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    1. JANSÉNISME##


JANSÉNISME. L’AUGUSTINUS, T. III. LA PRÉDESTINATION 434

duire les bonnes œuvres que suppose la prédestination ; c’est l’impiété des pélagiens. c) Le principe du bien est mêlé, chez l’homme, à celui du mal et l’homme est prédestiné selon les mérites produits par le principe du bien ; c’est la rêverie des manichéen. L’Église a défini que ce n’est ni au commencement de la foi, ni aux bonnes œuvres du libre arbitre, ni au mérite de la nature bonne qu’il faut attribuer la prédestination, mais à la seule volonté de Dieu. Il n’y a pas d’autre prédestination qui’la prédestination gratuite, due à la miséricorde de Dieu, c. vi.

2. La prédestination gratuite (c. vii-ix). — La prédestination toute gratuite, de laquelle seule il s’agit chez saint Augustin, après son épiscopat, est la prévision et Ja préparation des bienfaits et des grâces qui ici-bas font vivre saintement les élus et les font parvenir au ciel. En quoi consiste cette prévision ? A ce sujet, on peut distinguer trois opinions principales : a) les uns regardent cette prévision comme une science de simple intelligence qui représente à Dieu toutes les choses possibles et le dirige dans la liberté de ses décrets ; b) les autres font consister la prévision dans la science moyenne par laquelle Dieu connaît quelles sont les grâces qui opéreront le salut, si elles sont accordées ; c) les autres enfin identifient la prévision avec la science de vision par laquelle Dieu voit tout ce qui doit être en réalité avec les circonstances qui accompagnent les faits. Saint Augustin ne parle pas des deux premières opinions et ze rattache très certainement à la troisième, car il dit que, par la prédestination, Dieu a connu de toute éternité ce qu’il devait lui-même exécuter dans le temps ; c’est un effet futur qu’il a connu dans son décret, non comme simplement futur et demeurant dans le possible, en tant qu’il est l’objet de la science de simple intelligence ; il prévoit son propre ouvrage et non ce que les hommes feront (science moyenne). D’ailleurs la science moyenne est incompatible avec la grâce efficace

Cependant la science de vision ne constitue pas essentiellement la préiestination, car celle-ci consiste dans un décret de la volonté divine. La science de vision ou prescience se rapporte à l’intelligence divine ; la prédestination se rapporte à sa volonté. Mais comme les semi-pélagiens prétendent que la foi des hommes est soumise à la prescience divine qui la prévoit et non point à la prédestination qui ne la donne point, saint Augustin a été amené à parler souvent de cette science de vision, après avoir prouvé que la foi et les bonnes œuvres n’ont pas été prédestinées sans avoir été prévues, car rien n’est prédestiné qui n’ait été prévu. Saint Augustin a, d’ailleurs, précisé sa pensée et distingué la prédestination de la prescience ou science de vision : la prédestination ne regarde que les œuvres de Dieu, tandis que la prescience porte même sur les œuvres de l’homme, sur les péchés par exemple. La prédestination suppose la prescience, mais ne s’identifie pas avec elle ; la prescience est une simple constatation des faits et de tous les faits, même des péchés des hommes ; la prédestination ne comprend que ce que Dieu fait lui-même ; par suite, la prescience est beaucoup plus étendue que la prédestination : tout ce qui est prédestiné est prévu, mais tout ce qui est prévu n’est pas prédestiné.

En résumé, la prédestination est une sentence définitive de la volonté divine, definitam sententiam voluntati

  • , c. vu.

La prédestination gratuite a pour effet de délivrer les élus de la servitude du péché, de ce funeste esclavage qui nous assujettit sous la loi du péché, de la damnation encourue parle péché. La grâce et la gloire sont l’effet total de cette prédestination gratuite, car la grâce nous arrache au péché et à la damnation. Dieu discerne les hommes : il retire les uns de la masse de

perdition où tous les hommes sont engagés par le péché originel et il laisse les autres dans cette masse. On ne doit pas distinguer la prédestination à la grâce et la prédestination à la gloire, car toutes les deux sont les effets de la même cause qui les produit également : la prédestination a la grâce entraîne la prédestination à la gloire. En effet, la grâce et les bonnes œuvres que nous faisons dans le temps ont été prédestinées de Dieu de toute éternité, à cause de la faiblesse actuelle de l’homme qui, par lui-même, ne peut faire aucune bonne œuvre ni acquérir aucun mérite. Dieu met la grâce en nous et, par la grâce, les bonnes œuvres et les mérites depuis le commencement de la foi jusqu’à la persévérance finale qui est suivie de la gloire. Ainsi le dessein de Dieu est de sauver quelques hommes et de les conduire à la gloire par des moyens infaillibles, tandis qu’il laisse les autres, par un juste jugement dans la masse de perdition. Donc, par la prédestination, Dieu prépare à la fois la fin et les moyens, c’est-à-dire, la gloire avec la grâce qui produit les bonnes œuvres et la persévérance.

La masse de perdition dont parle saint Paul représente la nature humaine corrompue par le péché d’Adam, péché qui, par la concupiscence, passe à toute sa postérité et enveloppe tous les hommes. La prédestination éternelle gratuite délivre de cette masse et la réprobation y laisse ; par suite, être délivré de cette masse, c’est être prédestiné ; y demeurer, c’est être réprouvé. Aussi, la grâce du Sauveur est vraiment une grâce médicinale, une grâce, libératrice, c. vin.

La masse de corruption dont parle Augustin, après saint Paul, c’est toute l’humanité ; et la corruption qui fait fermenter cette pâte à la façon du levain, c’est non seulement la faute et l’iniquité du péché originel et des péchés actuels, mais encore toutes les suites funestes du péché : la concupiscence, le refus des grâces, les guerres, les misères de cette vie, la mortalité du corps, la servitude de l’âme, ses chutes et enfin la damnation éternelle. Être tiré de la masse de corruption, être discerné, c’est être délivré, par la miséricorde de Dieu, de tous ces maux. Trois châtiments nous accablent : le péché, la tentation, la mort. La grâce nous arrache à cette masse, par la justification qui chasse le péché ; par la grâce actuelle, elle nous fait triompher des tentations ; par la gloire, elle détruit la mort. Tous ces bienfaits dépendent uniquement de la volonté miséricordieuse df^ Dieu qui délivre qui il lui plaît, sans que les hommes contribuent et puissent contribuer en rien à cette délivrance, parce que tous sont également enfoncés dans la masse de perdition. Un homme n’est séparé de cette masse que si, par un décret libre, Dieu le délivre de tous les maux par la rémission du péché, la grâce victorieuse et la résurrection glorieuse. Ainsi le prédestiné est séparé de la masse avant même d’être baptisé, d’être converti, même lorsqu’il vit dans le péché jusqu’à la conversion que Dieu opérera dans le temps marqué par son décret. Par contre, les réprouvés, même dans ! e temps où ils vivent pieusement, ne sont point tirés de la masse ; on les appelle enfants de Dieu, mais comme ils vivront un jour et mourront dans le péché, en vertu du décret de Dieu, la prescience de Dieu ne les appelle point enfants de Dieu : ce sont toujours des réprouvés. Cependant au moment où ils sont en état de grâce, ils n’ont pas simplement une justice apparente, selon les expressions de Calvin, ils sont vraiment justifiés selon la justice présente et s’ils mouraient en ce moment ils seraient vraiment sauvés ; mais ils ne sont pas des enfants de Dieu selon l’élection et la prédestination divines, car celle-ci ne regarde que ce qui est éternel ; ils ne sont pas tirés de la masse de perdition, parce qu’ils ne sont pas délivrés de tous les maux et Dieu ne les en a pas délivrés