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JANSÉNISME, LA FRÉQUESTE COMMUMOX

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manentes, comme le délai de l’absolulion et la privation « le l’eucharistie.

Arnanld accepte la distinction de Petau sur les dispositions, mais il applique autrement les principes posés par lui : il faut, pour la communion, l’union divine à quelque degré et cet amour peut et doit exister chez tout adulte qui a reçu le baptême. Le communiant doit apporter la plus grande pureté de cœur, s’appliquer aux lionnes œuvres pour obtenir le pardon des péchés véniels ; la confession ne suffit pas et le confesseur doit être très prudent dans les conseils qu’il donne de communier plus ou moins souvent.

Dans une seconde partie, Arnauld a groupé les pièces justificatives : il cite des passages des Pères et des théologiens depuis l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe qui raconte la légende du jeune homme envoyé en pénitence par saint Jean, jusqu’au cardinal de Bérulle, en passant par Denys l’Aréopagite, les grands Cappadociens, les Pères les plus illustres de l’Église latine, les réformateurs des ordres religieux et enfin saint Thomas, saint Bonaventure et saint François de Sales.

Le nouvel ouvrage fut accueilli très froidement par la cour et par Mazarin qui auraient souhaité le silence, mais il eut un grand succès auprès du public et produisit à Rome un effet plutôt heureux à cause des précisions qu’il apportait à certaines affirmations du livre de la Fréquente communion. G. Hermant, op. cit., 1. 1, p. 249-256.

Alors parut un écrit qui pouvait être compromettant pjur Arnauld ; il arriva pour son livre ce qui était arrivé pour VAugustinus : certains de ses adversaires avaient ramené ses thèses aux théories calvinistes. Un ministre protestant, Théophile Brachat de la Milletièrc (1596-1665) qui devait abjurer le calvinisme en 1645, publia en 1644, avec l’appr bation de trois docteurs de Sorbonne, un ouvrage intitulé : Le pacifique véritable. Le ministre y déclare que les opinions du docteur Arnauld doivent produire l’union des deux églises, car les protestants peuvent, dans l’ensemble, accepter les thèses d’Arnauld sur la contrition, la pénitence publique pour les péchés graves, même secrets, sur la nécessité de la satisfaction avant l’absolution sacramentelle. Comme cet écrit avait été approuvé par trois docteurs de Sorbonne, la faculté de théologie dut l’examiner, car son honneur était engagé. Dans les séances des 18 et 25 juin 161 1, la Sorbonne censura le livre comme « contenant plusieurs propositions fausses, erronées, injurieuses à l’Église, contraires au concile de Trente et hérétiques. » La faculté exigea la rétractation des trois docteurs, niais déclara qu’elle ne voulait juger que le livre du ministre protestant. Arnauld se sentit visé par certaines dénonciations de Milletière et écrivit le 18 juin une Lettre aux archevêques et évêques approbateurs de sun livre de la fréquente communion. Cet écrit se trouve à part sous le titre : Défense de la vérité catholique conlre les erreurs et les hérésies ; et dans les Œuvres d’Arnauld, t. xxviii, p. 529-567. Arnauld relève les accusations portées contre lui par le protestant ; elles montrent, dit-il, le caractère catholique de ses affirmations et sont la justification de son livre : cette doctrine est éloignée et du rigorisme protestant qui nie le pouvoir de l’Église ei enseigne la nécessité de la pénitence publique pour tous les péchés mortels et du laxisme des casuistes qui, par leurs coupables Indulgences, nuisent au bien « les fidèles. Des pamphlets que les jansénistes attribuent aux jésuites se

multiplient, imprimés et manuscrits. L’un d’eux affirme l’identité doctrinale des deux livres d’Arnauld et de Milletière, Application de lu censure intitulée le paci flque véritable au livre de la Fréquente communion.

Les polémiques continuent en d’innombrables écrits qu’il est impossible d’analyser ou même d’énu

mercr. Les uns prêchent la concorde, comme l’exoralorien Hersent et Fr. Irénée ; d’autres attaquent avec vivacité, comme le P. Yves, capucin, qui s’attire une réponse mordante. Un écrit anonyme attribué à Henri de Bourbon. Remarques chrétiennes et catholiques sur le livre de la Fréquente communion, fait appel au bras séculier ; d’autres travaillent a séparer Arnauld des évêques approbateurs de son livre, Paradoxe par lequel il est démontré que le livre de la Fréquente communion n’estapprouvé d’aucun prélatou autre docteur en théologie. L’auteur de ce dernier écrit s’appuie sur la lettre des 5 et 20 avril 1644, envoyée au pape et signée de neuf prélats approbateurs du livre d’Arnauld (les sept autres se trouvaient dans leurs diocèses). Cette lettre essayait d’indiquer la pensée nette d’Arnauld : « Non seulement il ne combat pas la participation très fréquente de la sainte eucharistie, mais il exhorte les fidèles et ne reprend que leur mauvais usage : il soutient qu’on peut quelquefois différer l’absolution, mais non pas qu’on la doive différer toujours ; il enseigne qu’elle ne déclare pas seulement que le péché est remis, mais qu’elle opère aussi la rémission du péché et qu’elle confère la grâce ; son dessein n’est pas de rétablir la pénitence ancienne et publique, mais il montre que ceux qui se portent volontairement, avec la grâce de Dieu, à en pratiquer quelque partie, sont plus dignes de louanges que de blâme. Il ne prescrit pas pour loi à tout le monde l’ancienne coutume de faire pénitence qui est établie par l’autorité des papes, des Pères et des conciles, mais il la propose aux seuls pénitents volontaires…. Il exhorte tellement aux plus grandes choses qu’il ne condamne pas celles qui sont moindres. » A la même époque, un anonyme voulait établir la Conformité des principes du livre de la Fréquente communion avec ceux de Marc Antoine de Dominis. tandis que le [P. Petau publiait un Abrégé de la doctrine du livre de la Fréquente communion et de sa réfutation. Comme toutes ces attaques atteignaient plus ou mflins Port-Royal, les amis d’Arnauld crurent nécessaire de le défendre.

L’Apologie jwur M. Arnauld, docteur de Sorbonne conlre un libelle publié f>ur les jésuites, intitulé : Remarques judicieuses sur le livre de la Fréquente communion, se montre particulièrement vive contre les jésuites dont on souligne « la mauvaise foi et les impostures » ; on dénonce la morale relâchée des jésuites, leur opposition à Rome, leur fourberie manifestée par leurs attaques anonymes. » On critique spécialement les Remarques judicieuses, parce que « c’est un ramas de toutes les injures qui sont éparses dans les autres et un abrégé de toutes les impostures et de toutes les faussetés qui s’y remarquent contre la doctrine des saints Pères. » Préface, p. 5 ; cet écrit indique clairement « combien cette Société est animée de l’esprit de cabale et de faction. » On vante en même temps la douceur et la patience d’Arnauld.

De son côté, Arnauld, pour montrer que sa doctrine n’est point une nouveauté, essaya en 1645 de met Ire en relief son parfait accord avec les anciens jésuites eux-mêmes, saint Ignace et saint François-Xavier, et, en particulier, avec un compagnon de saint Ignace, le P. de Bonis. Sentiments du P. de Bonis, Jésuite, (Furies t. xxviii, p. 193-528, Arnauld tentait d’abritVr sa doctrine derrière l’autorité de ce religieux cl s’élevail « conlre les médisances atroces et les impos tures scandaleuses des adversaires de la pénitence el des ennemis de la hiérarchie. »

Mais en ce moment même. Arnauld commençait à prendre ouvertement la défense de VAugustinus ;

beaucoup de théologiens restaient inquiets. De vertueux personnages se montraient nettement hostiles à Port Royal, en particulier, M. Vincent. Le général de

l’Oratoire, le P. Bourgoing. enjoignait à tous ses