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JANSÉNISME, LES CINQ PROPOSITIONS


Augustin proclame que l’homme ne peut résister à Dieu opérant pur sa grâce. Ibid., 1. II. c. xxvii.

Parfois, sans doute. Jansénlus parle de grâces inefficaces, 1. IV. c. x. de grâces vaincues par la cupidité et se traduisant par des désirs inefficaces, t. VIII, c. ii, mais ces grâces ne sont inefficaces que relativeent au consentement plein, entier et parfait de la volonté ; elles sont réellement efficaces par rapport a l’effet pour lequel elles sont données et qu’elles produisent nécessairement. Ces grâces sont vaincues par la cupidité plus forte qu’elles, mais non point par la volenté qui leur donne nécessairement tout le consentement qu’elle peut donner dans les circonstances et qui ne lui oppose aucune résistance. Toute la résistance vient de la cupidité plus forte et non de la volonté qui attend passivement le résultat du conflit. La grâce obtient toujours son effet adéquat, bien qu’elle n’obtienne pas toujours son effet plein et parfait.

La grâce produit toujours son effet sur la volonté qui ne peut jamais lui résister ; seulement, quand la grr.ee est plus faible que la délectation terrestre, elle fait que la volonté ne veut que légèrement ; tandis que lorsqu’elle est plus forte, elle fait que la volonté veut fortement : Omnis gratia efjicii ut voluntas, sive tenuiler, sive jorliter velit, t. II, c. xxxii ; ainsi l’effet adéquat de la grâce est toujours une volition, mais une volition forte ou une volition faible.

Les jansénistes entendaient bien ainsi le sens de la 2e proposition dénoncée par Cornet. Arnauld dans ses Considérations sur l’entreprise faite par M. Nicolas Cornet, émt : « Le syndic et ses partisans n’ont pour but que de dilïamer la vraie doctrine de saint Augustin qui dit que la grâce de Jésus-Christ propre à la nouvelle loi et efficace ne manque jamais de produire l’effet pour lequel elle est donnée et que les cœurs les plus endurcis ne la rejettent point, c’est-à-dire, ne l’empêchent point de produire cet effet « p. 24.

Le dDcteur Sainte-Beuve, dans ses cours de Sorbonne en 1651, au témoignage de Nicole (Paul Irénée) Disquisitio, iv, a 3, enseignait que cette proposition est vraie, en ce sens que toute grâce, grande ou petite, est irrésistible, parce qu’elle a toujours l’effet pour lequel Dieu la aonne.

Les adversaires des jansénistes sont d’accord, sur le sens de cette proposition, avec les défenseurs de Jansénius.

Bien plus, même après la condamnation par Innocent X, on retrouve chez Arnauld cette thèse : Vera sancti Thomæ de gratia sufficicnle et efficaci doclrina dilucide explanata, a. 11, Œuvres, t. xx, p. 51 ; et encore dans sa Dissertation théologique à l’abbé Hilarion, a. 4. Plus tard, Quesnel soutient les mêmes idées dans ses observations sur divers passages du Nouveau Testament, Joa., xv, 5 ; I Cor., xji, 3 ; Matth., xx, 34 ; Marc, ii, 11 ; iv. 39 ; II Cor., v, 21, et la constitution Unigenitus condamnera des propositions dont le sens est identique. Prop. 2, 9, 10, 11, 21, 31.

3° Troisième proposition.

Ad merendum et demePour mériter et démériter

rendum in statu naturæ dans l’état de nature dé lapsao, non requiritur in hochue, la liberté qui exclut la

mine libertas a necessitate, nécessité n’est pas requise

sed sufficit libertas a coacen l’homme ; la liberté qui

tione.

exclut la coaction sullit.

Cette proposition est condamnée comme hérétique.

La 3° proposition ne se trouve pas explicitement exprimée dans VAuguslinus ; mais elle est la conséquence logique des thèses de Jansénius sur la double délectation : la volonté placée entre les deux délectations céleste et terrestre est nécessairement entraînée

ou au bien par la grâce ou au mal par la concupiscence ; par suite, l’œuvre bonne faite avec la grâce et l’œuvre mauvaise faite avec la cupidité résultent d’une Inéluctable nécessité ; donc, pour mériter et démériter, dans l’état actuel, la liberté de nécessité n’est pas requise et la liberté de coaction ou de cor < trainte suffit.

Jansénius expose très longuement cette doclrim dans les t. VI, VII et VIII de la grâce du Christ, l. in de V Auguslinus : il y parle successivement de la liberté en général, en tant qu’elle est commune à Dieu, aux anges bons et mauvais et aux hommes ; il identifie la liberté ainsi entendue avec le volontaire, avec l’exemption de toute contrainte. Aussi la liberté peut coexister avec la nécessité simple qui est volontaire.

La nécessité qui déterminé la volonté n’est point, par cela même, une négation de la liberté ; en effet, cette nécessité déterminante peut être le fait d’un choix libre, la conséquence d’un acte libre antécédent. De plus, la nécessité antécédente elle-même qui précède tout choix et tout consentement de la volonté ne détruit pas nécessairement la volonté. Jansénius, en effet, dislingue la nécessité antécédente de contrainte ou de violence qui vient de l’extérieur et s’impose à la volonté qui la subit et qu’elle fait agir malgré elle. Cette nécessité détruit la liberté : operatur effectuai suum, ctsi no lis, seu quantumeumque renitaris. .. opponitur volunlcii. Impossibile est enini…. ut id quod fil necessitate, seu nobis nolenlibus fiai nostra voluntate, t. VI, c. vi ; mais la nécessité antécédente simple, sans aucune coaction externe, peut être, suivant les cas, ou volontaire ou involontaire.

La nécessité antécédente simple involontaire précède l’usage de la raison, et, par suite, échappe à la volonté : ainsi les mouvements du cœur, la circulation du sang sont soustraits à l’empire de la volonté et Jansénius les assimile à la nécessité de coaction, puisque tous ces mouvements s’exécutent à l’insu de la volonté.

Mais la nécessité antécédente simple volontaire, laquelle produit une détermination invincible de la volonté qui ne saurait lui résister, suppose une connaissance pleine et entière et ne détruit point la liberté. Tel est, en effet, le caractère de l’amour qu’ont les bienheureux pour Dieu, amour qui est volontaire et libre, bien que nécessaire.

Cette nécessité volontaire peut être ou immuable, perpétuelle, absolue, comme chez les élus, ou bien transitoire, passagère, conditionnelle, comme chez les justes, ici-bas. A un autre point de vue, elle peut se rapporter à l’exercice d’un acte, lorsque la faculté est déterminée à un acte, au point qu’elle ne peut pas ne pas faire cet acte, comme la volonté des bienheureux à l’égard de l’amour de Dieu… ou bien, elle se rapporte seulement à l’espèce de l’acte, de telle sorte que la faculté ne peut faire qu’une espèce d’actes, mais qu’elle peut choisir entre plusieurs actes de cette espèce : telle est la nécessité qui nous porte à aimer le bien en général.

Les thèses de Jansénius sur la liberté en général et sur la liberté requise pour mériter ou démériter indiquent nettement le sens de la 3e proposition.

1. Jansénius place la nature de la liberté en général dans la volonté elle-même qui est essentiellement libre : vouloir et vouloir librement sont deux expressions identiques et il est impossible que la volonté ne veuille pas librement : libéra est voluntas. hoc est, volitio ralione sui, quæ est esscntiulitcr libéra : implicat enim conlradictionem ut volusdas non sit libéra, sicut implicat ut volendo non velimus… hoc est ut non sit voluntas… Voluntas seu volilio et libéra volunlas idem surit, sicut velle et libère vetle et Impossibile est ut velle non sit liberum, t. VI, c. v. Chez tous les êtres