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451 JANSÉNISME, PREMIÈRES LUTTES, BULLE IN EMI.ETI

le concile de Trente et la condamnation de Baius. Le chapitre cinquième compare les opinions de Jansénius à celles des protestants, telles qu’elles venaient d’être récemment exposées au synode de Dordrecht. Enfin le dernier chapitre relève les impostures !  ;  !) et contradictions de l’évêque d’Ypres qui suspecte d’hérésie tous les Pères antérieurs à saint Augustin et qui exagère, pour l’opposer à la tradition catholique, l’autorité de saint Augustin : le docteur de la grâce, même sur la question de la grâce, n’est point infaillible. 3eaucoup d’hérétiques, en particulier, les protestants et Baius, ont abusé de l’autorité de ce Père.

Quelques docteurs de Louvain répondirent aussitôt à cette attaque sous le nom de Jacques Zegcrs, l’imprimeur de Y Auguslinus, Querimonia Jæobi Zegers. Les polémiques continuent des deux côtés et le P. Vivier se lait surtout remarquer ; puis les deux exécuteurs testamentaires de Jansénius : Fromont et Calénus entreprennent de justifier leur maître : ils veulent montrer que Jansénius ne fait que reproduire les thèses de saint Augustin, particulièrement en ce qui concerne la volonté de Jésus-Christ touchant le salut des hommes ; ils provoquent leurs adversaires à une discussion publique, tandis que Jean Sinnich, docteur de la faculté de Louvain, soutient que saint Augustin et ses deux disciples saint Prosper et saint Fulgence ont toujours enseigné, contre les ennemis de la grâce, que Dieu n’a pas voulu, d’une volonté proprement dite, sauver indistinctement tous les hommes. Les écrits anonymes et les pamphlets se multiplient.

A Louvain, deux partis se forment. Le chancelier Libcrl Fromont, publie l’Anatomia hominis qu’il dédie au cardinal Barberini ; il y réédite les thèses principales de Jansénius. On imprime, en latin et en français, le Pèlerin de Jéricho, Peregrinus Hierichuntiis, hoc est, de natura humana féliciter instituta, in/eliciter lapsa, miserabiliter vulnerata, misericordiler restaurata. Cet écrit dédié au pape Urbain VIII, composé en 1625, par Florent Connus, religieux de l’observance de Saint-François et archevêque de Tuam, mort en 1621, n’avait pas encore été publié. (Ce même auteur 1res estimé et un peu jalousé par Jansénius avait déjà publié le Traclalus de slatu paruulorum sine baplismo (tecedentium qui se trouve à la fin del’Ait^us/miisdans les éditions de Paris et de Rouen.)

Entre temps, l’ouvrage de Jansénius avait paru en France et avait été imprimé à Paris avec l’approbation de plusieurs docteurs de Sorbonne, amis de Saiut-Cyran ; mais on agissait discrètement pour ne pas provoquer la colère de Richelieu et aggraver la situation de Saint-Cyran alors emprisonné ; d’ailleurs le nonce Grimaldi avait reçu de Rome l’ordre d’arrêter toute polémique. Mais les discussions devinrent très vives dès le lendemain de la mort de Richelieu (4 décembre 1042), tandis que Pinternonce de Bruxelles, Paul Richard Stravius, et le nonce de Cologne, Fabio Chigi, le futur Alexandre V 1 1, annonçaient lés graves troubles suscités par la question de la grâce.

2. A Rome.

Un décret de l’Inquisition du I er août 1641 défendit la lecture de V Auguslinus et supprima en même temps les thèses des jésuites ; mais l’université de Louvain hésita à recevoir ce décret : elle voulait avoir l’assentiment de l’archevêque de Malines et du conseil de Brabant.

Par un bref du Il janvier 1612, Urbain VIII reproche à l’université de Louvain sa désobéissance et lui fait grief d’avoir demandé à des magistrats de S’opposer à la publication du décret du Saint-Offlce. Pendant ce temps, le neveu de l’évoque d’Ypres, Jean Jansénius, faisait une longue requêto au roi (février 1642) pour le prier de suspendre le décret du Saint-Office, en attendant plus ample instruction sur la

doctrine de son oncle ; à cette requête étaient jointes les approbations accordées à l’Augustinus par les docleurs de Louvain et de Paris, pdr le clergé de Hollande et divers ordres religieux. Gerberon, Histoire du jansénisme, t. i, p. 38-45.

L’université reçut le bref du pape au mois de mars ; elle répondit aussitôt qu’elle n’avait point fait appel aux magistrats, mais la faculté de droit refusa de signer cette réponse qu’elle regardait comme mensongère.

Cependant, à Rome, le pape faisait examiner le livre de Jansénius par la S. C. de l’Inquisition ; après le rapport des consulteurs, il ordonna à Albizzi, assesseur de cette congrégation, de dresser une bulle de condamnation. Gerberon, op. cit., t. i, p. 75, prétend que le pape ordonna seulement à Albizzi de préparer une bulle pour renouveler la condamnation faite par Pie V et Grégoire XIII, sans nommer aucun auteur, afin simplement d’arrêter les discussions ; or le sieur Albizzi, infidèle à cet ordre, aurait nommé Jansénius et aurait déclaré, à l’insu du pape, en termes exprès, que l’Augustinus renferme et soutient, au grand scandale des catholiques et au mépris de l’autorité du Saint-Siège, plusieurs propositions condamnées par ses prédécesseurs ; le pape aurait signé la bulle sans la lire.

La bulle était datée du 6 mars 1642 ou plutôt du 6 mars 1641, car, dans le style çïc la cour romaine, l’année ne commençait que le 25 mars et, par suite, le 6 mars était un des derniers jours de l’année 1641.

Cependant la bulle n’avait pas encore été publiée. C’est l’opposition des docteurs de Louvain qui provoqua la promulgation de la bulle In eminenli le 19 janvier 1643. Elle fut imprimée à Cologne avec la date du 6 mars 1642, tandis qu’à Anvers, elle portait la date du 6 mars 1641. Texte dans Duplessis d’Argentré. Collcctio judiciorum, t. m b, p. 244.

La bulle In eminenli rappelle les bulles de Pie V et de Grégoire XIII, puis les décisions de Paul V qui, en 1611, avait défendu de publier des écrits sur la grâce sans l’autorisation expresse de l’Inquisition ; cette décision avait été renouvelée par Urbain VIII lui-même, le 12 mai 1625. Pour cette raison, la bulle condamnait l’Augustinus et, en même temps, les thèses des jésuites. De plus, une lecture rapide de V Auguslinus a permis de constater que ce livre renferme des propositions déjà condamnées par les bulles de Pie V et de Grégoire XIII contre Baius ; c’est pourquoi la bulle approuve en tout et pour toujours. par la présente constitution qui aura force à perpétuité, la teneur desdites constitutions des papes Pie, Grégoire et Paul ; elle défend " sous toutes les peines et censures contenues dans la Constitution de Pie (dont personne que le souverain pontife ne pourra absoudre sinon à l’article de la mort)… de parler, écrire, disputer touchant les articles condamnés et contenus dans ledit livre (l’Augustinus), ni touchant les autres articles, opinions, sentiments, libelles, discours, écrits, lettres, thèses, marqués ci-dessous et de garder ou lire l’Augustinus et les autres ouvrages susdits. » On cite nommément la Brcvis Anatomia hominis de Libert Fromont et le Conventus A/ricanus.

Aussitôt les amis de Jansénius poussent des clameurs contre la bulle ; ils en nient l’authenticité et Arnauld publie alors ses premiers écrits en faveur du jansénisme. Ce sont les deux Observations contre la bulle prétendue. (Pour tous ces ouvrages on trouvera les titres complets et les références exactes à la Bibliographie, col. 470.) Pour le jeune écrivain, la bulle est remplie d’erreurs, clic porte des dates différentes ; elle est supposée ou du moins falsifiée ; elle est certainement l’œuvre d’un faussaire, probablement des jésuites, bien que les thèses des jésuites soient, elles aussi, condamnées ; elle a été composée par François Albizzi