier, M. de Marca, devenu archevêque de Paris et M. de Péréflxe, son successeur à Toulouse. Un nouveau mandement des vicaires généraux (2 juillet 1662) ayant réformé en partie et précisé les prescriptions de ceux du 8 juin et du 31 octobre bre 1661, G. Hermant, on. cit., t. v, p. 486-487, Arnauld reprit ses attaqrcs contre le formulaire dans plusieurs écrits : Nullités et abus du troisième mandement pour la signature du formulaire (8 juillet), Œuvres, t. xxi, p. 159-482 et Nullités et injustices de l’interdiction portée par le troisième mandement et de toutes les censures qui pourraient être faites sur ce sujet (15 juillet). Œuvres, t. xxi, p. 183-510. Ces deux écrits furent saisis et brûlés le 18 juillet, maigre le Factum pour ceux qui ont fait ou imprimé les deux écrits des Nullités contre le dernier mandement de Paris (18 juillet), Œuvres, t. xxi, p. 511-513. G. Hermant, op. cit., t. v, p 494-497.

3° Tentatives il’accommodement ; articles de Comminges. — -Tandis que le P. Dom Pierre de Saint-Joseph prenait la Défense du formulaire et que l’abbé de La Lane réfutait cette défense, afin de terminer les discussions, des conférences s’engagèrent (25 janvier18 février 1663), sur l’ordre de Louis XIV, chez l’évêque de Comminges, Gilbert de Choiseul, entre le P. Ferrier, jésuite de Toulouse et quelques jansénistes notoires : Arnauld, La Lane, Girard, Martin de liarcos, neveu de Du Vcrgier. Mais déjà avant l’ouverture de ces conférences, les écrits d’Arnauld laissaient prévoir leur échec. En effet, dans son Mémoire sur ta proposition d’un accommodement {2 septembre 1662), Œuvres, t. xiii, p. 031-639, dans son Projet d’accommodement entre ceux qu’on appelle jansénistes et ceux qui sont nommés molinistes, concerté entre M. l’évêque de Comminges et le P. Ferrier, S. J., fôi’d., p. 640-66 1, dans un Mémoire où l’on fait voir que c’est une prétention insoutenable de dire que la grâce efficace par elle-même ait été condamnée par les dernières constitutions, ibid., p. 005-070 et dans un autre Mémoire sur la proposition du P. Ferrier, ibid., p. 677-685, Arnauld fait sans cesse des objections. De fait, ces conférences échouèrent et provoquèrent de vives polémiques entre le P. Ferrier et les jansénistes. Dumas, Histoire des cinq propositions, 1. 1, p. 208-318. Le 19 juin, l’évêque de Comminges, avec une procuration des abbés La Lane et Girard (7 juin) écrivit au pape et lui envoya les cinq articles célèbres qui, disait-il, résumaient les opinions des jansénistes :

1° La grâce efficace qui, s"ns nécessite’la volonté, la détermine infailliblement par la vertu de la motion divine, étant nécessaire pour toutes les actions de la piété chrétienne selon la doctrine de saint Augustin soutenue par l’École de saint Thomas, il n’arrive jamais ni que nous priions comme il faut que lorsque l’esprit de Dieu nous lait prier en nous inspirant le mouvement de gémir et de prier ; ni que nous marchions dans la voie des commandements de Dieu que lorsqu’il nous y fait marcher en conduisant nos pas ; ni que nous surmontions les tentations de notre ennemi que lorsque Dieu nous en donne la victoire. Et cependant, puisque les justes succombent quelquefois aux tentations et se laissent aller à divers

péchés, lors même qu’ils veulent et qu’ils B’eflorcent

faiblement et imparfait ement de les éviter, il est manifeste que ces justes qui, dans l’étal de cette volonté faible et Imparfaite, violent les commandements, quoique par leur faute, n’onl pas eu cette grâce

efficace et victorieuse avec laquelle on n’est jamais surmonté.

On peut donc dire de ces justes qui n’ont pas eu cette grande grâce, quoiqu’ils en aient eu une petite et imparfaite, qu’ils ont pu en un sens observer les commandements de Dieu et résister à la tentation et qu’en un autre sens ils ne l’ont pas pu. Car ils l’ont pu, parce qu’ils ont eu non seulement le libre arbitre et la grâce habituelle, mais aussi une grâce actuelle qu’on peut appeler suffisante au sens que les thomistes prennent ce mot, qui suppose la nécessité de la grâce efficace par elle-même.

Mais, parce qu’il n’arrive jamais que celui qui n’a pas la grâce efficace surmonte la tentation comme il faut et que c’est une maxime constante parmi les disciples de saint Thomas que la grâce suffisante étant séparée de l’efficace ne comprend pas tout ce qui est nécessaire pour bien agir, on peut dire, selon le langage de l’Écriture et des Pères, reconnu et suivi par tous les théologiens de l’École de saint Thomas, que ces justes, avec ces sortes de grâces suffisantes, n’ont pu résister à la tentation à laquelle ils ont succombé, parce cpie, n’ayant pas eu la grâce efficace qui leur était nécessaire pour agir, il est clair qu’ils n’ont pas eu un pouvoir qui renfermât tout ce qui était nécessaire pour agir.

2° Il y a deux sortes de grâces intérieures : l’une efficace qui produit toujours l’effet auquel elle porte la volonté : l’autre, inefficace qui excite la volonté à des actions qu’elle n’accomplit pas. L’une est celle que les thomistes appellent simplement, proprement et absolument efficace à laquelle on peut toujours résister, comme ils l’enseignent, quoiqu’on n’y résiste jamais en la privant de cet effet auquel elle porte la volonté : ce qu’ils expriment encore, en ces termes de l’École, disant qu’on y peut résister dans le sens divisé et non pas dans le sens composé. L’aulre est celle que les mêmes thomistes appellent excitante ou suffisante ou inefficace qui sont des mots qui ne signifient tous que la même chose. Et la volonté résiste proprement à cette grâce en la privant de l’effet auquel elle excite la volonté et pour lequel elle donne un pouvoir suffisant au sens des thomistes expliqué ci-dessus, de sorte que la volonté peut y consentir, quoiqu’elle n’y consente jamais, lorsqu’elle n’a pas la grâce efficace, non par le défaut de la puissance qu’on appelle antécédente, mais parce qu’elle se détermine librement ù un autre objet.

Mais quoique cette grâce, considérée en elle-même, soit privée de l’effet auquel elle tend, auquel elle porte la volonté et auquel elle est destinée par la volonté antécédente de Dieu et qu’ainsi il soit faux en ce sens que toute grâce de Jésus-Christ ait toujours l’effet que Dieu veut qu’elle ait, si néanmoins on la regarde dans le rapport qu’elle a à la volonté absolue de Dieu, on peut dire en ce sens qu’elle est efficace, parce qu’elle produit toujours dans le cœur de l’homme ce que 1 >ieu veut y opérer par sa volonté absolue, selon cette maxime constante de l’École de saint Thomas que la grâce qui n’est quc suffisante au regard d’un effet, est efficace au regard d’un autre effet, a la production duquel elle est destinée par le décret absolu de la volonté de Dieu. De sorte que, selon ces théologiens, toute grâce est efficace à l’égard de quelque effet, Bavoir de celui auquel elle est immédiatement destinée et que Dieu veut qu’elle ait par sa volonté absolue.

3° Pour mériter et démériter dans l’étal de nature corrompue, il ne suffit pas d’être exempt de contrainte, mais il faut aussi être exempt de nécessité. Car, encore que la grâce ellicacc par elle-même nous détermine infailliblement et invinciblement à agir et qu’ainsi jamais la volonté ne la rejette actuellement, néan-