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INDIFFERENCE RELIGIEUSE


lolérantisme, ne niant pas le mal, mais se fiant à cette liberté, à cette fraternité, etc., pour le guérir. Le tolérautisnie en pratique va souvent jusqu’à identifier bien et ii : al ; il devrait alors se laisser appeler indilïérentismo : mais il est difficile de se dire indilïérent à tout ce t[u on veut absolument tolérer, et l’on proclame hypocrilement par lolérantisme la liberté des erreurs, des vices, des irréligions, plutôt que par indifïérentisme.

Laliliidinarisme, système d’indilïérence entre les dogmes des religions révélées, surtout chrétiennes ; au moins entre certains dogmes déclarés non fondamentaux.

Aux indifierents absolus on donne parfois aussi les noms péjoratifs d’incrédules, d’impies, d’irréligieux ou même d’athées ou enfin de libres-penseurs : tant la logique de l’indifiérence semble pousser naturellement l’âme à la lutte contre la religion.

Indifférence pratique.

Il y en a qui ne pratiquent aucune religion, non par système plus ou moins réfléchi, mais par habitude vécue.

1. Parlée du fuil.

Aanl le xixe siècle, il y a eu très peu de vrais indilTérents à la religion, soit chez les intellectuels, soit dans la bourgeoisie même, soit parmi le peuple. Mais depuis le xix » siècle, cette attitude n’est devenue que trop fréquente.

2. Les causes du /ait. — Elles peuvent se ramener à trois : ignorance, passions, mauvaise volonté.

a) Ignorance ou manque de formation. L’animalis homo se forme tout seul ; mais non l’Iiomo spiritualis. Et quel principe formateur de conscience religieuse peut trouver l’àme dans certains milieux familiaux et sociaux d’usine, de rue, d’école, etc.’? L’ignorance religieuse ne peut pas être cependant totale généralement, jusqu’à excuser a loto peccato comme a lunlo ; cela, soit dans nos pays chrétiens (catholiques, protestants, schismaliques), soit dans les pays monothéistes quifs, mahométans), soit même en pays païens civilisés (Indes, Chine, Japon) : un jour ou l’autre Dieu doit rappeler trop nettement ses droits transcendants à toutes ces consciences eu général, pour excuser celles qui roulent dans l’indifférence religieuse au moins alisolue. J’ai dit : en pays païens ciy(71sés. Peut-on admettre l’existence d’hommes adultes religieusement irresponsables, parce que leur conscience est demeurée dans une ignorance enfantine : adultes de corps, mais enfants jamais arrivés à l’âge de raison ou de conscience morale ? Jusqu’ici les théologiens admettaient cela pour îles individualités : demi-fous, idiots, sauvages très abrutis ; mais ils n’auraient pas été portés à étendre cette exception à des peuples entiers. L’enseignement traditionnel admettait en eft’et pour tout honune ordinaire adulte, la capacité de connaître Dieu, physique et morale, non seulement collective, mais individuelle, et non pas précisément par enseignement social, mais par invention, pur élévation facile et comme instinctive de l’esjirit humain vers le Maître du monde physique et du monde moral. Or cette idée du Maître du monde physique et moral est bien l’idée de Dieu, implicite et confuse, mais néanmoins suffisante. Et ces explications seules semblaient cadrer avec l’idée de l’homme essentiellement dirigé à Dieu comme à sa fin dernière individuelle, naturelle. Voir Dieu, t. iv, col. 826-829, 873, 876-881, 912-918 ; Caitéran, Le problème du salut des infidèles, t. I, Étude Insloriqne, et t. ii, Élude thcologique.

Les f : tudes du 20 août 1920, p. 306-l() ; i, ont publié un article du cardinal Billot prenant là-dessus une position toute nouvelle, que nous n’avons pas à discuter ici. Voir Infidèles (Salut des). Si les conclusions de la nouvelle opinion étaient assurées, l’indilTérence pratique de millions de païens, sans aucune vraie religion, serait assurément sans péché.

2. Mais la cause la plus fréquente du vrai indilTé rentisme pratique responsable et coupable, ce sont les passions : sensualité, cupidité, orgueil d’ambition, de domination, d’indépendance intellectuelle ou morale, enfin égoïste adoration de soi. Tout ce peuple d’en bas, s’il arrive à détrôner le roi légitime de l’âme, la volonté rationnelle, a bientôt fait de le fouler aux pieds, et ce ne sont pas les sens, ni la cupidité, ni l’orgueil qui s’occuperont alors de monter vers Dieu, l’Infini spirituel caché, dont ils ne peuvent rien recevoir, sinon des c’hâtiments.

Que faire avec ces indilTérents ? Amortir leurs passions en suscitant en eux cjuelque aspiration plus haute vers le bien de la famille, de la patrie, de l’humanité, de la civilisation artistique, intellectuelle, morale ; puis les dégoûter de ces passions à l’esclavage honteux en réalité : puis leur faire désirer plus vivement le vrai complet ou le bien ou le beau supérieur, exciter alors les appels instinctifs de l’àme naturellenieiit religieuse en introduisant l’angoisse de la destinée et la question de la Première Cause, ou mieux, si c’est le cas, réveiller les restes de foi ou de piété de l’enfance et de la jeunesse ; enfin donner à ces désirs des tournures de prières et de supplications : voilà les étapes douces, naturellement possibles d’une conversion de gens pratiquement inditïérents à cause de leurs passions. Quant aux moyens à mettre en jeu pour réaliser ces diverses étapes, ils sont innomljraltles : conversations, lectures, amitiés, exemples, spectacles, etc. Et puis la grâce a d’autres chemins encore plus courts et plus assurés. Voir Th. Mainagc, La psychologie de la conversion, Paris, 1915 ; L. Koure, La conversion, dans les Études, t. cxLVi, p. 289 ; Une conversion classique, dans la Revue pratique d’apologétique, 15 janvier 1914 ; P. Hugon, Notion théologique de la psychologie de la conversion, dans la Revue thomiste, septembre 1919, p. 226 sq. ; J. Huby, La conversion, Paris, 1919 ; J. Didiot, Conversion, dans Dictionnaire apologétiqut, t. I, col. 697-705 ;.J. Dutilleul, Convertis et apostats, dans les Études, 1910, t. r.xxiv, p. 317 sq., 507 sq ; x. Retté, Lettres à un indiffèrent, Paris, 1921.

3. lùifin la dernière cause de riudilTércnce pratique, malgré une certaine foi persistante parfois dont on ne peut se débarrasser, c’est la malice obstinée dans le mal ; voir Impénitence, sur cette catégorie de liécheurs. Mais ici l’indilTérence extérieure, alîectéc même, couvre une inimitié jjIus ou moins rageuse au dedans et il ne se peut faire que celle-ci n’éclate un jour ou l’autre et change l’indifférence en sectarisme. Cf. X. Moisant, Psychologie de l’incroyant, Paris, 1908 ; Déisme, l. iv, col. 234-242 (évolution du déisme anglais, français, allemand) ; Dieu, col. 759 sq., 1243 sq.

Discuter avec ces esprits ? Cela sert de peu. Ébranler par la prière et l’alïection, et l’attirance de quelque aspiration sujtérieure : c’est presque tout ce qu’on peut faire ; susciter encore les occasions de quelque profonde émotion dans un coin du cœur resté droit et noble ; et puis le malheur souvent, dans le creur ou l’esprit ou le corps, a seul la force décisive. Voir dans Th. Mainage la bibliographie des conversions. Contre toute forme d’indifférence pratique consulter surtout les fortes et puissantes études de Mac (^arthy. Sermons, t. ii, 3 sermons sur l’incrédulité et un sur l’indilTérence ; Lamennais, Essai sur l’indifférence en matière de religion, 1. 1, c. viii-xii, sur l’indilTérence pratique et l’importance de la religion, Mgr Pie, Instruction sur les priiïcipales erreurs du temps présent, Œuvres, t. II, p. 423-444 (indilTéreiUisme).

Problèmes théoriques.

Ils’agit d’abord essentiellement du grand problème humain, celui de la nature et de la destinée de l’homme, problème posé à quiconque est vraiment homme, par tous les besoins du creur, de la conscience, de l’esprit ; rester indilTérent