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INFIDÈLES


téral de ces mots dans l'Écriture elle-même. — d. Dans l’emprunt verbal qu’ils font au concile de Trente, les Pères du Vatican, s’abstiennent même de nommer ce concile : comment rendraient-ils un jugement solennel sur le sens d’une plirase de Trente ? — e. A supposer même qu’ils aient voulu faire de l’autorité du conc.le de Trente une sorte de preuve pour le sens différent qu’ils ont donné à ses paroles, comme si c'était le sens réel, cela non plus ne prouverait rien, car les conciles, pas plus que les papes, ne sont infaillibles dans le choix des preuves dont ils se servent. Voir Conciles, t. iii, col. 667 ; Infaillibilité du PAPE, col. 17(2.

Peu après le concile du Vatican, un partisan dévoué de Ripalda, le P. Desjardins, S. J., attaquait la preuve tirée du concile de Trente pour la thèse commune. Dans la Revue des sciences ecclésiastiques, avril 1872, t. XXV, p. 346-352. Il y entremêlait d’autres diiïicultés plus ou moins spécieuses. Voici celles de ses objections qui n’ont pas de solution sufRsante dans ce que nous avons dit.

objection.

Dans ces paroles de Trente : Fides est humanse salutis inilium, si vous entendez « que l’acte formel, strict de foi, est le premier acte dans l’ordre surnaturel, … et au sens absolu le commencement du salut, » la conséquence sera qu’il faudra retrancher de « la série des actes surnaturels » la volonté de croire qui le précède, et, à plus forte raison, les excitations de la grâce qui préviennent cette volonté, d’après le concile, c. v et vi, Denziger-Bannwart, n. 797, 798. — Réponse. — Nous nions cette conséquence. L’acte de foi stricte est ainsi appelé, parce qu’il demande une révélation divine, et par là s’oppose à la foi large. Mais comme il doit être libre, il inclut nécessairement une libre volonté ou volition de croire, surnaturelle et salutaire d’après les documents antipélagiens ; et cette volition doit être prévenue par la grâce excitante, surnaturelle aussi, d’après les mêmes documents, le concile de Trente, ibid., et celui du Vatican, c. iii, n. 1791. L’objection entend mal l’acte de foi stricte, et le confond avec sa partie purement intellectuelle. C’est sans doute la partie principale, puisque le reste lui est subordonné : c’est pour obtenir cette foi intellectuelle, que la grâce prévient et que la volonté commande. Mais le principal n’est pas tout ; on ne peut supprimer les autres éléments essentiels, ni leur enlever leur surnaturîilité ; on nous accuse faussement de le faire. Voir Foi, col. 359-362.

i' objection. — Si vous admettez dans la série des actes surnaturels les excitations de la grâce agissant immédiatement sur la volonté de croire et sur la foi à la révélation, pourquoi ne pas y admettre aussi les bonnes pensées et affections excitant longtemps auparavant la yolonté de l’infidèle à bien faire, pourvu qu’alors la faculté soit élevée comme Ripalda le suppose ? Pourquoi dire avec « Suarez et Lugo… que la première grâce surnaturelle date du moment où l’adulte entend la prédication de l'Évangile, ce qui est précisément en question ? Pour nous, Il nous semble qu’il est permis de faire remonter plus haut ces excitations de la grâce et ce réveil de l'âme… (Dans) tout infidèle qui observe fidèlement les prescriptions de la loi naturelle, les bonnes œuvres qu’il fait alors TTappartiennent-elles pas à la préparation, au moins éloignée, à la foi ? » Ibid., p. 351. — Réponse. — L’opinion commune, avec Suarez, Lugo, etc., a un excellent ensemble de raisons pour ne pas admettre une telle extension de la préparation surnaturelle à la justification. — a) Pour le concile de Trente, la « grâce prévenante excitante » est le commencement, exordium, de la justification des adultes », Denzinger, n. 797 ; et il s’agit de la grâce qui excite prochainement à l’acte de foi stricte. Ibid., n. 798. Le concile ne connaît pas votre " préparation

éloignée », surtout avec une telle profusion d’actes surnaturels ; voilà un argument négatif qui n’est pas sans valeur. — b) Saint Augustin fournit la base d’un argument positif : Les œuvres conformes à la loi naturelle, dit-il, faites par les infidèles avant de connaître la révélation et de se convertir à la foi proprement dite, n’ont aucune valeur devant Dieu, ne mènent pas à lui. Comment donc Desjardins peut-il en faire des actes aussi surnaturels que possible, et de véritables « dispositions », bien qu'éloignées, à la foi stricte ; ou même un « moyen extraordinaire » remplaçant la foi stricte, et menant sans elle à la justification, en cas d’ignorance invincible de l'Évangile ? Ihid, p. 353. Voici le texte du docteur de 'a grâce, contredisant formellement l’hypothèse de Ripalda : « Ces œuvres, que "on dit précéder la foi, quelque louables qu’elles semblent aux hommes, sont vides, inania. Je les comparerais à une grande dépense de forces et vitesse de course, mais en dehors du bon chemin, pr.-eter viam. Que personne donc ne compte ses bonnes œuvres avant la foi ; oCi la foi manquait, il n’y avait point d' œuvre bonne. » In psal. xxxi, n. 4, P. L., t. xxxvi, col. '259. Rappelons que cette négation à' œuvre bonne se rapporte à la bonté theologique, la seule envisagée d’ordinaire par Augustin. Voir sa controverse avec Julien sur les infidèles co. 1741. Les meilleures œuvres avant la foi manquent absolument de bonté théologique et sont en dehors du bon chemin, parce qu’elles ne conduisent pas positivement à la justification, ni par suite au salut ; le saint docteur va même jusqu'à donner à ces œuvres manquant le but le nom de « péché », C’est saint Thomas qui nous a fourni les expressions mêmes de bonté philosophique et de bonté théologique, quand il distingue 1' « acte bon suivant le philosophe » et l’acte bon suivant « le théologien. » Qua’st. disp., deveritate, q.xiy, a. 3. — c) Saint Augustin reconnaît, surtout chez les infidèles, Vexistence d’actes louables, mais purement naturels. Donc il contredit l’hypothèse de Ripalda, que, chez les infidèles, tout acte humain qui n’est point péché, est surnaturel. Voici le texte : « Il y a un amour du prochain (c’est ici le sens du mot caritas) qui est divin (surnaturel), et un autre qui est humain (naturel) ; celui-ci se subdivise en licite et illicite. Celui que j’appelle licite est non seulement permis, mais réclamé sous peine de blâme. Qu’il vous soit donc permis d’aimer d’un amour humain vos épouses, vos fils, vos amis, vos concitoyens. Mais vous voyez bien qu’un tel amour peut se trouver même chez les impies, c’est-à-dire les païens, — les juifs, les hérétiques. » Serm., cccxlix, n. 1, P. L., M t. xxxix, col. 1529. Pour d’autres textes augustiniens m reconnaissant l’honnêteté naturelle chez les infidèles, voir Pesch, Pretlcctiones, 2 « cdit., t. v, n. 136, p. 75. —

d) La bulle Auclorem fidei cite ce passage de saint Augustin, et reproche au synode janséniste de ne pas reconnaître l’existence « d’affections moyennes, provenant de la nature même, et louables de leur nature. » Denzinger-Bannwart, n. 1524. Moyennes ou « tenant le milieu », affectus medii : le milieu entre une œuvre surnaturelle comme celle de la charité théologique, et une œuvre illicite. Ripalda, comme les jansénistes, nie Vexistence de ce milieu, proclamée par Augustin et par la bulle ; mais il ne le nie pas en vertu des principes jansénistes, que la nature humaine a été totalement corrompue par le péché originel, et qu’aux infidèles nulle grâce du Christ n’arrive, bien au contraire ; aussi nous n’appliquerons pas au célèbre théologien la note ici donnée par Pie VI : « proposition fausse, déjà condamnée ». Il reste cependant une preuve sérieuse contre lui dans ce passage de la bulle. —

e) Saint Thomas admet également des actes d’une bonté naturelle chez les infidèles, même infidèles positijs, c’est-à-dire coupables du « péché mortel d’infidélité » ;