Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/239

Cette page n’a pas encore été corrigée
459
460
JANSÉNISME, LA FRÉQUENTE COMMUMOA


jours, tandis que les pénitents sortaient de l’église avant la célébration des saints mystères, tandis que les chrétiens qui avaient commis un péché mortel étaient privés de la communion pendant plusieurs Jours et même pour des années. Arnauld cite Gennadius qui n’ose conseiller la communion quotidienne aux âmes exemptes de fautes mortelles, parce qu’elles ont encore quelques légères blessures. Pour communier tous les dimanches, il faut se purifier des fautes légères par les prières et les larmes et n’avoir point la volonté engagée dans ses péchés véniels. « Les Pères, ajoute Arnauld, nous apprennent que le moyen de devenir digne de la communion, lorsqu’on s’en est rendu indigne par des péchés mortels, c’est de s’en tenir séparé pour quelque temps et, durant ce temps, de se purifier par les retraites, par les jeûnes, par les prières et par les aumônes. »

Telle est la pratique ancienne des Pères ; telle est la pratique autorisée par le concile de Trente et par saint François de Sales.

Arnauld trace ensuite des règles particulières en opposition absolue avec celles que donnait le P. de Sesmaisons. La communion hebdomadaire ne doit pas être conseillée à toutes sortes de personnes, car elle requiert des dispositions qui ne sont pas communes parmi les chrétiens ; elle suppose un attachement ferme au bien. L’habitude du péché véniel doit éloigner de la communion.

Le P. de Sesmaisons avait dit qu’il est meilleur et plus utile pour ceux qui se sont rendus coupables de péché mortel de communier, aussitôt après s’être confessés, sans prendre le temps nécessaire pour se purifier par les exercices de la pénitence ; Arnauld soutient un avis opposé. La pénitence publique dans l’Église primitive était imposée à tout péché mortel public ou privé et la discipline pénitentielle dont parlent les Pères s’applique à tout péché mortel commis après le baptême, car l’homme qui a perdu la grâce doit tout d’abord travailler pour fléchir la colère de Dieu par ses prières, par ses larmes et par ses bonnes œuvres. Aussi tous les Pères imposent un délai pour la communion à tous ceux qui ont péché mortellement et ils parlent au nom de la vérité ; sans doute, à cause du relâchement des mœurs, l’Église, par condescendance, peut provisoirement tolérer une conduite différente, mais l’enseignement positif de l’Église primitive subsiste toujours et les directeurs zélés doivent s’inspirer de cette pratique pour sauver les âmes. Par suite, le confesseur doit éprouver son pénitent et lui imposer des actes qui pourront manifester sa vraie contrition. Le IIe concile de Latran, le concile de Trente autorisent cette pratique et saint Charles de Milan, après le concile de Trente, essaya de réintroduire dans son diocèse l’ancienne discipline de l’Église. En fait, Arnauld préconise la nécessité, ou, du moins, l’opportunité d’une pénitence rigoureuse.

D’après ces principes, Arnauld applique à la communion, et, en particulier, à la communion fréquente des règles strictes qui pourraient avoir pour effet d’éloigner de la communion la majorité des fidèles. La communion doit toujours opérer en nous une union plus étroite avec Noire-Seigneur, siiu ii, elle est inefficace, donc mauvaise ; la négligence pour l’acquisition de la vertu est la source ordinaire des communions mauvaises ; Il faut être possédé d’un étrange aveugk ment pour n’être pas touché par sa propre expérience et n’entrer pas pour le moins en quelque crainte que toutes nos confessions et que toutes nos communions ne soient autant de sacrilèges, lorsque nous voyons iblement qu’elles n’ont produit aucun amende ment en notre vie

On ne saurait calculer les conséquences désastreu is d’une fréquentation trop facile des sacrements.

Aussi l’auteur reproche-t-il aux jésuites <Kdétruire la vraie discipline chrétienne et de corrompre les cœurs. « C’est une chose horrible que l’on n’a jamais vu davantage de confessions et de communions et jamais plus de désordre et de corruption.

En résumé, Arnauld, dans son exposé objectif de la discipline pénitentielle, est à peu près d’accord avec le P. Petau, mais il prétend que cette discipline est fixe dans l’Église, car elle résume l’enseignement unanime des Pères auquel l’Église actuelle peut tout au plus déroger pour un temps ; mais elle s’impose comme un dogme immuable auquel l’Église ne peut rien changer.

Arnauld ne voit dans la communion qu’une sorte de récompense de la vertu et non point un aliment pour la vertu ; c’est comme le couronnement d’une vie sainte qui consiste dans une union plus intime avec Dieu et non point un moyen d’entretenir la vie divine et d’acquérir des forces pour résister et pour progresser. Le but assigné à la communion par Arnauld explique, en partie, les conditions rigoureuses qu’il exige pour la réception de ce sacrement.

2. Polémiques autour du livre.

Le livre eut un succès immense. Le respect d’Arnauld pour les conciles et pour les deux grands évêques, saint François de Sales et saint Charles Borromée, les exagérations trop réelles de certains casuistes et les réflexions de quelques chrétiens plus sévères qui affirmaient la nécessité d’une réforme, la piété austère préconisée par Arnauld expliquent ce succès. Une autre raison qui ne nous frappe plus aujourd’hui attira l’attention des contemporains, comme le note le P. Rapin, Me rnoires, 1. 1, p. 22 : « Outre qu’on n’avait encore rien vu de mieux écrit en notre langue, il y paraissait quelque chose de l’esprit des premiers siècles et un caractère de sévérité pour la morale qui ne déplaît pas tout à fait au génie de notre nation, quoiqu’un peu libre dans ses manières. Un livre si bien écrit ne put pas éblouir les yeux sans surprendre les esprits ; il fut d’abord bien reçu de la plupart du monde. »

Seize évêques de France et vingt docteurs de Sorbonne envoyèrent des approbations et saluèrent cet ouvrage comme un livre providentiel destiné à combattre la morale relâchée. La première édition fut épuisée en quelques jours et’a quatrième paraissait au bout de six mois.

Cependant le P. Nouet, jésuite, attaqua la Fréquenle communion dans une série de sermons où il exagérait les thèses d’Arnauld et où il atteignait indirectement les évêques approbateurs. Dans un Avertisement sur quelques sermons prêches à Paris, placé en tête de la seconde édition de la Fréquente communion, Arnauld attribue les violences du P. Nouet à la jalousie des jésuites contre Port-Royal et à leur rancune contre les évêques qui « avaient censuré tant de livres de leurs religieux. » Le P. Nouet se compromit encore en poursuivant ses attaques, malgré les défenses de l’archevêque de Paris qui lui avait ordonné de garder le silence. G. Hermant, Mémoires, 1. 1, p. 214-218.

Les évêques s’assemblèrent à Paris le 29 novembre 1643, contre la volonté de Mazarin ; ils condamnèrent les sermons de Nouet comme « téméraires, présomptueux, tendant à renverser les plus saintes maximes de l’Évangile, à semer le schisme et la division parmi les catholiques et eut retenir le relâchement de la discipline ecclésiastique, à ruiner l’autorité des Pères et des conciles, et, généralement, celle de tous les évêques et de la hiérarchie. » Puis les évêques imposèrent à. Nouet de lire à genoux devant l’assemblée une rétractation de ses sermons et ils le déclarèrent interdit jusqu’à ce qu’il eût donné satisfaction à l’archevêque deJParis. Procès verbal… envoyé à Mes-