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INQUISITION


le droit ecclésiastique, au contraire, la confiscation est absolue ; elle a lieu à l'égard de tous et même lorsque l’hérétique laisse des enfants orthodoxes. C’est ce qu'établit Innocent III, dans la décrétale Vcrgenlis ; cf. Décrétdles, c. 10, De hxrclicis, en invoquant, avec le jugement divin qui punit le crime du père sur les enfants, les dispositions de la loi romaine sur le crime de lèse-majesté. » Tanon, op. cit., p. 524-525. Il n’y avait qu’un seul cas où les fils héritaient de leur père hérétique, c'était lorsqu’ils avaient, les premiers et spontanément, dénoncé son hérésie. Cf. la loi de Frédéric II. Commissi nobis, incorporée dans la décrétale d’Innocent IV, du 31 octobre 1243, Ripoll, op. cit., t.i, p. 126.

La confiscation frappait, à l’origine, tous les hérétiques. Mais on en dispensa de bonne heure ceux cjui se présentaient spontanément devant les inquisiteurs, durant le « temps de grâce ». Bernard Gui estime, du reste, que le fisc ne perdait rien à cette mesure d’exception. Ceux qui venaient ainsi à résipiscence devaient révéler les noms de leurs complices, et cette révélation amenait la découverte et la capture de nouveaux hérétiques, c’est-à-dire par conséquent de nouvelles confiscations : ainsi ce qui était perdu sur les uns était récupéré sur les autres avec usure. Bernard Gui, Praciica, part. III, p. 185.

Dans la pratique, la confiscation n’atteignait donc que trois ou quatre catégories de coupables : les hérétiques impénitents abandonnés au liras séculier, les pénitents condamnés à la prison perpétuelle, les défunts cpii, condamnés après leur mort, auraient été frappés de la même peine, les contumaces. Bernard Gui, ibid., pari. II, p. 64. Pour plus de détails, oir Tanon, op. cit., p. 527-532. « Les confiscations étaient une source trop considérable de profits pour que leur attribution ne fût pas disputée par tous ceux qui pouvaient avoir quelque titre à y prendre part. Cette attribution n’a pas été faite d’une manière uniforme, dans tous les pays et dans tous les temps… Les premières décrétâtes attribuèrent aux seigneurs temporels les biens confisqués des laïques, en ne laissant à l'Église que ceux des clercs, yjccre/a/es, 1. V. tit. vii, c.9, Adabolendam, c. 10, Vcrgentis, c. 13, Excommunicuiniis. Des déc relaies postérieures, bulle d’Innocent IV, du 15mair252, d’Alexandre IV, du 30 novembre 1259, de Clément IV, du 3 novembre 1265 : Ad extirpanda, dans Ripoll, op. cit., t. I, p. 211, 384 et 465, firent, pour les villes d’Italie, une division de ces biens en trois parts, une pour la ville ou le lieu dans lequel la condamnation était prononcée, une autre pour les olliciers laïques et la troisième pour les besoins de l’office. » Tanon, op. cit., p. 533. Sur la part du roi, en Espagne et en France, voir ibid., p. 534-536.

Destruction de maisons.

La destruction des

maisons des condamnés n’est pas une pénalité d’invention inquisitoriale. INIais l’Inquisition l’adopta comme mesure à la fois symljolique et infamante. Il ne fallait pas que rien de ce qui avait ai)partenu à un hérétique fût considéré comme innocent. Dans sa lettre du 23 septembre 1207, P. L., t. ccxv, col. 1226, Innocent III décida que toutes les maisons, qui auront servi de refuge aux hérétiques, devront être détruites de fond en comble. « Confirmée par la législation impériale (Othon IV, en 1210, Muratori, Antiquit. ital., t. iv, p. 90 ; Frédéric II, 22 février 1232, Huillard-BréoUes, Historiu diplomutica Frederici II, t. ii, p. 299), cette pénalité reçut surtout dans le midi de la France son application légale, après la conclusion du traité de paix conclu, le 12 avril 1229, entre le roi et le comte de Toulouse. Le concile de Toulouse, de la fin de cette année, la sanctionna par une disposition formelle, can. 6 Hardouin, Concilia,

t. vii, col. 178, qui fut renouvelée par l’archevêque de Narbonne en 1234, Histoire du Languedoc, t. viii, col. 982, et par le concile d’Albi de 1254, can. 6, Hardouin, ibid., col. 458. Le comte de Toulouse lui-même inséra un article à ce sujet dans les statuts pris par lui, en exécution du traité de 1229. Histoire du Languedoc, t. viii, col. 964. L^ne bulle d’Innocent IV, du 15 mai 1252, reprenant ces dispositions, les aggrava encore en ordonnant de démolir, avec les maisons souillées par le recel d’un hérétique, celles qui lui étaient contiguës, lorsqu’elles appartenaient au même propriétaire. Mais ces prescriptions parurent trop rigoureuses et furent bientôt modifiées par une bulle interprétative d’Alexandre IV, Felicis recordationis, 6 mars 1257, dans Ripoll, op. cit., t. i, p. 330. Prises dans leur ensemble, ces dispositions prescrivaient la démolition des maisons des hérétiques et de leurs fauteurs, de celles où les hérétiques auraient été recelés et enfin de celles dans lesquelles se seraient accomplis la cérémonie de l’affiliation d’un hérétique à sa secte ou même quelque acte de prédication, du consentement du maître de la maison. » Tanon, op. cit., p. 520521.

Une telle pénalité offrait un double inconvénient ; si elle avait été rigoureusement appliquée, elle aurait, d’une part, diminué sensiblement le produit des confiscations, et, d’autre part, elle aurait fait de certains bourgs et de certaines villes de véritables déserts. Aussi y eut-il des accommodements avec la législation. Il semfjle, d’après les formules de Bernard Gui, Practica, p. 59 et 159, et les sentences de Limborch, p. 5 et 81, que cette pénalité ne fut régulièrement appliquée, par l’Inquisition du midi, qu’aux maisons dans lesquelles avait été accompli l’acte d’hérésie le plus grave, l’hérétication cathare par l’imposition des mains. Pourtant la formule que donne Eymeric est plus comprchensive ; elle regarde en outre les maisons dans lesquelles ont eu lieu des réunions d’hérétiques et des prédications. Cf. Tanon, op. cit., p. 522.

Exhumation des morts.

L’exliumation était

prescrite par les canons de l'Église, non seulement pour les hérétiques, mais encore pour tous les excommuniés, afin que leurs restes ne profanassent pas la terre sainte. Sext., t. V, tlt. ii, c. 2, Quicumquc ; cf. Decreledes, t. III, tit. xxviii. De sepulturis, c. 12, Sacris. Cf. Jordan, op. cit., p. 43-44.

Lorsque, sur un indice quelconque, un défunt était soupçonné d’hérésie, on instruisait son procès conlradictoirement avec ses hérétiers. Bernard Gui, Practica, p. 124 ; Limborch, op. cit., p. 33 ; cf. Tanon, op. cit., p. 410. En 1205, les consuls de Toulouse s’efforcèrent de limiter ces aclions en décidant qu’elles ne pourraient avoir lieu que lorsqu’elles auraient été commencées du vivant de l’accusé, ou que celui-ci se serait fait hérétique durant sa dernière maladie. Vaisselle, Histoire du Languedoc, t. viii, col. 514. Mais les inquisiteurs refusèrent de se plier à un pareil règlement. Tout mort qui, de son vivant, aurait été, pour crime d’hérésie, abandonné au bras séculier ou simpleinent condamné à la prison perpétuelle, était passible de la peine de l’exhumation, et ses biens étaient confisqués.

Les poursuites contre les défunts étaient imprescriptibles. La confiscation seule se prescrivait dans un délai qui, d’après l’opinion commune, était porté à quarante ans. Mais le procès contre la mémoire, suivi de l’exhumation et de l’incinération, avait son cours, quel cjue fût le temps écoulé depuis la mort. Cf. Pegna, sur Eymeric, Directorium, part. III, q. lxui, coinm. 92, p. 570.

L’usage de brûler les corps ou les ossements fut établi par la coutume et se généralisa surtout dans le