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JANSÉNISME, AUTRES DOCTRINES DE JANSÉNIUS


tueuse avec le prurit d’écrire et de multiplier les dissertations et les livres. T. i, 1. VI. c. ii, m ; t. ii, Introduction, c. m.

En morale, la philosophie a élargi les consciences et promulgué des règles nouvelles de plus en plus relâchées, à mesure que les hommes deviennent moins chrétiens ; déjà tout est permis d’après ce principe qu’on peut suivre une opinion moins probable en présence d’une opinion plus probable, car que ne peut-on rendre probable avec un peu de bonne volonté ? T. ii, Introduction, c. vin.

Doctrine.

Pour s’être attaché trop exclusivement

à l’autorité de saint Augustin, Jansénius a méconnu les progrès accomplis par la théologie depuis le ve siècle. Il s’est trouvé amené à défendre sans aucune réserve des thèses avancées parfois un peu rapidement par l’évêque d’Hippone, soit dans l’enthousiasme de certaines découvertes faites par lui (Qmvstioncs ad Simplicianum, I. I), soit dans le feu des discussions avec les pélagiens Alignées par Jansénius suivant toute la rigueur de la méthode scolastique, ces thèses font parfois au théologien moderne l’effet d’erreurs formelles.

1. Transmission du péché originel.

Les modernes dit Jansénius ont imaginé que la volonté d’Adam, par un acte positif de Dieu, représente la volonté de tous ses descendants ; Adam est le chef moral de l’humanité, t. ii, De statu na’uræ lapsæ, t. I, c. v, xvi ; mais il n’en est rien : le seul fait d’être homme explique la transmission du péché originel. Ibid., c. v. La propagation du péché originel se fait par la concupiscence de la chair qui vicie la nature humaine et qui nécessairement préside à la conception de l’homme. Le péché originel a corrompu la nature et la corruption de la racine passe à tous les fruits, ibid., c. vi, xi, xii, xiv ; c’est comme une maladie qui se transmet de génération en génération. La source de cette propagation héréditaire n’est pas la nature et le mariage ou l’union des époux, mais le vice de la nature, la concupiscence qui a corrompu la semence humaine. Ibid., c. vi, viii, xxii. Cela permet de connaître la grandeur de la faute d’Adam qui a perdu toute l’humanité, a corrompu la nature et a précipité l’homme dans l’amour des créatures. Seul, le péché originel est transmis, parce que, seul, il est né de la liberté parfaite et il a fait à la nature humaine une plaie profonde dont Adam ne pouvait la guérir ; ainsi la concupiscence est devenue une propriété de la nature. Ibid., c. xviii, xxi. Cette corruption atteint directement le corps et indirectement l’âme qui lui est unie ; c’est une loi de la chair qui tient l’âme captive sous des appétits inférieurs ; elle enchaîne à tel point notre liberté que, seule, la grâce du Sauveur peut libérer l’âme. Ibid., c. xxii, xxiii. Jansénius nie l’immaculée conception. Ibid., c. ix.

2. Ignorance inuincible.

Les scolastiques enseignent que l’ignorance invincible excuse de toute faute et en cela ils sont d’accord avec la raison humaine, mais en complète opposition avec saint Augustin. En effet, agir contre la loi, c’est véritablement pécher, même si on ne peut savoir et comprendre ce que la loi ordonne. L’ignorance de fait et de droit positif excuse, t. ii, De statu nalune lapsæ, t. II, c. ii, iii, iv, v ; mais l’ignorance de droit naturel est imputable, parce que c’est une peine du péché et qu’elle provient d’un aveuglement coupable de l’intelligence ; par suite, elle n’excuse point. Ibid., c. v, vi ; De statu naturæ puræ, t. II, c. xxii ; t. iii, De gratia Christi, t. III, c. xvii, xviii.

3. Étal de nature pure et de nature intègre.

L’état de nature pure non seulement n’a jamais existé, mais il n’est même pas possible, car la créature raisonnable ne peut être créée sans l’amour du créateur et cet

amour ne peut être que surnaturel, t. ii, De statu naturæ para-, 1. I. c. iii, xvi ; t. II, c. m ; s’il n’en était pas ainsi, le péché ne serait pas imputable à l’homme et toutes ses fautes seraient des crimes de Dieu. L. I, c. xvii, xix. Cet amour suppose la grâce d’adoption. Ibid., c. xviii, xx.

La créature, tant qu’elle est innocente, ne saurait être privée de la vie éternelle, ni être malheureuse. Ibid., t. II, e. iv ; de même, les désirs mauvais qui précèdent l’exercice de la raison ne sont point naturels à la créature innocente ; les mouvements désordonnés de la concupiscence sont déjà mauvais, parce qu’ils sont des désirs de pécher, et, par suite, ils ne peuvent se trouver dans la créature raisonnable innocente, ibid., c. xiii, xiv, xviii, pas plus que l’ignorance de droit naturel, c. xxii.

C’est un blasphème de supposer que Dieu pourrait damner les hommes et les punir de la peine des sens, ibid., t. III, c. i-vi, x-xii ; ce serait une cruauté et une injustice de Dieu d’infliger à l’homme innocent des misères et des peines quelconques. Ibid., c. xiii, xv, xxi.

4. Œuires des infidèles. — Les pélagiens, induits en erreur par les philosophes, enseignent que les in fidèles peuvent avoir de vraies vertus. T. i, t. IV, c. viii. Mais, dit Jansénius, il faut distinguer, dans la vertu, Yaction elle-même et la fin ; si on considère l’acte seul, on peut dire que les païens et les philosophes ont pratiqué certaines vertus, t. ii, De statu naturæ lapsæ, t. IV, c. viii-xh ; mais leurs actes n’étant pas faits pour la fin pour laquelle ils doivent être faits, constituent de vrais péchés. Ibid., t. II, c. v-vm, xvi. Il faut, en effet, que l’acte soit rapporté à sa fin ; sans cela, il est fait autrement qu’il ne doit l’être. C’est Julien d’Éclane qui a imaginé des actions bonnes moralement et inutiles au salut. Ibid., t. III, c. xvii. Il n’y a pas de milieu entre la charité et la cupidité, car il n’y a pas d’autre amour que celui du créateur et celui de la créature. Ibid., c. xix. L’âme, captive du péché, n’agit et ne peut agir que sous l’influence de la concupiscence, t. iii, De grutia Christi, t. I, c. iv, car le péché attache l’âme aux choses créées à tel point qu’elle ne peut s’y arracher, t. ii, De statu naturæ puræ, t. I, c. x ; t. II, c. xx, xxv.

Seule, la charité ou amour de Dieu permet de faire des actions vertueuses, t. iii, De gratia Christi, t. V, c. v, ix, car c’est l’amour qui détermine tous les actes de la volonté.

L’absence de la foi chez les infidèles rend toutes leurs actions mauvaises, car ils n’ont pas la grâce qui suppose la charité. T. ii, De statu naturæ puræ, t. IV, c. m ; t. iii, De gratia Christi, 1. I. c. iv, v ; t. III, c. xi,

XII.

La distinction de l’amour naturel et de l’amour surnaturel de Dieu est absolument inconnue de saint Augustin et des anciens Pères, t. ii, De statu naturæ lapsæ, t. I, c. iii, x, et les raisons que donnent les philosophes, pour soutenir que les actions des infidèles peuvent être vertueuses, ne sont que des niaiseries, ibid., t. IV, c. xvii, xxvii ; les scolastiques, qui sont d’accord avec eux, se sont appuyés sur la raison humaine et non point sur la tradition de l’Église. Ibid., t. IV, c. xxvii.

Il faut que la grâce libère l’âme ; sinon, la volonté ne peut faire aucune action bonne même moralement d’une bonté naturelle qui exclue toute faute ; sans la grâce, la volonté est portée par une nécessité invincible à faire le mal dans tous ses actes. ; par suite, tout acte fait, avant la charité, avant la foi, est nécessairement un péché. Ibid., t. III, c. xiv, xv.

5. La loi mosaïque.

La loi ne donne point la facilité pour remplir les préceptes ; au contraire, elle les rend plus difficiles ; cela tient à la nature même des choses, car un précepte n’est vraiment accompli que