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JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. 11. LE PÉCHÉ ORIGINEL

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Mais saint Augustin déclare que là où il n’y a pas de voloate.il n’y a pas de péché ; comment dès lors le pêche originel peut-il être péché chez l’enfant ? Ici Jansénius se sépare nettement de son maître Baius. Le péché ne vient point de la volonté personnelle de l’enfant, mais de la volonté d’Adam qui, par sa malice, a vicie la nature humaine jusque dans ses racines les plus profondes, c. iv. Saint Augustin n’admet paint l’existence d’un pacte qui aurait établi Adam chef et représentant de l’humanité tout entière. Le péché se transmet simplement par la concupiscence de la chair, c. v ; celle-ci corrompt la nature et se transmet avec elle, raJix ipsa vitiala ex qaa propago ducenda ; hujusrnjdi radicis oitium in frucUbus in.le nascenlibus oslenditur. La génération transmet le péché aux enfants par le moyen de la coucupiscencequi demeure toujours même chez les plus saints et qui se manifeste même chez les plus innocents, spécialement dans l’usage du mariage, sans porter préj udice d’ailleurs à la sainteté des noces. Dans l’acte de la génération, il y a Dieu qui donne la nature et le démon qui communique le péché. Cette concupiscence qui accompagne l’acte de génération, toujours mêle de plaisirs et de voluptés, se transmet à l’enfant chez qui elle existe non point à l’état habituel ni actuel, mais à l’état virtuel, quia uirtule est in semine.Ld transmission du péché originel se fait comme celle des maladies héréditaires, mais d’une manière absolument infaillible, parce que la génération se fait toujours dans l’acte même de la concupiscence, en sorte que la concupiscence, c’est-à-dire le pèche originel, préside toujours à la conception même de la nature humaine, c. vi. C’est pour cela que les parents baptisés transmettent le péché originel à leurs enfants qu’ils engendrent dans la concupiscence, c. vu et via ; aussi Jésus-Christ n’a été exempt du péché originel que parce qu’il n’est pas né d’un homme et d’une femme, mais, par contre, la saiute Vierge a été conçue dans le péché originel, quia per œsluanlem libidinem genila est, c. ix. Cela ressort nettement, dit Jansénius, des livres de saint Augustin contre Julien. Cette thèse a été combattue par les pelagiens, c. x, mais elle^st défendue par saint Augustin (dans quinze livres : dans le I er livre De nuptiis et de concupisçenlia, dans les s.x livres contre Julien, dans les cinq livres de Réponses à Julien et dans les trois livres qu’il préparait quand la mort le surprit, c. XI. C’est la doctrine formelle de l’Église, c. xii, et celle de tous les anciens Pères après saint Augustin jusqu’à l’âge des scolastjques, c. xiii. Saint Augustin enseigne cela comme une vérité catholique : jusqu’à l’an mille et plus, dit Jansénius, les théologiens enseignent expressément ces deux thèses de saint Augustin : la concupiscence avec la - faute constitue le péché originel ; c’est par cette concupiscence, — le vice propageant le vice — que le péché originel se transmet à la postérité d’Adam, c. xiv. Toujours saint Augustin affirme que le péché originel est transmis par la concupiscence contenue virtuellement dans la semence humaine, mais il a hésité jusqu’à la fin de sa vie au sujet d’une question qui touche à celle-ci, la création des âmes. Comment concilier l’existence du péché originel avec une création nouvelle ? Cette hésitation du grand docteur vient dejson désir de sauvegarder la justice divine dans la damnation des enfants morts sans le baptême. C’est là évidemment une grosse difficulté que saint Augustin n’a jamais résolue, bien qu’il soit toujours resté très ferme dans sa thèse sur le péché originel et son mode de propagation par la concupiscence. D’ailleurs, les modernes, en supposant un pacte qui établirait Adam représentant de l’humanité, ne font que compliquer les difficultés. E.i effet, dans cette hypothèse, Dieu seul est coupa.de. paUqu’il veut et fait, par sa seule volonté, que l’enfant soit lie par la volonté de ses parents avec

lesquels il n’a rien de commun, puisqu’il fait et veut que l’enfant soit coupable d’une faute, alors qu’aucune souillure ne lui est, en fait, communiquée. La thèse de saint Augustin est beaucoup plus logique. En vertu de la génération qui transmet naturellement la tache reçue des parents, une âme récemment créée est souillée ; il n’en peut être autrement d’après les lois com.n.mes aux ^générations des animaux. C’est une maladie héréditaire qui passe de père en fils. Reste la seule difficulté aperçue par saint Augustin : Un Dieu juste peut-il envoyer une âme innocente dans un corps qui, par son union avec elle, la rendra pécheresse ? Dieu peut-il créer une âme pour la damner ?

Jansénius propose ici une thèse qui lui est personnelle pour résoudre cette difficulté. Dieu continue de faire l’œuvre que l’homme, par son péché, a profondément troublée. Il devait créer des âmes pour les unir à un corps sans tache. L’homme a souillé ce corps sorti innocent des mains de Dieu. Dieu, justement, continue de créer des âmes innocentes pour les corps. Si cette âme est contaminée par cette union, c’est uniquement la faute de l’homme. L’iniquité de la première âme incorporée, du premier corps animé d’où tous les hommes devaient naître dans la suite des temps, s’est introduite dans l’oeuvre de Dieu et a corrompu la nature. A qui la faute ? Dès lors, le Dieu très juste devait-il changer ses lois, pour que l’âme innocente qu’il crée s’unissant à un corps formé et souillé par la concupiscence, ne contracte pas de péché par son union avec ce corps ? Il ne serait pas juste que le péché de l’homme vînt bouleverser l’établissement le plus sage, surtout lorsque le Créateur ma’nifesiiait, pour sauver cette âme déchue, la même immensité de sagesse et de bonté qu’avant la prévarication, c. xv.

D’ailleurs quelque difficulté qu’il y ait à entendre les thèses de saint Augustin, il faut les suivre. La clarté des opinions en théologie est souvent suspecte et dangereuse ; souvent la foi doit faire croire ce que la raison ne saurait expliquer. C’est le propre des hérétiques de dire : Comment cela peut-il se faire ? Ce qu’il y a de certain, c’est que saint Augustin ne fait jamais appel à un pacte ; voilà le fait ; il ne donne d’autre raison de la transmission du péché originel que l’extrême faiblesse et la blessure faite à la nature par le péché d’Adam ; il parle de maladies héréditaires (cécité, goutte) qui se reproduisent simplement par contagion, naturatiquodam o peranle conlag io… naturale contagium, c. xvi, et il laisse aux médecins le soin d’expliquer comment la concupiscence s’imprimedans la semence humaine. Il parle seulement de faits qui peuvent fournir des analogies : cuncta generantia similem sibi fœlum sioe specie siue naturalibus qualitalibus proférant… Qusin id.nxium JElhiopes, quia nigri sunt, nigros gignunt…. qualilales transeunt njn ernigrando, sed affleiendo, c. xvii. La concupiscence, que saint Augustin définit effreniias appelilus sensiliDi, peut croître ou décroître, comme une habitude, mais sans jamais disparaître ; elle adhère fermement, quoiqu’accidentellement. à la nature dont elle fait, pour ainsi dire, partie ; par suite, elle se propage avec la nature, comme une qualité qui l’affecte, qualitas aflectionalts, c. xviii. Le péché originel se transmet avec et par la concupiscence qui préside à la conception de l’enfant, tout comme se transmettent l’im igination, les désirs ardents, c. xix. Elle a vicié la nature à son origine et elle continue de la vicier dans le germe même ; c’est un vice permanent qui, par ses excitations inquiètes, par son ardeur turbulente, agite les époux dans la propagation de l’espèce humaine, c. xx.

Dans les trois derniers chapitres, Jansénius cherche avec saint Augustin la cause profonde qui a pro luit en Adam et dans sa postérité ce vice héréditaire et se du i i I ; corn nent un accident corporel peut exercer