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JANSENISME, LA PRÉPARATION DE L’AUGUSTIM S

picc, Boècc, Quinquarbre, Cudaro ; Saint-Cyran est Celias, Solion, Durillon, Rongeart ; V Augustinus est Pilmol, Cumar, Garnir, l’affaire spirituelle, la grande affaire, etc. Saint Augustin est Seruphi, Leoninus, Ailius, Garmos, notre maître ; les jésuites, c’est Chimer, Ciprin, Satan romaniste, les Fins, Pacuvius. Sémir et les Scrniristes désignent le général et les membres de l’Oratoire. Ces termes dont le P. Pinthereau et Fr. Du Vivier donnent la clef, avec quelques légères variantes, apparaissent pour la première fois dans la lettre du 4 novembre 1621.

Il est très probable que, aans cette même rencontre, les amis concertèrent le plan de Y Augustinus.

Durant les derniers jours du mois d’octobre 1C21, Jansénius accompagna Saint-Cyran en France, et c’est à cette date qu’il faut placer le fameux projet de la Chartreuse de Bourg-Fontaine, quoi qu’en dise le P. Duchesnc qui situe cet événement en 1627 Histoire du baiunisme, p. 316-317.

On connaît cette absurde légende dont l’écho se propagea jusqu’au xviiie siècle. Sept conjurés : Saint-Cyran, Jansénius, Philippe de Cospéan, évêque de Nantes, Pierre Camus, évêque de Belley, Arnauld d’Andilly, Simon Vigor, conseiller du roi, et un inconnu auraient tenu, à Bourg-Fontaine, un conciliabule pour réformer la religion et propager le déisme, en combattant les doctrines en vigueur relativement aux sacrements de pénitence et d’eucharistie. En 1654, un avocat de Poitiers, Jean Filleau, attesta le fait dans sa Relation juridique de ce qui s’est passé à Poitiers touchant la nouvelle doctrine des jansénistes, in-S°, Poitiers, 1654. Un des volumesque possède la Bibliothèque nationale (Ld 189, Réserve), contient des notes manuscrites qui contestent les faits cités par Filleau. Le P. Sauvage, un siècle après, en 1755, publia, La réalité du projet de BourgFontaine démontrée par l’exécution, 2 vol in 12, Paris, 1755, rééditée en 1787 par Fcller. Pascal, dans sa xvie Provinciale, et surtout, dom Clémenect dans une réponse au P. Sauvage, ont démontré l’Invraisemblance de ces conférences. La vérité et l’innocence victorieuses de la calomnie ou huit lettres sur le projet de BourgFontaine, 2 in-8°, Paris, 1758. Comment d’ailleurs supposer que Pierre Camus, l’ami de saint François de Sales, aurait pu assister à un semblable conciliabule ? Brémond, L’humanisme dévot, 1. 1, p. 158-165.

En fait, le jansénisme a peut-être contribué à saper le christianisme au profit d’un vague déisme qui s’est développé au xviiie siècle, mais ce but était certainement fort loin des intentions des premiers jansénistes. Jansénius et surtout Saint-Cyran tinrent des conciliabules secrets où ils exposaient leurs projets communs de ramener l’Eglise à l’austérité primitive et à la pure doctrine de saint Augustin. Sainte-Beuve, Port-Rogal, t. i, p. 215-216, 288-289. De là, les termes convenus qu’on rencontre désormais dans toute leur correspondance ; de là les mots de « cabale, de « secret », de « mystère qu’on trouve à chaque instant. Ils conspirent, mais leur but direct et voulu n’est certainement pas de détruire la religion chrétienne, mais de la rajeunir, en la ramenant à ses sources. Leur action plus ou moins mystérieuse ne diffère pas de celle que préconise au même moment la Compagnie du Saint-Sacrement

Après la séparation, Jansénius se remit au travail avec une nouvelle ardeur et Saint-Cyran revint à ses intrigues, a fin de recruter, à l’avance, des partisans pour les doctrines qu’ils avaient méditées ensemble. Saint-Cyran essaie de s’insinuer dans les faveurs de Richelieu, dans l’amitié de Berulle, du 1’. Je Condren,

du P Bourdoise, de M. Vincent ci surtout de la famille

Arnauld ; il a tous les dehors de la vraie pieté et apparaît comme un homme inspiré de Dieu qui s’élève

contre l’état présent de l’Église ; grand directeur de conscience, par la parole et par les écrits, il veut gagner des communautés entières surtout d’ecclésiastiques qui dirigeik la jeunesse et les séminaires. Histoire du baianisme, p. 347-354. Un ouvrage curieux qui renferme de nombreux documents se rapportant presque tous à Saint-Cyran donne un écrit singulier : Le nouvel Ordre monastique des disciples de l’abbé de Saint-Cyran présenté à jeu Mgr l’archevêque de Paris par les agents de Port-Royal, pour être approuvé de lui, de qui il fut rejeté, avec des Réflexions sur les règles de ce nouvel Ordre monastique. Le progrès du jansénisme découvert à Mgr. le Chancelier par le Sieur de Préville, Avignon, 1655, p. 143-186. Cet ordre devait être indépendant de Rome ; les religieux n’étaient point soumis à l’ordinaire ; c’était un mélange de tous les ordres déjà existants. L’usage des sacrements de pénitence et d’eucharistie était, dit-on, pratiquement supprimé.

Jansénius cependant conseillait à son ami de ne pas accepter la direction de couvents de religieuses : « SI vous vous embarrassez en ceci, il est du tout impossible que vous vous mêliez de cette autre notre grande affaire que vous savez. » Lettre du 26 février 1622. Saint-Cyran se rendit alors aux conseils de son ami ; ce ne fut qu’en 1634 qu’il entra définitivement à Port-Royal : plus fin psychologue que Jansénius, il comprit tout le parti qu’on pouvait tirer de l’intervention de ces religieuses.

Par contre, Jansénius demandait à Saint-Cyran d’intéresser à leur entreprise un ordre religieux d’hommes. Parlant des cannes, il écrit le 2 juin 1623 : « de telles gens sont étranges, quand ils épousent quelque affaire et je juge par là que ce ne serait pas peu de chose si Pilmot (Augustinus) fût secondé par quelque compagnie semblable, car étant embarqués, ils passent toutes les bornes pro ou contra… »

Mais il fallait être prudent ; il fallait se méfier des ordres qui sont en contact trop étroit avec Rome, car il n’y a rien de bon à attendre « de la voie transalpine. » M. Vincent, malgré son amitié pour Saint-Cyran, ne se laissa point prendre à ses pièges. De concert, les deux amis jettent les yeux sur l’Oratoire de M. de Berulle, parce que ces prêtres séculiers vivent en communauté, mais sans vœu particulier et restent soumis à l’évêque diocésain, tout en étant soumis à leur supérieur, l.aferrière, op. cit., p. 183-186 ; Rapin, p. 319-326 ; Lettres de M. Vincent, Paris, 1880, t. ii, p. 89 sq., 1Il sq.

Pour capter la bienveillance de M. de Berulle, Jansénius, à la demande de Saint-Cyran, approuva l’ouvrage des Grandeurs de Jésus, mais sans le lire, en cas que, « dans ce livre, il y eut, au sujet de l’incarnation, quelque passage qui fut contraire à l’Augustinus », lettre du 13 juin 1622, et il recommande à Saint-Cyran d’être prudent « et de ne rien dire encore à Sémir (Berulle) de l’affaire de Pilmot (Augustinus).

Cependant, à diverses reprises (lettres des 1, 8, 22 juillet, 29 août 1622), il demande qu’on envoie des oratoriens à Couvain ; à "ce sujet il a un rendezvous avec Saint-Cyran à Péronne (lettres des 7 et 13 avril 1622) et il vient à Paris en 1623 et 1625 ; il y eut une entrevue à Bruxelles en avril 1626. Les Pères de l’Oratoire furent enfin installés à Couvain en octobre 1626, à la grande joie de Jansénius qui apprit cette nouvelle à Madrid. Dès leur arrivée, ils furent entourés de soins et de prévenances et Jansénius plaça son neveu chez eux. Histoire du baianisme, p. 309, 312-313, 31732U. La naissance du jansénisme, p. 128-141, contient plusieurs lettres à ce sujet.

De son côte Saint-Cyran s’initiait à la spiritualité oratorienne qui était déjà adoptée à Port-Royal. Sébastien Zamet, qui gouverna cette communauté de