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JACQUES D’ÉDESSE


deux Testaments et des Pères. Il entra ensuite au monastère que Jean bar Aphtonia avait fondé un siècle auparavant au lieu dit QuenneSrin « le nid des aigles, sur la rive gauche de l’Euphrate, en face de Carchémis. II y étudia la langue grecque et l’Écriture sainte dans le texte grec ; on ignore quel y fut son maître, mais il dut y connaître encore le vieux Sévère Sebokt, mort en C66-7, dont l’esprit scientifique et le zèle pour les ouvrages grecs avait imposé à l’école de Qcnnosrin une orientation particulière.

De là, Jacques se rendit en Egypte, où l’école d’Alexandrie avait malgré la conquête arabe, conservé quelque chose de son ancienne réputation ; le culte de la philosophie aristotélicienne, mis en vogue par l’enseignement de Jean Philopon, y durait encore. Revenu en Syrie, Jacques établit sa retraite à Édesse ; il s’y trouvait dans les premiers mois de 684, lorsque le patriarche Sévère y réunit un synode pour régler son différend avec Serge Sakounâyâ. Michel le Syrien, op. cit., p. 144, trad., t. ii, p. 468. Quelques mois plus tard, porté par sa réputation, dit l’auteur de la notice dans.Michel, il fut ordonné évêque de cette ville par le patriarche Athanase, disciple de Sévère Sebokt et Interprète réputé des Livres saints, Barhebrseus, Chronicon, t. i, p. 287. Peut-être condisciple de Jacques à l’école de QuenneSrin, ce savant patriarche était capable d’apprécier sa science, il lui marqua, semble-t-il, une bienveillance particulière.

Mais Jacques n’était pas né pour le gouvernement ; plus habitué à fréquenter les livres que les hommes, scrupuleux et rigide dans son administration, il eut, dus que son protecteur fut mort, des difficultés avec certains de ses clercs, dont il voulait réprimer les dérèglements. Voyant son autorité insuffisante, il eut recours au patriarche Julien ; celui-ci lui prêcha la patience. L’évêque d’Édesse insista, il prétendait prouver au patriarche et aux évêques de son conseil la nécessité d’exiger l’observation des canons, mais ♦ touslui conseillaient de s’accommoder au temps et aux événements, i Michel le Syrien, op. cit., p. 4 16, trad., t. ii, p. 472. Décidé à donner plus de solennité à sa protestation, Jacques apporta devant la résidence patriarcale le livre des carions et le brûla en disant : i Les canons que vous foule/, aux pieds ei méprisez, je les brûle, comme superflus et vains. » Déjà il s’était démis de s : i charge pastorale ; il se retira au monastère de Mar Jacques a QâySûm, entre Germanicie et Sanmsate, en compagnie de deux disciples préférés, Daniel et Constantin.

Jacques ne résida que fort peu de temps à Qàysûm, où il composa deux traités de circonstance contre les paslcurs de l’Église et contre les transgresseurs des canons, puis il accepta l’invitation des moines d’Eiisc bônfi au diocèse d’Antioche. Pendant onze ans il demeura dans ce monastère, y expliqua l’Écriture sainte d’après le texte grec et y remit en honneur la langue grecque. Mais son zèle pour cette langue devint unesource de difficultés ; Jacques dut céder à l’opposition de certains moines ennemis des drees et passa au

grand monastère de Tel’Edfi, au pied du Djebel Bera kât. Pendant neuf ans. il y travailla à la révision de l’Ancien Testament d’après le grec ; celle donnée de la notice est continuée par plusieurs manuscrits de celle révision, qui indiquent pour son exécution les années 704 el 705, cf. Lesmssdu Musée Britannique <lii. il / :."’el de Paris, Bibliothèque nationale, Syr., I 27.

A la mort de l’évêque qui avait remplacé Jacques, les Édesséniens demandèrent au patriarche d’obliger celui a a revenir chez eux ; la chronique de 846’iii même qu’un synode intervint pour contraindre l’évêque démissionnaire a reprendre sa charge, Corpus scripiorum chrisiianorum orientalium, sér. III,

t. iv, fasc. 2, p. 233, trad., p. 176. Quoi qu’il en soit, Jacques regagna Édesse, qu’il avait quittée vingt ans auparavant et y exerça ses fonctions pendant quatre mois. Puis il retourna au monastère de Tel Edfi, afin d’en ramener quelques disciples préférés et ses livres. Il fit charger ses livres et les expédia devant lui. comme un précieux trésor, mais il ne lui fut pas possible de les suivre, il tomba malade et mourut à Tel’Edâ le 5 haziran 1019 des Sélcucides ( = 5 juin 708). Les religieux, ajoute un chroniqueur reproduit par Michel, op. cit.. p. 449, trad., t. ii, p. 476, voyant que la fin de Jacques était proche, firent rejoindre les charges de livres avant qu’elles eussent franchi l’Euphrate, et les ramenèrent à leur monastère.

C. Kayser, Die Canones Jacob’s von Edesxa, Leipzig, 1886, p. 53, écrivant avant la publication du texte syriaque de Michel, a prétendu qu’il fallait voir dans le récit de Barhebneus une pure légende inventée pour grandir un personnage sympathique ; il s’en prend surtout a l’épisode des canons brûlés. Mais A. I Ijelt. Éludes sur V Hexaméron de Jacques d’Éilesse. llelsingfors, 1892, p. 7. fait justement observer que l’on trouve dans la collection canonique de Jacques un vif désir de restaurer la discipline, qui cadre assez bien avec la boutade rapportée par le chroniqueur. Kayser a été visiblement influencé dans son jugement par la chronique du pseudo-Dcnys de Tell Mahré : voyant dans la partie originale de cette histoire l’œuvre d’un patriarche axant vécu un siècle seulement après la mort de Jacques, il lui attribue une autorité qu’elle ne mérite pas. La première mention relevée par J. S. Assémani, Bibliotheca Orienlalis, Home 1719, t. i, p. 126 « à Édesse, l’évêque Mar Jacques succède à (Àiïaque, » n’est pas de première main : elle a été ajoutée à la marge avec un renvoi à l’année 988 des Séleucides ( = 676-7), et non 976, comme on trouve dans l’édition Chronique de Denqs de Tell Mahré, quatrième partie, édit. J. B. Chabot, Paris, 1895, p.’». trad., p. 9, d’après H. Duval, Revue critique d’histoire et de littérature, LS’.Ki. t. xxvii, p. 485, qui a mal compris un renseignement donné par M. Guidi a Kayser, op. cit., p. 51. La même main ayant complété la notice de l’année 962 (=650-1) par l’addition du nom de Cyriaque omis accidentellement, J. S. Assémani a confondu les deux notes et place en 651 la nomination de Jacques au siège d’Édesse. De l’interprétation de cette note dérivent les diverses dates proposées pour la consécration de Jacques, de 651 à 677, dates qui sont encore rapportées par Nestlé dans Realencuklopûdie fur proteslaniische Théologie und Kirche. 3e édit., Leipzig, 1900, t. viii, p. 551. Or il est évident que le témoignage de l’annotateur du pseudo-Denys est de nulle valeur contre celui de la notice, rapporté par Michel et Barhebrsus, sur la consécration de Jacques par le patriarche Athanase. Les dates antérieures à l’élection de celui-ci sont exclues encore par ce qui a été dit ci-dessus de la présence de Jacques à Kdessc lors du synode de Sévère au délmt de 684, car le chroniqueur spécifie qu’il était alors simple prêtre.

Il n’a pas davantage a faire fonds sur la date de 1021 des Séleucides (=709-10) assignée par le pseudo-Denys a la mort de Jacques, op. cit., p. 12, trad., p. 1 1 ; c’est la date a laquelle prend fin son canon historique mais il faut supposer, comme le faisait déjà le patriarche Michel, op. cit.. p. 450, trad.. t. u. p. 183, que cet ouvrage a été complété de 1019 à 1021 par quelque disciple, de même que 1’I Icxaméron a été terminé par Georges, évêque des Arabes. La date de 1019 est d’à il leurs confirmée par la Chronologie dl lie bar Sinaya, se référant à la Chronique des Patriarches jacobiles (en cette année 1019) i moururent Julien, patriarche des Jacobiles, et Jacques d’1’.dessc.