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IMPUISSANCE


théorie et d’une application sûre en pratique. Cette probabilité même, nous ne la soutenons que pour autant qu’il ne plaise au Saint-Siège d’en décider autrement ou d’orienter sa discipline matrimoniale dans un autre sens.

Si nombre d’auteurs partagent notre manière de voir, d’autres, et non des moindres, se prononcent en faveur de l’opinion opposée. Tels sont notamment Antonelli ; De Luca, dans son Votum à propos de la cause Monasterien (Revue théologique française, 1900, p. 302 sq.) ; Bucceroni (voir Analecta ecclesiastica, 1903, p. 230 sq., et Casus conscientiæ, Rome, 1913, t. II, p. 273 sq.) ; Casacca, dans VEcclesiastical review, 1902, p. 609 sq. ; Alberti ; Leitner ; Rosset ; Topai ; Schnitzer et Wernz. Lehmkuhl, dans sa Theologia moralis et dans un article paru dans VEcclesiastical review, 1902, p. 314 sq., penche aussi vers l’opinion opposée à la nôtre.

IV. Devoirs du curé et du confesseur. — 1° Quelle que soit la nature du cas soumis au jugement du curé ou du confesseur, dès qu’il est certain qu’il ne s’agit pas d’une impotentia coeundi, et qu’il peut tout au plus être question d’une impotentia {œcundandi, il n’y a guère de difficulté en pratique. Le curé ou le confesseur peut rassurer son consultant, qu’il s’agisse d’un mariage à contracter, ou de l’usage du mariage déjà contracté.

2 » Si le curé ou le confesseur vient à avoir des soupçons sur l’existence d’une impotentia coeundi, il devra agir avec beaucoup de tact et de prudence, surtout s’il s’agit d’un mariage déjà contracté. Il évitera avec soin de troubler la bonne foi de son paroissien ou de son pénitent, de suggérer un doute quelconque sur la validité de son mariage ; il engagera l’intéressé à consulter un médecin discret et consciencieux.

3° Si, au jugement du médecin, on est en présence d’une impuissance temporaire ou conséquente au mariage, la validité du mariage ne peut être mise en cause, mais les rapports sont devenus illicites ; il faudrait donc en règle générale interdire l’usage du mariage, pour le temps que durera l’impuissance temporaire ; bien souvent, toutefois, le confesseur jugera opportun de laisser son pénitent dans la bonne foi. Un cas d’impuissance conséquente au mariage sera celui d’un homme sur lequel on a pratiqué, depuis la célébration de son mariage, la vasectoniie double.

4 » Si l’examen du médecin aboutit à l’existence sûre, et certaine d’une impuissance antécédente et perpétuelle, entraînée par l’amputation ou l’absence congénitale d’un organe indispensable à l’accompUssement des rapports, il y a lieu, dans la généralité des cas, de provoquer la déclaration de nullité du mariage. Il ne faut évidemment pas songer à demander dispense, puisqu’il s’agit d’un empêchement de droit naturel ; tout au plus, pourrait-on parfois laisser les soi-disant époux dans la bonne foi, ou, plus rarement encore, leur permettre d’habiter sous le même toit comme frère et sœur. La déclaration de nulhté doit être faite en due forme et être précédée d’un procès, conduit d’après les lois de la procédure canonique. Ces lois sont fixées par le Codex juris canonici, can. 1916-1981. Si la sentence est favorable à la nullité, la partie non atteinte recouvre sa pleine liberté de contracter un nouveau mariage, tandis que l’autre partie se voit interdire toute autre union ; excepté cependant le cas où le mari est convaincu d’impuissance relative : on a coutume alors, soit de lui permettre le mariage avec une veuve, soit de subordonner la permission éventuelle à une autorisation préalable du Saint-Siège.

5° Si, malgré tout, la preuve de l’impuissance reste

douteuse, le mariage ne sera pas empêché. Codex juris canonici, can. 1068, § 2. Au cas où le mariage est déjà contracté, le curé ou le confesseur évitera de mettre en doute la validité du mariage et permettra aux parties d’user du mariage, aussi longtemps que le doute subsistera.

Autrefois, en cas d’impuissance douteuse, on avait recours à des expédients qui ne s’accommoderaient plus aux mœurs modernes. Nous voulons parler surtout de l’épreuve dite du congrès ; cette épreuve prêta à de graves abus et suscita de grands scandales en France, aux xvi « et xviie siècles, jusqu’au moment où le parlement de Paris, par arrêt du 16 février 1677, en proscrivit l’usage.

V. Évolution juridique de l’empêchement. — La notion de l’impuissance et son caractère d’incompatibilité par rapport au mariage n’ont pas été dès l’abord déterminés avec exactitude ; mais ils ont évolué peu à peu.

Les premiers documents ecclésiastiques ne mentionnent pas l’impuissance. On ne la rencontre pour la première fois, semble-t-il, que dans le Pénitentiel de Théodore datant du vu » siècle. Cet écrit permet à la femme dont le mari était impuissant de contracter un nouveau mariage. Cf. Wasserschleben, Die Bussordnungen der abendlûndischen Kirche, Halle, 1851, t. II, tit. XII, 32, p. 216 ; Schmitz, Die Bussbûcher und die Bussdisciplin der Kirche, Mayence, 1883, p. 547 ; Sehling, Die Wirkungen der Geschlechtsgemeinschaft auf die Ehe, Leipzig, 1885, p. 17 ; Sâgmûller, Theologische Quartalschri/l, 1905, t. lxxxvii, p. 78 sq. ; 1911, t. xciii, p. 50 sq. Ce dernier auteur s’occupe spécialement de l’impuissance de la femme et soutient que le droit canonique la mentionne au viiie siècle ; il s’attache à réfuter la thèse de H. Koch, Die Ehe Kaiser Henrichs II mit Kunegunde, Cologne, 1908, qui prétend trouver la première mention de l’impuissance de la femme dans un décret d’Alexandre III, c. 4, X, IV, xv ; H. Koch est revenu à la charge dans la Deutsche Zeitschrift fiir Kirchenrechl, 1912, t. xxii, p. 227-257. Voir en sens contraire Gilmann, dans Archiv fiir katholischen Kirchenrecht, 1909, j). 772 sq. ; 1910, p. 244.

Dans la suite, nombre de docteurs, surtout parmi les partisans de la copulathcoria, considèrent l’impuissance, non comme un empêchement dirimant, mais plutôt comme une cause de dissolution de piano du mariage non consommé. Voir, entre autres, le témoignage de Hincmar, c. 4, causa XXX 111, q. i ; et le dictum de Gratien à ce sujet. Ils permettent à la femme dont le mari est impuissant non seulement de contracter une nouvelle union, mais même d’y persévérer au cas où l’impuissance du premier mari serait controuvée plus tard. Au contraire, Pierre Lombard, adversaire de la copulathcoria, admet l’empêchement dirimant d’impuissance, mais seulement pour le cas où la partie saine ignore la situation de son conjoint, Sent., t. IV, dist. XXXIV ; il considère la condition des personnes atteintes de frigidité ou d’impuissance comme tenant le milieu entre l’aptitude et l’inaptitude au mariage.

L’Église de Rome semble avoir de tout temps tenu l’impuissance pour un empêchement dirimant. Les c. 1 et 2 de la causa XXXIII, q. i, parlent nettement en ce sens ; ils disent que le mariage, dissous pour cause d’impuissance, doit être rétabli dès qu’il appert que de fait l’impuissance n’existe pas. Mais jadis, la même Église refusait, par mesure disciplinaire, de séparer les époux en cause ; elle leur enjoignait de continuer la vie commune, mais comme frère et sœur. Les c. 2 et 4 témoignent de cette rigueur de discipline au sein de l’Église de Rome ; de même dans les Dccrétales l’introduction au c. 2, X, IV, XV, et au c. 4, X, IV, xv. Toutefois, elle ne prétendit jamais étendre cette règle disciplinaire