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JANSÉNISME, LES CINQ PROPOSITIONS


vie ; la réprobation, au contraire, est la justice que Dieu fait en les laissant dans cil te masse… »

Ceci posé, nous allons étudier successivement les cinq propositions, en montrant comment elles sont contenues explicitement ou non dans l’Augustinus.

1° Première proposition.

Aliqua Dei pnecepta hoQuelquescommamleinents minibus justis volentibus et de Dieu, pour (les hommes conantibus, secundimi priejustes le voulant bien et s’y sentes quas habent vires, efforçant, sont impossibles à sunt impossibilia ; deest accomplir étant don nets les quoqueillis gratin qua possiforces qu’ils ont actuellebilia liant. ment ; il leur manque aussi

la grâce qui rendrait ces

préceptes possibles.

Cette proposition est qualifiée « comme téméraire. impie, blasphématoire, digne d’anathème et here tique. »

De l’aveu des jansénistes, cette proposition se trouve à peu près en propres termes dans l’Augustinus, De gralia Christi, t. III, c. xiii, où Jansénius dit que certains justes ne peuvent accomplir certains préceptes à cause de leur volonté infirme.

De l’examen du contexte, il ressort très nettement que Jansénius ne parle point de tous les justes, mais seulement de quelques-uns, qui, à de certains moments, sont dans l’impossibilité de remplir des commandements, parce qu’ils n’ont pas actuellement la grâce nécessaire pour vaincre la concupiscence : Vires ud fæiendum quod præcipitur, homo eliam fidelis et justus non semper habet intégras, sed ex ipsa lenlatione divisas. … Illum implendi talia pracepta difficultatem inde profteisci quod…. vires voluntatis infirmas sunt propter concupiscentium a Dolendo bono retrahenlem.

De quelle nature est cette impuissance ? Le c. xv permet de répondre à cette question. Jansénius y distingue quatre sortes de pouvoirs : 1. Un pouvoir très éloigné qui vient de la seule volonté, en tant qu’elle est Qexible au bien et au mal et qu’elle n’est ancrée ni dans le bien comme celle des bienheureux, ni dans le mal comme celle des damnés ; ce pouvoir existe chez tous les hommes, tant qu’ils sont dans la vie d’épreuve ; 2. un pouvoir plus prochain qui vient de la foi et qui ne se rencontre que chez les (idoles, lesquels, seuls, par la foi, connaissent Dieu ;  :  !. un pouvoir encore plus prochain qui vient de la charité ou grâce habituelle qui justilie l’homme ; ce pouvoir n’existe cpie chez les justes ; 1. enfin un pouvoir très complet qui vient de la grâce actuelle victorieuse de la concupiscence et qui fait faire le bien, en sorte que l’homme qui a reçu cette grâce non seulement peut ce qu’il veut, mais, en réalité, veut et fait ce <|u’il peut.

Par suite, relativement à l’accomplissement des commandements, l’homme peut se trouver dans une quadruple impuissance : la première est caractérisée par l’incapacité absolue de se tourner vers le bien : c’est le cas des damnés ; la seconde vient de l’absence de la foi : c’est le cas des infidèles ; la troisième vient de l’absence de la grâce sanctifiante : c’est le cas du pécheur ; enfin la quatrième vient de l’absence de la grâce actuelle victorieuse ; c’est le cas des justes qui transgressent les préceptes. Cette grâce actuelle de qui dépend l’acte bon n’est point au pouvoir de l’homme même justifié et, par conséquent, le juste qui n’a pas cette grâce est dans l’impuissance d’obscrvr les commandements et de bien vivre.

Mais le juste cpii est ainsi dans l’impuissance actuelle d’observer le précepte, n’est-il pas excusable de le

violer ? Jansénius distingue ici deux sortes d’Impuissances : l’une provient de l’absence de quelque chose qu’on ne peut se procurer, quelque effort que l’on comme, par exemple, l’Impuissance de faire

l’aumône, quand on n’a rien. Dieu n’ordonne jamais

de commandements à l’égard desquels nous serions dans une telle impuissance. Mais il y a une autreimpuissance qui vient du défaut de notre volonté elle-même, de la volition, qui, si, elle existait comme elle le devrait, observerait aisément le commandement. Cette impuissance non seulement n’excuse pas, mais elle rend plus criminel : « car, écrit Jansénius, encore que les hommes se soient mis dans la nécessité de pécher, néanmoins ils font le mal et avec toute la liberté qui est possible, puisqu’ils le font quand il leur plait et ils n’ont rien tant en leur pouvoir que les actions qu’ils commettent, après en avoir contracte de grandes habitudes. » Cette impuissance accompagne et ne précède pas l’acte ; elle n’est pas cause qu’on fait ce qu’on ne voudrait pas faire ou qu’on ne fait pas ce qu’on voudrait et devrait, mais elle se rencontre seulement avec la volonté de ceux qui agissent, laquelle est tellement disposée que, quand bien menu ils pourraient faire autrement, cependant ils ne l( voudraient pas, leur affection étant tellement attachée à la nature qu’il n’v a rien qu’ils ne quittent pour elle. L. III, c. xv.

Les jansénistes ont toujours dit que cette impuissance vient du défaut de volonté et c’est pour cela que le juste est coupable de ne pas observer les commandements : il le pourrait, s’il le voulait..Mais ne faudrait -il pas dire plutôt que le défaut de volonté vieil i précisément de cette impuissance ? On ne veut pas, parce qu’on ne peut pas. En elïet, d’après Jansénius. non seulement le juste ne veut pas pleinement et parfaitement observer les commandements, mais il ne peut pas le vouloir, car il lui manque et le vouloir et le pouvoir de vouloir, puisque, seule, la grâce victorieuse (qu’il n’a pas) peut donner le vouloir et le pouvoir. L. IV, c. vu ; t. VII, c. n. m. Donc, quand il n’a pas la grâce victorieuse, le juste non seulement ne veut pas, mais ne peut pas vouloir le bien. Par conséquent, lorsque manquent à la fois et l’action et le pouvoir, ce n’est pas l’impuissance qui provient du défaut d’action, mais c’est le défaut d’action qui provient de l’impuissance, car l’action suppose le pouvoir d’agir, tandis que le pouvoir d’agir ne suppose pas l’action.

Bref, on peut dire que l’impuissance d’observer les. commandements vient du défaut de volonté, mais le défaut de volonté vient de l’impuissance de vouloir et cette impuissance de vouloir vient de l’absence de la grâce victorieuse ; ou, en d’autres ternies, le juste n’observe pas les commandements, parce qu’il ne veut pas les observer, mais il ne veut pas les observer, parce qu’il ne peut pas les observer et il ne peut pas les observer, parce qu’il n’a pas la grâce victorieuse, qui, seule, donnerait le pouvoir de vouloir et de faire.

Ce défaut de volonté qui engendre l’impuissance d’observer les commandements est quelque chose de nécessaire qui dérive du péché originel et dont la volonté ne peut se délivrer, puisqu’avant d’avoir reçu la grâce, elle est sous l’empire de la concupiscence victorieuse. L. IV, c. vu et c. xi tout entier.

L’impuissance où se trouve la volonté, laissée à ses propre^ forces, d’observer les commandements est ou bien 1. absolue, immuable, permanente, comme chez les damnés qui, dit Jansénius, J)c gratin Christi. 1. V 1 1. c. xi : Amissa irreparabilite.r bene volendiet bene faciendi poluiate, solius mali potestatem et liberlatem habent, ou bien 2. relative, transitoire, passagère : c’est le cas de l’homme voyageur, lorsque la cupidité l’entraîne au mal ; la grâce peut devenir victorieuse en lui, et dès lors, l’impuissance n’est que temporaire et relative aux forces actuelles qui, dominées par la concupiscence, peuvent triompher avec une grâce victo rieuse ; la volonté peut changer, soit que la concupi Cence diminue, soit que la grâce augmente. L. VIII,