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JALOUSIE

JANSENISME

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passion s’éveille à propos de la science et de la vertu, en tant que pour d’aucuns ce sont des moyens surtout d’exceller.

La jalousie est tout particulièrement ardente et tenace dans les choses du creur. En ceux qui aiment ou ont aime, la vivacité du sentiment s’ajoute à la souffrance de l’amour-propre particulière au jaloux et les dresse -contre tout ce qui leur fait opposition, intensus amor quærit excludere omne id quod sibi répugnai, dit saint Thomas, [ » H », q. xxvii, a. 4. Toutefois les choses se passent différemment selon qu’on aime d’un amour référé à soi, ou d’un amour d’amitié, aliter tamen hoc contingil in amore concupiscentiæ et aliter in amore amie il iæ. lbid. Dans le premier cas, on écarte tout obstacle ou toute rivalité qui empêcheraient d’avoir le cœur de quelqu’un, ou d’en jouir d’une manière exclusive. C’est proprement le zèle de la jalousie, celui, par exemple, des maris pour leurs femmes qu’ils veulent passionnément à eux seuls, hoc modo uiri zelantur uxires, ne per consortium aliorum impediatur singularilas quam in uxore quærunt. lbid. Dans le second cas où l’on aime quelqu’un pour lui-même, on s’élève avec force contre ce qui est contraire à son bien, contre ce qui menace son honneur ou lèse ses intérêts. C’est le zélé simplement dit. Louable déjà lorsqu’il s’affirme au bénéfice du prochain, il représente un amour généreux envers Dieu, quand il s’emploie avec un soin jaloux à faire respecter son nom et prévaloir ses volontés.

II. Moralité.

De l’envie saint Thomas a déclaré formellement, qu’elle est toujours mauvaise, et islud semper est peccntum.Sum.theol., Il 1 II*, q. xxxvi, a. 2. Elle est grave de sa nature, invidia ex génère suo est peccatum mortale. lbid., a. 3. Il a dit, au contraire, de la tristesse du zèle ou jalousie qu’elle est parfois louable, du moins qu’elle n’est pas toujours et forcément un péché. C’est le cas de quelqu’un s’alïligeant de son mal propre, dont il prend mieux conscience par comparaison avec autrui. La jalousie tend à conserver un bien qui appartient ou semble appartenir. Sous cette forme encore qui la constitue proprement, elle n’est pas nécessairement répréhensible. Il est raisonnable de vouloir garder, de s’inquiéter de perdre des droits anciens, une réputation établie, tout ce qui est vraiment désirable au regard d’un homme de bien ; il n’est donc pas défendu absolument de mettre tout cela en sûreté, quand surtout le succès d’un autre n’est pas tellement à souhaiter qu’on doive lui sacrifier tout avantage propre. Mais la jalousie est coupable, elle devient un vice odieux lorsqu’elle est injuste ou sans charité, soit qu’on s’arroge un droit abusif sur quelque bien, ne souffrant pas que d’autres, fût-ce par des voies légitimes, y participent, arrivent à le posséder, et c’est le zèle d’envie ; soit qu’on défende son bien propre avec passion, per /as et nejas, et ce n’est pas en soi l’envie, mais un mal qui en imite les excès. Telle est dans le premier cas la jalousie des belles-mères, disputant au mari le cœur de leur fille, et dans le second la jalousie des époux trompés ou délrissés. Celle-ci a des effets pires que la gêne et le trouble installés dans le ménage, car il n’est pas rare que des drames terribles en sortent. Évidemment la jalousie, lorsqu’elle arrive à se confondre avec l’envie ou qu’elle en reproduit indirectement les désordres, est grave de sa nature.

III. Remèdes. —

Le traitement à appliquer au mal de la jalousie, est le même, en somme, qui sert à prévenir, à combattre et à déraciner le vice de l’envie. Rien à ajouter aux remarques déjà faites ailleurs touchant ce dernier, sauf peut-être une réflexion que méditeront utilement ceux que n’inspire pas le pire égoîsme et qui n’ont pas perdu tout respect de Dieu et de ses droits. La jalousie s’inquiète de conserver un bien qui appartient ou semble appartenir, ou même, sans rien perdre elle-même, elle ne supporte pas que d’autres y participent. Or n’est-ce pas là trop souvent un sentiment contraire à la bonté de Dieu, une disposition attentatoire à l ? liberté de ses dons ? Faudrait-il que Dieu, par un respect inconcevable de l’excellence de quelqu’un et pour lui permettre de garder le premier rang, fût moins libéral envers d’autres, s’interdît de déployer les richesses de sa munificence ? L ? parole du maître de la vigne à ses ouvriers est toujours vraie et mérite d’être retenue et méditée par les jaloux de toute condition : » Mon ami, je ne vous fais pas tort.., Ne m’est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou votre œil sera-t-il mauvais parce que je suis bon ? » Matth., xx, 13-15. Voir art. Envie, t. v, col. 131-131.

Outre les ouvrages déjà signalés à l’art. Envie, on consultera utilement saint Thomas, Sum. theol., la Ilæ, q. xxvra, a. 4 ; Ha II « , q. xxxvi ; Sertillanges, La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1916, cil. x, v, b ;. Mgr Landriot, Les péchés de la langue et la jalousie dans la vie des femmes, Paris ; G. Monteuuis, La jalousie, Paris, 1911.

A. Thouvenin.

JANSÉNISME. Héritier du baianisme, voir t.n, col. 38-111, le jansénisme est une hérésie singulière qui a toujours voulu rester dans l’Église, en dépit des condamnations réitérées du Saint-Siège. Cette prétention est encore très sensible chez les rares héritiers de la pensée janséniste qui achèvent de disparaître aujourd’hui. Voir en pirticulier A. Gazier, Histoire du mouvement janséniste, Paris, 1922. — On peut distinguer, dans son histoire, deux phases principales : dans la première, le jansénisme est avant tout un système théologique sur la grâce et la prédestination ; les polémiques, parfois très vives, sont ordinairement doctrinales. Animés, comme tant de grands chrétiens de l’époque, d’un zèle incontestable pour la réforme catholique, un certain nombre de penseurs croient travailler à cette grande œuvre en ressuscitant, dans le domaine dogmatique, des thèses archaïsantes que l’on prétend rattacher à saint Augustin, dans le domaine de la pratique chrétienne, les usages pénitentiels des premiers siècles du christianisme. L’Augustinus fait revivre les premières, les seconds sont présentés avec un rare talent d’exposition dans le livre de la Fréquente communion. Ainsi les grands noms de Jansénius et d’Arnauld dominent toute cette période qui se termine à la paix de Clément IX (1669). Dans la seconde phase, le jansénisme devient un parti d’opposition politique, parlementaire et philosophico-religieuse auquel se rattachent souvent des hommes irreligieux ou, du moins, sans convictions religieuses. Arnauld exilé, vieilli et surtout Quesnel représentent cette période qui commence aux dernières années du xvii c siècle et dure, avec des alternatives de violence inouïe et de calme relatif, jusqu’à la Révolution. Ici on n’étudiera que le premier jansénisme, le plus intéressant au point de vue doctrinal ; pour faire connaître les idées essentielles de cette hérésie et en donner la physionomie exacte, on a cru utile de faire une analyse très détaillée de l’Augustinus qui contient en germe tout le jansénisme. La seconde phase du jansénisme sera exposée à propos de Quesnel, de la bulle Unigenilus, et du conciliabule de Pistoie,

Dans le présent article on étudiera successivement :
1° La vie de Jansénius ;
2° Son œuvre fondamentale, l’Augustinus (col. 330) ;
3° Les luttes qui se déroulèrent autour de cette œuvre jusqu’à la Paix de Clément IX en 1669 (col. 148).
On se maintiendra le plus possible dans le strict domaine théologique, ne donnant de l’histoire extérieure du jansénisme , si merveilleusement touffue, que ce qui est