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JACOBEL


tives de Jacobel avaient semblé autoriser les théories les plus radicales des taborites. Ceux-ci ne se feront pas faute de le rappeler quand Jacobel, en 1421, entreprendra de défendre le dogme de la présence réelle, contre les négations outrancières des radicaux. En février de cette année on avait appris, dans la capitale, les excès sacrilèges auxquels s’étaient portés des fanatiques : des hosties consacrées avaient été publiquement profanées. Très émus de ces attentats, les hussites modérés demandèrent à Jacobel qualitcr tulibus erroneis sit obviandum et rcsistendum. Fontes…, t. ii, p. 452. La réponse du maître fut, sans doute, le traité publié par von der Hardt, op. cit., p. 884-932, et qui portait danslems.de Vienne ce titre : De existentia vera corporis Christi in særemento allaris. Il vaudrait la peine d’en étudier de près la doctrine. Marquons au moins que Jacobel y condamne d’une manière précise la théorie d’une simple présence virtuelle, p. 895, 912, etc., et que, sans prononcer le mot de transsubstantiation, il semble bien ne plus partager la doctrine de la rémanenec, s’il L’avait jamais soutenue. 11 écrit en effet, p. 914 : « L’espèce visible est le signe, sacramentum, du vrai corps et du vrai sang du Christ, et d’autre part ce corps et ce sang sont le signe, sacramentum, de la grâce spirituelle. Et de même que l’on voit ici l’espèce (l’apparence) d’une chose dont la substance, nous le croyons, n’est plus là, de même l’on croit à l’existence d’une réalité véritable et substantielle dont l’apparence ne se voit pas. Et en effet on voit l’apparence du pain et du viii, et l’on ne croit pas à (l’existence de) la substance du pain et du vin. t Quemadmodum illic species cernitur cujus rcs vel substantia ibi esse non creditur, sic res ibi veraciler et substantialiter esse creditur, cujus species non cernitur. Vidctur enim species panis et vini et substantia panis et fini non creditur.

Après des paroles aussi claires, on peut s’étonner que les taborites aient persévéré à faire de Jacobel un partisan de la présente virtuelle. Au synode général tenu à Prague en 1444, quinze ans après la mort de Jacobel, ils articuleront contre un tbéologien de Prague, Jean Rokyczana, qui défendait pour lors, le dogme de la transsubstantiation, le grief suivant Cet homme, disent-ils, dissimule la vérité évangélique que Maître Jacobel a confessé à l’article de la mort, et qu’il a laissée en mourant comme son testament tant au susdit Jean qu’à ses autres disciples, et c’est à savoir que le sacrement de l’autel, après lis paroles de la consécration, est du pain en sa nature, selon que l’indiquent les paroles du Christ et de Paul : sacramentum allaris est panis in natura sua. Fontes…, I. vi, p. 809. De même, en ces milieux, on faisait grand état d’un traité de Jacobel intitulé : De renxanenlia panis in ipso venerabili sacramento, mais qu’un disciple dégénéré du maître, Wenceslas Dracliow avait, par crainte du monde, ou pour quelque autre raison, outrageusement falsifié. Ibid., p. 811, Tout ceci a bien l’air d’un procédé de polémique, et ne suffirait pas pour justifier l’inscription au compte de Jacobel de la doctrine de la réinanence bien moins encore pour prouver l’existence du fameux traité, il faut en dire autant des notices signalées par Holler, dans Fontes rcrum austriacarum, t. vii, p. 155-158 ; elles semblent émanées des mêmes milieux taborites où l’on s’efforçait de prouver que Jacobel avait soutenu. plus ou moins secrètement, des doctrines qu’il condamnait chez ses adversaires.

Il reste toutefois, qu’un décret du concile de Constance (19 avril 1418), enjoignant à Wenceslas de Bohême, de prendre les mesures nécessaires pour enrayer le mouvement hussite, signale parmi les ouvrages qu’il faut rechercher et détruire : omîtes tractalus Jacobelli super communione sub utraque specie,

de antichristo, in quo papam vocat antichristum… et specialiler (tractalus) per ipsum edilus de remanentia panis post consecralionem in altari. Fontes…, t. vi, p. 240, cf. Mansi, Concilia, t. xxvii, col. 1197. Dès lors il faudrait voir dans le traité en question une œuvre de jeunesse de Jacobel, peut-être une de ces thèses wiclefistes, qu’il avait soutenues dans les années 1 110-1412. Sur ce point, comme sur d’autres, il a dû plus tard revenir en arrière, du jour surtout où il est devenu l’un des chefs du parti hussite modéré. C’est en effet sous cet aspect qu’il figure dans les derniers documents qui parlent de lui. Quand l’université de Prague prend la haute main sur l’Église hussite, Jacobel fait partie d’une sorte de directoire ecclésiastique chargé de faire observer la sage discipline, d’examiner les prêtres qui aspirent aux fonctions pastorales, de résister à l’entraînement des nouveautés imprudentes. Ironie du sort ! Jacobel, qui dans l’un de ses écrits a protesté si vivement contre l’appel au bras séculier, von der Hardt, loc. cit., p. 628, interdit maintenant sous peine de bannissement quod nullus sacerdos attentare pnvsumat aliquid novilatis aul cassare aliquid in eis quæ prius sunt in ecclesia servata primitiva, aul rationabilitcr tenta vel obmissa, nisi prius se prxsentialiter ofjerral direcloribus antedictis et quod attentare oslendil ex scripturis probavcril legis Dei. Chronique de Laurent de Brezina, dans Fontes…, t. ii, p. 516.

Il paraît que dans les années qui suivirent la mort de Jean Zizka (Il octobre 1424) Jacobel aurait accompli une nouvelle évolution, et se serait montré plus favorable à la fraction modérée des taborites, tandis qu’au contraire les autres membres de l’université accentuaient leur retour vers les idées et les formes traditionnelles et préconisaient le rétablissement de la paix entre la Bohême et l’Église romaine. Jacobel en effet apparaît, dans les ouvrages qui nous sont conservés, trop nettement antiromain pour s’être prêté volontiers aux négociations de paix. Mais sur cette dernière partie de sa vie, nous sommes très pauvrement renseignés, et il faut se défier, comme nous l’avons déjà dit, des insinuations de la Grande Chronique des taboriles. Suivant les indications de la Chronique Palatine, Jacobel mourut le 9 août 1429 : in vigilia Laurcntii obiil magister Jacobcllus, egregius prœdicalor in Bclhlehem. Fontes…, t. ii, p. 48.

Ce qui peut survivre d’oeuvres de Jacobel est imprimé dans Ilermann von der Hardt, Res concilii œcumenici Constantiensis, t. iii, Francfort et Leipzig, 1098, mais on sait qu’il faut se défier des attributions de cet érudit original. Sous le bénéfice de cette remarque, on trouvera p. -110-585 un Tractalus Magislri Jacobi de Misa contra doctorem Brodam, de cominanione utriasque speciei ; p. 591-C 47 une Apologia pro communione plebis sub utraque specie contra conclusiones doctorum in Conslantiensi Concilio éditas (certains auteurs ont porté cette apologie au compte de l’hypothétique Pierre de Dresde) ; p. 884-932, un Tractatus M. Jacobi de Misa, theologi profundt, de existentia vera corporis Cliristi in sacramento altaris, catholicc conscriptus. Non der llardl dit avoir eu en main un De purgatorio animarum post mortem, et un De furamento : op. cit., Prolegomena, p. 25. Le premier de ces traités a été publié par Walcli, Montmenta medii wvi, t. i, fasc. 3, p. 1-25 ; je n’ai pas retrouvé les traces du second. Jusqu’à plus ample informé on peut considérer comme perdus les deux traites : De anttchrista et De remanentia panis post consecrattonem m <ilUiri, signalés par le décret de Constauce du 13 avril 1 118.

Les documents originaux sur l’activité de Jacobel se trouveront dans Palacky, Documenta mag..I. Uns intam,

doctrtnam, causant… et controuersius de rellgione in Bokemla,

Onnts U01-Hli nwtits illUStrantla, Prague. 1868, et dans

Hôfler, Geschichtschreiber der hussltlschen Bewegung in Bôhmen, publiés dans les Fontes rcrum austriacarum, i. ii,

i il vu. Vienne 1856-1866. Quelques indications dans F. M. Pelzel, Ueber dos Vaterland des Jæobus de Misa,