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INFIDÈLES

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naturels : se tourner vers Dieu comme vers sa fin surnaturelle est le premier de ces préceptes. Dieu donc, qui ne fait pas défaut dans les choses nécessaires, se manifeste par une hunière surnaturelle à tout enfant venant à l’usage de la raison, à l’un plus distinctement à l’autre plus confusément, selon la diversité de leur esprit, de leur capacité et de leur instruction. Aussi l’enfant né parmi les catholiques, à portée d’une bonne éducation et instruction, aurait l’obligation de se tourner vers Dieu comme Trinité, Créateur et Rédempteur, parce qu’il connaîtrait suffisamment ces mystères ; un autre, dont la connaissance distinct.' s’arrête aux premiers articles les plus nécessaires sera obligé de tendre à Dieu ainsi considéré ; un autre enfin, élevé parmi les barbares et n’ayant la connaissance d’aucun mystère en particulier, sera obligé au moinde se proposer de vivre suivant la règle d’un gouverneur du monde, supérieur aux hommes et à toute la nature, lequel se ferait comprendre de lui par la grâce passagère d’une lumière surnaturelle, avec l’obligation de lui obéir ; et en cela consiste Vlionnftelé surnaturelle, confusément perçue. Quand donc ce dernier arrive à l’usage de la raison…, il reçoit cette lumière, qui lui indique subitement l’existence d’une règle directrice de notre raison et de nos œuvres, supérieure au monde et à la nature, et qu’il est obligatoire de suivre ; puis sa volonté est poussée à l’accepter : telle est la première grâce suffisante éloignée. Si l’enfant y consent, s’il prend une sérieuse et ferme résolution de vivre honnêtement et conformément à cette règle, il aura fait son possible, et Dieu, en lui révélant alors les articles dont la foi explicite est nécessaire, le conduira jusqu'à la grâce de la justification et de la rémission du péché originel. S’il ne consent pas, il péchera mortellement, mais restera pourtant infidèle négatif, car par la force de cette lumière passagère les articles dont la foi est nécessaire, de nécessité de moyen absolue, ne lui ont pas été proposés assez distinctement… pour lui en faire perdre l’ignorance invincible. » Theologia scholastica secundum viam et doclrinam D. Thomse, Augsbourg, 1719, t. iii, De gratia, disp. V, a. ii, n. 10, p. 51. — Critique. — Cette interprétation est ingénieuse, et sauve les principes du Facienti… et de la grâce suffisante donnée à tous, ainsi que de la nécessité de la foi stricte. Mais elle suppose que la Trinité et la Rédemption sont des articles de nécessité de moyen absolue, ce qui est moins probable, voir col. 1882 ; elle suppose que / « U.S les enfants, au début de leur vie morale et consciente, reçoivent une révélation intérieure et surnaturelle, plus ou moins riche de contenu selon leur capacité, ou selon qu’ils ont librement accepté, ou non, un premier degré de cette grâce. Mais un phénomène si extraordinaire et si universel devrait laisser des traces dans la mémoire au moins d’un grand nombre, et être raconté par beaucoup : or on n’en a pas conscience pour soi-niême, et on ne l’entend janiais mentionner par d’autres ; ce prétendu fait est donc démenti par l’expérience. Suarez disait déjà, contre une opinion qui prétendait que tout infidèle était illuminé surnaturellement une fois dans sa vie, et recevait même la vocation prochaine à l’acte de foi : « C’est un fait d’expérience que licaucoup n’en sont pas là. Et l’on ne peut dire qu’ils reçoivent une semblable révélation bien qu’ensuite ils l’ignorent absolument. L’homme peut ignorer s’il agit d’une manière naturelle ou d’une manière surnaturelle. Mais il ne peut ignorer les objets qui lui sont proposés et qu’il perçoit, au moins quand ils lui sont actuellement proposés, il peut donc aussi en garder le souvenir. Autrement une telle révélation serait inutile, et surtout ne pourrait engendrer d’obligation. » De prædest., t. IV, c. iii, n. 16 ; édit. Vives, 1. 1, p. 494. Tout cela vaut, et a fortiori, contre l’hypothèse de Mezger. L’opinion de Mezger est rejetée

de même par Bucceroni, dans son opascule intitulé Commentarius de auxilio sufficienti infidelibus data, Louvain, 1884, § 2, n. 4, p. 3.

b) Ermites de saint Augustin. — Cet ordre est bien représenté par Pierre d’Aragon (f début du xviPsiècle) professeur à l’université de Salamanque ; son commentaire de saint Thomas sur la question particulière de la foi, de l’espérance et de la charité, Salamanque, 1584, a eu de nombreuses éditions. Après avoir prouvé que l’acte surnaturel de foi est absolument nécessaire à la justification de l’adulte, il se pose des objections dont la première s’appuie sur l’autorité du saint docteur et sa théorie de l’enfant. « Pour répondre à cette difficulté, dit-il, il faut supposer ceci avant tout : saint Thomas tient par ailleurs cette vraie et catholique doctrine.., que la justification exige une connaissance surnaturelle, il l’affirme, I^ II^b, q. cxiii, a. 4, ad 2. Je suppose en outre, comme très probable, qu’au premier instant de l’usage de la raison Dieu ordonne de se tourner vers lui, et donne des secours spéciaux d’intelligence et de volonté qui tendent de près ou de loin à la justification du non baptisé. Tout cela supposé, a. — on répond à cette objection que Dieu au premier instant de l’usage de la raison donne à tous la grâce de foi surnaturelle ; on n’est donc pas justifié sans elle. Ou bienb. — on répond : celui qui alors se tourne vers Dieu autant qu’il le peut par la nature, n’est pas justifié aussitôt, mais seulement lorsque, selon la disposition divine, il aura reçu une lumière plus haute et surnaturelle. Si l’on objecte à la 2^ réponse que dans le temps intermédiaire il pourra pécher véniellement, et avoir ainsi des péchés seulement véniels avec le péché originel ce qui est impossible selon saint Thomas, il faut répondre que l’opinion du docteur angélique est seulement pro bable sur le fait particulier de cette impossibilité ; peut-être même le contraire est-il plus probable. Pour moi, conclut-il, je répondrai ou bien en concédant l’objection (c’est-à-dire, que des péchés véniels se trouveront avec le seul originel, malgré la théorie de saint Thomas sur ce point) ou bien en disant (avec Médina) qu’il appartient à la divine Providence de faire que dans cet intervalle il n’y ait pas des péchés véniels seulement avec l’originel, en protégeant l’enfant de tout péché véniel juqu'à ce qu’il ait été justifié, ou qu’il ait commis un péché mortel, à cause de la raison assignée par saint Thomas, la Ilæ, q. Lxxxix, a. C. » Pétri de Arayon, O. Erem. S. A., Commentaria m //"'i 11^… de fde, spe et caritale, q. ii. a. 3, ad l'™ ; édit. de Venise, 1625, p. 79. — Critique, Aragon concilie la fidélité à saint Thomas avec une juste liberté. Dans la théorie de l’enfant, il distingue deux parties d’inégale valeur : la principale, qui lui semt)le très probable ; et l’accessoire, sur l’impossibilité de la coexistence du véniel avec le seul originel, qu’il estime probable seulement, comme le fera plus tard Billuart, et qu’il abandonnerait au besoin, non sans chercher à la conserver. La principale, c’est qu’il faut au début de la vie morale « se tourner vers Dieu. » Là-dessus sa largeur d’esprit lui fait reconnaître la probabilité des célèbres interprétations opposées, celle de Capréolus et celle de Cajétan : celle qui veut aussitôt ou la justification ou le péché mortel, it celle qui admet un délai pour connaître la révélation par une voie moins extraordinaire, et pour prendre en pleine connaissance de cause la grande décision. Il tient surtout, avec Médina et autres, à ce que l’on ne tire pas de cette théorie une erreur très opposée à la pensée du saint docteur, celle d’admettre la justification fans révélation et sans foi stricte.

c) Carmes de Salamanque (Salmanticenses). — Pour la question du salut des infidèles, tout en sauvant la nécessité de la foi stricte, ils penchent avec raison vers l’abondance des secours et réfutent vivement la