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343 JANSÉNISME, L’AUGUSTINUS, T. II. MÉTHODE DE LA THÉOLOGIE

suprême tic vérité ; ici, au contraire, l’Église tire sa science, non pas de tous les Pères et docteurs qu’elle conseille d’habitude pour terminer les controverses,

mais elle les puise dans saint Augustin seul. Ce que je n’oserais dire si tous les savants n’étaient d’accord sur ce point : tous les décrets par lesquels furent écrasés les subtils ennemis de l’Église, autrefois dans les conciles de Cartilage et d’Orange et, plus récemment au concile de Trente, sont empruntés mot à mot à saint Augutin ; toute l’Église a jugé que les doctrines de saint Augustin sont dogmatiques et canoniques. La plupart des autres chefs de doctrine se rattachent à lui. « Nous montrerons, dit Jansénius, que presque toutes les vérités dont on dispute dans ce siècle ont été défendues par saint Augustin et l’Église catholique comme étant de loi catholique. »

Il est absolument dangereux de chercher de nouvelles voies sur la question de la grâce, sous prétexte que saint Augustin a laissé subsister certaines difficultés ou que des théologiens plus récents ont apporté de nouvelles lumières, c. xxvi. C’est dans saint Paul et dans saint Augustin qu’il faut chercher les principes sur la grâce et c’est de saint Paul que saint Augustin a tiré, comme de leur source, toutes ses thèses sur la corruption de la nature, sur la grâce et la prédestination ; aussi il faut étudier avec persévérance durant toute la vie, sa doctrine et ne pas seulement parcourir ses ouvrages d’une lecture désordonnée, « comme un chien qui boit dans le Nil en passant », c. XXVII.

C’est pourquoi lui-même a lu et relu dix, vingt, trente fois les écrits de saint Augustin, en adressant à Dieu d’ardentes prières ; il s’est convaincu que beaucoup de théologiens se sont écartés de saint Augustin : « J’ai été épouvanté, je l’avoue, plus qu’on ne peut le dire, de constater très clairement avec quelle inintelligence les opinions capitales du grand docteur ont été tirées et tordues par les modernes en divers sens tout opposés au véritable, avec quel aveuglement parfois les erreurs qu’il combattait avaient été prises pour ses assertions personnelles et des erreurs pélagiennes plus de dix fois réfutées par lui avaient été regardées comme des vérités augustiniennes ; comment enfin les objections à lui faites étaient acceptées et étaient regardées comme ses propres réponses et ses solutions même, » c. x.

La cause, l’unique cause de toutes ces erreurs, c’est l’abus de la philosophie dont les nouveaux théologiens se sont enivrés, tandis qu’ils négligeaient les écrits de saint Augustin qui, le premier, a tiré des ténèbres les plus obscures les Vérités les plus profondes ; s’appuyant sur les seules lumières de la raison humaine, ils ont voulu extraire, pénétrer, former, Juger ces mystères cachés qui, de nouveau, ont été ensevelis,

C. XXVIII.

Pour lui, en humble disciple, il s’est attache à saint Augustin. Je me suis approché, espérant en Dieu que je ne serais point frustré du fruit de mon travail, c’est-à-dire de la connaissance de la virile et de la doctrine par laquelle Augustin triompha des pélagiens et dont l’Église fait un grand éloge. Pour cela.il fallait puiser à celle fontaine avec la simplicité d’esprit convenable et avec l’avidité de connaître la vérité ; il fallait déposer les préjugés des divers systèmes dont. en nioii adolescence, J’avais été pénétré dans les écoles de théologie ; il fallait nie montrer non le juge de ses écrits, mais son disciple ; fl fallait ne pas chercher si les premières opinions que j’avais embrassées avant de le lire pourraient être placées sous son patronage (sous ses ailes) et défendues par lui, comme quelques-uns le font aujourd’hui ; il fallait ne pas recueillir dans saint Augustin quelques opinions pour en tirer vanité, pour provoquer des applaudissements et pour

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confirmer plutôt que pour corriger les propres opinions ; au contraire, il fallait me résoudre avec une entière conviction a le suivre avant tous les autres, à corriger selon ses paroles et ses pensées toutes mes pensées, à croire qu’il s’est suffisamment expliqué et qu’il n’a pas dépasse la mesure, suivant la parole du pape Célestin contre les plaintes des Marseillais ressuscitées par les modernes, enfin, à recevoir avec l’esprit le mieux dispose, sans aucune contention, tout ce qu’il a enseigné sur ce sujet, comme indubitable, romain et catholique, c xxv.

Ce but de Jansénius est donc uniquement de découvrir l’esprit de saint Augustin au sujet de la nature humaine, de la grâce’et de la prédestination ; il ne cherche point ce qu’il faut penser, mais ce que saint Augustin a enseigné au nom de l’Eglise ; il ne se demande pas si telles et telles propositions sont vraies ou fausses, mais si elles sont de saint Augustin. Dans ce commerce assidu, il pense avoir atteint une connaissance complète des doctrines de saint Augustin.

Si pourtant quelqu’un croit qu’il a abandonné la voie royale pour connaître l’opinion de saint Augustin, il le prie de lui rendre un grand service et de lui faire connaître ce que Dieu a inspiré et révélé de plus certain et de plus clair que ce qu’il a lui-même trouvé dans saint Augustin. » Mais cette hypolhèse ne semble pas possible : Ycruintamen memor sit instituli mei, ne mtiltum itcerlos faligandoumbram feriut. Bref, Jansénius sollicite des corrections, mais il ne croit pas qu’on puisse lui en faire, tant il est sûr d’avoir trouvé le vrai sens de saint Augustin, c. xxix.

Cependant Jansénius se soumet absolument au jugement du Saint-Siège et des successeurs de saint Pierre. « J’ai résolu, depuis mon enfance jusqu’à mon dernier soupir, de prendre pour guide de mes sentiments l’Église romaine et le successeur du bienheureux Pierre. Je sais que l’Église est bâtie sur cette pierre. Quiconque ne rainasse pas avec lui disperse ; chez lui seul, est conservé l’héritage incorrompu des l’éres. Tout ce que cette chaire de Pierre, en la communion de laquelle j’ai vécu dès mes jeunes années et je veux vivre et mourir, tout ce que le successeur du prince des apôtres, le vicaire de Jésus-Christ, chef, modérateur et pontife de l’Église chrétienne universelle, prescrit, je le tiens ; tout ce qu’il désapprouve, je le désapprouve ; tout ce qu’il condamne, je le condamne ; tout ce qu’il anathématise, je l’anathématise, » c. xxix.

Après une telle profession de foi qu’on retrouve en d’autres endroits et, en particulier, dans le testament qui est en tête de 1* Augustinus, on ne doit avoir aucune inquiétude sur la soumission de Jansénius au jugement de Rome et des papes.

Pourtant le eh. xxx qui termine cette longue introduction laisse entrevoir de singulières réticences. Que faire, si on constate un desaccord entre les thèses des théologiens modernes et celles de saint Augustin ? 11 esl certain que les scolastiques ont enseigne et enseignent encore comme dogmes de foi des doctrines qui sont rejetées par saint Augustin ; mais ils les enseignent comme opinions personnelles, et ils sont prêts à hs abandonner où à les corriger, si on leur montrait que ces opinions sont contraires à l’Écriture, aux conciles ou aux pontifes romains. Par suite, l’Église universelle n’est point souillée par une erreur dogmatique, car ce n’est pas l’erreur, mais la ténacité dans l’erreur qui fait l’hérétique. Il n’y a pas d’erreur non plus dans le cas où, sur des sujets pleins de mystères, les théologiens, tout en conservant la foi, soutiennent des Opinions qui, en réalité, mais d’une manière occulte, détruisent la foi. C’est ainsi que des scolastiques et, avec eux, l’Kglise font profession d’une foi très pure, dans leurs canons, leurs prières, l’Oraison dominicale qu’ils récitent chaque jour et