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INTERPRETATION DE L’ECRITURE

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foi catholique. Appliquer l’analogie de la foi en matière d’exégèse revient donc à entendre un texte scripturaire, soit en fonction de la doctrine générale des Écritures, soit en harmonie avec l’enseignement ecclésiastique postérieur.

Voilà pourquoi cette règle rentre comme un cas particulier dans le principe général qu’il faut s’attacher au sens de l’Église et à la régula fidei. Quelques théologiens, par exemple Franzelin, Tract, de divina trad., p. 222, la confondent de ce chef avec la prædicatio ecdesiastica, terme collectif sous lequel ils englobent à la fois le magistère ordinaire et le magistère extraordinaire. Rien de plus juste au fond, parce qu’il n’est pratiquement de foi certaine que celle qui est appuyée sur l’enseignement de l’Église. On peut cependant, suivant la division reçue cliez la plupart des auteurs, maintenir l’analogie de la foi comme règle distincte. Elle désignerait alors la logique interne des dogmes chrétiens en tant que perceptible à notre intelligence, par opposition aux autres formes du magistère considérées comme norme extérieure. L’analogie de la foi serait au jugement de l’Église et au consentement des Pères comme l’argument de raison à l’argument d’autorité. Il est d’ailleurs évident que l’un conduit à l’autre et que les deux sont faits pour se soutenir.

Principe de celle règle.

Si elle ne figure pas dans les décrets conciliaires, l’analogie de la foi est indiquée comme règle spéciale d’interprétation par la tradition théologique commune et consacrée à ce titre par Léon Xin. Après avoir rappelé l’enseignement du concile de Trente reproduit au concile du Vatican et imposé, en conséquence, à l’exégète catholique le devoir de se conformer au jugement de l’Église dans les passages par elle interprétés, le pape continue :

In ceteris, analogia fidel Pour les autres, il faut

sequenda est, et doctrina suivre l’analogie de la foi et

catholica, qualis ex auctori-employer la doctrine catho tate Ecclesiae accepta, tara-lique, telle qu’elle ressort de

quam summa norma est l’autorité de l’Église, comme

adliibenda. suprême norme (d’interpré Denzinger-Bannwart, n. tation).

1943 ; Cavallera, n. 73.

On remarquera que, dans ce texte, l’analogie de la foi est associée, presque identifiée, à la doctrine qui résulte du magistère de l’Église. Car la deuxième partie du texte ne fait évidemment que répéter la première sous une autre forme. L’indication n’est pas à négliger pour avoir la signification exacte de ce terme dans le langage technique de la théologie. On retrouve la même même formule et le même rapprochement dans le bref Vigilanlise, du 30 octobre 19U2, par lequel Léon XIII instituait la Commission biblique. Parlant des passages qui n’ont pas été interprétés par l’Église et qui laissent donc à chacun sa liberté d’opinion, le pape ajoute, en des termes qui sont un résumé littéral de l’encyclfque : Qiiibas lamen in locis cognilum est analofiiam fidei catholicamque doclrinam servari lamquam normnm oportere Cavallera, Thesaurux, n. 101 c.

L’analogie de la foi’reparaît dans les documents ecclésiastiques postérieurs. Dans son décret du 30 juin 1909, la commission biblique, en reconnaissant la liberté de l’exégète sur les points que les Pères n’ont pas tranchés, ne manque pas de la soumettre aux réserves de droit, saluo Ecclesise jndicio servataque fidei analogia, Denzinger-Bannwart, n. 2124. Le serment anti-moderniste du f septembre 1910 réprouve « cette méthode d’interprétation qui consiste à négliger entièrement la tradition de l’Église, l’onalogie de la foi et les normes du Saint-Siège. » Ibid., n. 2146.

Partout l’analogie de la foi s’aPTirme comme une règle catholique d’exégèse, à côté des autres formes du magistère ecclésiastique. C’est au même principe que

se réfère la condamnation des deux propositions suivantes par le décret Lamenlabili :

23° Exsistere potest et rêvera exsistit oppositio inter facta quæ in sacra Scriptura narrantur eisque innixa EcclesiiE dogmata, ita ut criticus tamquam falsa rejicere possit facta quæ Eoclesia tamquam certissima crédit.

24° Reprobandus non est exegeta qui præmissas adstruit ex quibus sequitur dogmata historiée falsa aut dubia esse, dummodo dogmata ipsa directe non neget.

Denzinger-Bannwart, n. 2023-2024.

M. Loisy n’a reconnu, dans le texte de ces deux propositions, aucune citation précise de ses écrits, SimpJes réflexions, p. 60-64. II avoue cependant que la première est « peut-être en rapport » avec Autour d’un petit livre, p. 216-217 : « La crise (de la foi) est née de cette opposition que les jeunes intelligences perçoivent entre l’esprit théologiqué et l’esprit scientifique, entre ce qui est présenté comme la vérité catholique et ce qui se présente de plus en plus comme la vérité de la science. » Pour que le rapport fût tout à fait étroit, il n’y aurait qu’à appliquer aux « faits consignés dans l’Écriture » ce que M. Loisy dit de « la vérité de la science » en général. Et ceci montre que le décret ne vise pas un état d’esprit absolument imaginaire. De même la proposition 24 « pourrait avoir été déduite de ce qui se lit dans l’introduction d’Autour d’un petit livre, p. vii-ix », où l’auteur écrit de lui-même en parlant de la manière dont il avait présenté le Christ dans L’Évangile et l’Église : « Il s’était borné à exposer l’état et la signification des témoignages, s’occupant de ce qui est matière d’histoire, réservant ce qui est matière de foi. » On aperçoit ici la même tendance à opposer les faits historiques aux enseignements dogmatiques que l’Église prétend appuyer sur eux.

Il est clair, en tout cas, que l’Église, ayant le sentiment de garder une révélation historique, ne peut laisser mettre en cause les faits où cette dernière s’exprime. La réalité de ceux-ci est imposée et garantie par l’infaillibilité qu’elle se reconnaît dans l’interprétation de celle-là. Voilà pourquoi la proposition 23 condamne l’erreur extrême de ceux qui admettraient comme possible et réelle une opposition entre les faits de l’Écriture et les dogmes de l’Église. La proposition 24 vise la position plus subtile des exégètes qui croiraient pouvoir poser au nom de la critique des prémisses logiquement ruineuses du dogme et rester en règle avec l’Église tant qu’ils n’attaquent pas directement le dogme lui-même. C’est pour combattre une erreur de ce genre que le concile du Vatican a voulu reprendre en termes positifs le décret du concile de Trente. Voir plus haut, col. 2299.

Toutes ces décisions ecclésiastiques, anciennes ou récentes, reposent, au fond, sur l’analogie de la foi, qui prescrit d’étendre la vérité du dogme à la réalité des faits qui en sont la base et, par conséquent, à la signification des textes bibliques où ils sont racontés. Doctrine liée elle-même au principe fondamental rappelé au concile du Vatican que, la raison et la foi venant du même auteur, « Dieu ne peut se nier lui-même ni le vrai jamais contredire le vrai, t Const. Dei Filius, c. IV, Denzinger-Bannwart, n. 1797.

Aussi bien l’obligation de se conformer à l’analogie de la foi dans l’interprétation des Écritures fut-elle, sous une forme ou sous une autre, toujours traditionnelle dans l’Église. Tel est le sens profond du rôle suprême que les Pères des premiers siècles attribuaient à la régula fidei. Voir plus haut, col. 2290. Cette tradition primitive se résume dans les formules de saint Augustin : Consulat regulam fidei quam de Scriplurarum pUmioribns locis et Ecclesiæ auctoritate percepif. De doctr. chr., t. III, c. ii, n. 2, P. L., t. xxxiv, col. 65, ou de saint Vincent de Lérins : Divinum canonem secundutn universalis Ecclesiae traditiones et juxta catholici