Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

JANSÉNISME. LA II ! lijC 1. I L ((> M M C.V H) A

458

ferme des contradictions et condamne la notion de liberté telle qu’elle est fournie par les théologiens et, en particulier, par saint.Thomas La liberté peut parfaitement coexister avec la nécessité interne et. quoi qu’en disent les jésuites, cette thèse n’est nullement calviniste. C’est ce que prouve un ouvrage anonyme paru eu 1644 et qu’on attribue à I.ibcrt Fromond : Chrysippus seu de libero arbitrio epistola circularis ad philosophos peripatelicos, in-8°, 1644. L’auteur, dans un style mordant, attaque le P. Petau et veut montrer que la nécessité ne détruit pas la liberté, car celle-ci, d’après les philosophes et les théologiens, ne requiert point un équilibre de la volonté entre deux actions : la volonté est naturellement portée vers ce qui paraît le meilleur et cette inclination nécessite la volonté et cependant n’ôte pas la liberté : il suffit que la liberté se meuve pour qu’on puisse c’ire qu’elle est libre.

Pour réfuter le Prædeslinalus du P. Sirmond, le neveu de Saint-Cyran. Martin Barcos, reprend les mêmes thèses sous le pseudonyme d’Auvray : Censure d’un Hure que le P. Sirmond a fait imprimer sur un vieil manuscrit et qu’il a intitulé : Pra’destinatus, in-8°, 1644. L’auteur signale, en termes plutôt vifs, les erreurs, hérésies, extravagances, faussetés, fables, ignorances grossières de cet écrivain qui ne fait que rééditer les objections des pélagiens et des semi-pélagiens et qui aurait dû intituler son livre : Reprobatus. L’ouvrage publié par Sirmond n’est qu’une supercherie semi-pélagienne par laquelle on a inventé l’hérésie prédestinatienne. Le semi-pélagianisme se manifeste nettement par l’interprétation fantaisiste qu’on fait de l’Écriture et par les théories qu’on soutient relativement à la prédestination, à la grâce et aux actions des infidèles. Barcos conclut que l’hérésie prédestinatienne n’a existé que dans l’imagination dessemi-pélagiens et que cette prétendue hérésie est la doctrine propre de saint Augustin sur la prédestination et la réprobation. Le même ouvrage reparut en 1645, dans le temps où un anonyme publiait les Difficultés sur la bulle qui porte défense de lire Ja sénius, afin de protester contre le mandement de l’archevêque de Paris et d’empêcher l’acceptation d3 la bulle.

Le livre de la Fréquente communion.

1. Occasion

et analyse du livre. — -Le livre qui, après V Augustinus, allait soulever les plus vives polémiques pendant un siècle, parut en 1643. C’est la Fréquente communion. Arnauld reprenc" au p’int de vue moral et disciplinaire les accusations portées au point de vue doctrinal par Jansénius et Saint-Cyran contre certaines directions à l’œuvre dans l’Église catholique et qui auraient abandonné la tradition apostolique. Dans cet ouvrage, Arnauld a systématisé, exagéré et faussé peut-être le rigorisme de Saint-Cyran. Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, t. iv. La conquête mystique, L’école de Port-Royal, p. 134-148. Il est donc nécessaire de donner des détails sur cet ouvrage capital pour l’histoire du jansénisme.

On connaît l’occasion qui donna naissance à cet écrit. La marquise de Sable, dirigée par le jésuite de Sesmaisons (1588-1648), malgré sa vie mondaine, communiait au moins tous les mois et n’hésitait pas à se rendre au bal le jour où elle avait communié ; par contre, son amie, la princesse de Guéméné, dirigée par Saint-Cyran, se montrait severe et était scandalisée de voir sa rivale communier si souvent : les deux « lames discutèrent. La marquise de Sable remit à son confesseur les objections de Madame de Guéméné avec un petit traite de Saint-Cyran. Aussitôt le I’. de Sesmaisons songea a réfuter les thèses rigoristes de Saint-Cyran et il composa un petit opuscule : Question s’il est meilleur de communier souvent que rarement ? qu’il donna à sa pénitente. Le Père, s’appuyant sur la tradition de l’Église, conseillait la communion hebdoma daire qui ne requiert aucune disposition extraordinaire ; la grâce sanctifiante et la dévotion actuelle suffisent pour îa communion fructueuse et l’exemption du pèche véniel n’est pas requise.

Saint-Cyran lut l’écrit et fut indigné de cette doctrine qu’opposait à la sienne ce directeur relâché ; il fallait dénoncer ces « séducteurs d’âmes ». Saint-Cyran avait déjà composé, lui-même, un petit traité : La théologie familière, qui reflétait ses propres théories sur la pénitence et l’eucharistie et ses vues personnelles sur la confession annuelle et la communion pascale. Après la mort de Richelieu, les amis de Saint-Cyran firent une réédition du traité amendé et corrigé et cependant l’archevêque de Paris, par un mandement du 27 janvier 1643, avait défendu « d’enseigner publier ou retenir ce petit livre, parce qu’il pouvait induire des esprits à erreur », mais il retira cette défense pour ne pas compromettre Saint-Cyran qui sortit de prison le 6 février 1643, mais qui mourait peu après, le Il octobre de la même année. C’est pour défendre son maître qu’Antoine Arnauld composa son ouvrage intitulé : De la fréquente communion, où les sentiments des Pères, des papes, des conciles touchant l’usage des sacrements de pénitence et d’eucharistie sont fidèlement exposés, in-4°, 1643. L’ouvrage, publié séparément, se trouve aussi dans les Œuvres d’Arnauld, t. xxvii, p. 71-693.

Ce livre se présente comme la justification des idées de Saint-Cyran. Arnauld accuse le P. de Sesmaisons de « détourner les âmes de la voie étroite de l’Évangile…, de porter indiscrètement toutes sortes de personnes à participer très souvent à ces mystères terribles, de s’opposer à l’esprit de pénitence, d’en abolir les plus saints exercices comme contraires à l’usage de l’Église. »

Une longue préface qu’on a attribuée au neveu de Saint-Cyran, Martin de Barcos, expose la méthode et le plan de l’ouvrage : il suivra l’anonyme sur son propre terrain, celui de la tradition et il montrera les trois erreurs fondamentales que celui-ci a voulu établir : 1. l’Église n’a jamais exigé une pénitence avant la communion ; 2. le délai ne nous rend pas plus disposés ; 3. en s’abstenant de communier avec cet esprit, on ne rend pas plus d’honneur au saint-sacrement.

Il est faux que l’Église n’impose plus cette préparation à la communion pendant plusieurs jours, car des conciles provinciaux, de grands théologiens et le concile de Trente conservent la pratique de se préparer à la communion par une pénitence de quelques jours. La communion joue sans doute un rôle capital dans la vie chrétienne et les confesseurs doivent préparer leurs pénitents à recevoir ce sacrement, mais on peut s’en priver et les er priver par esprit de pénitence, afin de se mieux préparer ; c’est là « une grâce bien particulière à laquelle il est louable d’obéir, bien que… particulièrement pour ne pas paraître singulière, elle devrait communier plus souvent…

Le chrétien doit se préparer au sacrement de pénitence par des œuvres et ensuite doit accomplir fidèlement la satisfaction imposée par le confesseur, salisfaction qui doit toujours être proportionnée à la gravité des fautes. Il serait souhaitable qu’on rétablit la discipline pénitentielle de l’Église primitive, spécialement de l’Église au iv « et au v siècles, de 370 à 450, époque de sa splendeur. Aussi Arnauld va exposer et décrire la pratique des sacrements de pénitence < i d’eucharistie au iv° siècle et tirer de ce tableau les règles qui doivent ou qui, du moins, pourraient être rétablies à l’époque actuelle.

La première partie étudie la pratique de la communion dans l’Église primitive, d’après l’Écriture et les Pères qu’on a invoqués en faveur de la communion fréquente. Dans l’Église primitive seuls, ceux qui ont conservé la grâce baptismale communient tous les