Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.2.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée
1483
1484
INCARNATION


chair passible, sujet aux souffrances et à la mort qui soat le fruit du pccho. La question qui se pose est donc simplement relative à ce que les théologiens appellent la substance de l’incarnation et non à ses modaUtés. — 5. Il ne s’agit pas enfin de supposer ici un ordre de choses dilïcrent de l’ordre actuel quant au décret divin qui a réalisé l’incarnation ; il ne s’agit pas d’hypothèse, mais bien de l’ordre présent de la Providence. Et l’on demande si, en vertu du décret que Dieu a formulé en vue de l’ordre actuel, l’incarnation se serait ré : Uisée, uiéine au cas où l’honune n’aurait pas péché. En décidant l’incarnation du Verbe, Dieu » pouvait vouloir que sa gloire fût procurée par l’incarnation elle-même, indépendamment de toute condition, ou bien dépendamment d’une hypothèse qui lui permettrait de concilier et de glorifier à la fois sa miséricorde et sa justice, c’est-à-dire en vue de réparer la chute. Qu’il ait pu choisir l’un ou l’autre de ces deux plans, voilà qui est incontestable pour quiconque reconnaît la suprême indépendance de Dieu. Chacune des deux combinaisons présente de hautes convenances qui peuvent, non pas nécessairement, mais légitimement terminer le bon plaisir divin. Mais, si Dieu pouvait vouloir, qu’a-t-il voulu en fait, et en vertu du présent décret qui aboutit à l’incarnation ? Tout le problème est là… Voilà la vraie question à résoudre : en vertu du présent décret, l’incarnation est-elle subordonnée à la rédemption de telle sorte que le Verbe ne se serait pas incarné s’il n’y avait pas eu l’homme à racliettr ? » Hugon, Le mystère de l’incarnaiion, p. 79-80.

Le plan de l’incarnation dans la sainte Écriture.


Avant d’exposer les discussions d'écoles, il paraît convenable de i"echercher dans l'Écriture les indications qu’il a plu à l’Esprit Saint de nous communiquer relativement aux divins desseins dans l’incarnation du Verbe. Par là, nous poserons un fondement sérieux aux diverses argumentations des théologiens, sans nous engager prématurément dans les interprétations divergentes des systèmes.

1. Ancien Testament : les prophéties messianiques. — Dès les premières pages des Livres saints, tout aussitôt après la chute d’Adam et d’Eve, le Messie est annoncé et promis, comme celui qui viendra briser la tête du serpent. Gen., iii, 15. Qu’est-ce i dire, sinon que le péché, introduit dans le monde par le démon sera détruit par le fils de la femme ? Cette victoire du Messie sur le péché et les suites du péché doit être une des formes de ces bénédictions surabondantes promises à Abraham, Isaac et Jacob dans celui qui naîtra de leur race. Gen., xxii, 16 ; xxvi, î ; xxviii, 13. Dans les psaumes, se précise la forme de la victoire du Messie ; c’est parce qu’il sera l’homme des douleurs, dans une passion humiliante, que sa gloire et son règne se répandront sur tous les peuples de la terre. Cf. Ps. XXI ; Lxviii ; lxxi, 5, 11, 17 ; cix ; lire le commentaire de Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, II » partie, c. iv. Bien plus, les sacrifices de la loi mosaïque ne plaisent pas par eux-mêmes au Seigneur ; le Messie se présentera donc et dira : Me voici, Ps. XXXIX, 7-8 ; cf. Heb., x, 5 ; me voici, conformément à ce qui est écrit de moi, pour faire votre volonté, c’està-dire oITrir le sacrifice agréable à Dieu. Cf. Bossuet, Élévations sur les mijstères, xiV semaine, 7<' élévation. Salomon célèbre, Prov. viii, 22 sq., la sagesse éternelle et personnelle se manifestant dans le monde. Voir le texte, Fii.s de Difu, t. v, col. 2368. Dans ce passage, il est question de la sagesse éteinelle, préexistante en Dieu avant toutes choses. Cf. Eccli, xxiv, 5, 14. Le sens objectif nous fait entrevoir une certaine fécondité intellectuelle de Dieu se terminant à cette sagesse, qui n’est pas une personnification poétique, mais une réalité que le texte nous permet de supposer person- |

nelle. L’idée d’une sagesse purement créée doit être écartée : le terme £>cTia£, dont se servirent les LXX et dont abusèrent tant les ariens, doit être compris selon le sens de l’hébreu, ' !  ::p, m’a formée. Nous n’insistons

pas sur le sens de peç, Prov., viii, 311, que la Vulgate, les LXX et le syriaque traduisent par artisan, ouvrier ; le sens passif, pes, enfant élevé ou chéri par Dieu, sens

qu’admettent à la suite d’Aquila, la plupart des modernes, paraît préférable ; la sagesse est ainsi représentée, non comme travaillant, mais comme se jouant dans la création. Au point de vue qui nous occupe, cette nuance est de peu d’iniportance : nous cherchons uniquement, en eûet, à savoir si la sagesse doit être ici entendue de la sagesse divine, éternelle sans doute, mais appartenant sous quelque rapport à l’ordre créé. La sagesse éterneUe devant s’entendre vraisemblablement d’une réalité personnelle, l’aspect sous lequel elle appartiendrait à l’ordre créé semblerait indiquer qu’il s’agit soit d’une participation de la sagesse divine manifestée dans la création du monde, cf. Bossuet, Sixième avertissement, Lxxii, soit de la sagesse incarnée, c’est-àdire du mystère de l’incarnation, décrété de toute éternité et raison dernière d'être de toute la création. Le V. 31 semble confirmer cette interprétation. Cf. H. Lesètre, Le livre des Proverbes, dans La Sainte Bible, Paris, 1879, p. 9. Surla sagesse en général, voir Fils de Dibu, col. 2367 sq. ; sur le rôle de la Sagesse dans la création, voir Cré.ytion, t. iii, col. 2050. I^endant la période prophétique, bien des fois Dieu inspire aux prophètes l’annonce de quelque détail de la vie, de quelque attribut de la personne, de quelque trait de la physionomie du Messie futur ; mais c’est principalement chez Isaïe, qu’on trouve indiqué le but exprès de la venue sur la terre. Isaïe annonce le Messie, l’Emmanuel, vii, 14 ; il prédit notamment son empire universel, xvi, 5 ; xviii, 7 ; xxiv-xxvii ; le Messie sera la lumière des nations et le salut d’Israël, xLix. Mais c’est à la fin du c. lu et dans tout le c. lui que se trouve indiqué d’une façon plus expressive le motif de la venue de celui qui apporte aux nations le « salut de notre Dieu, » lii, 10. C’est par le sacrifice rédempteur, l, 5 ; par les tourments et la mort volontaire lu serviteur de Dieu, lui, que seront assurées la fondation de l'Église, la conversion des peuples et la victoire définitive du Christ, c. liv-lv, lxi, lxiii, Lxv-Lxvi. Le Messie mettra fin au péché. Dan., ix, 24 ; ôtera à la terre ses iniquités, Zach., iii, 9 ; réconciliera l’homme à Dieu, Is., Liii ; Mich. v, 5 ; Agg., ii, 10. Dans les derniers livres inspirés, nous trouverons, Sap., Il, 11-20, un tableau vivant des souffrances que doit endurer le Messie, symbolisé dans le Juste. Si donc, au moment où Jésus apparaît dans le monde, les Juifs n’acceptaient pas l’idée d’un Messie souffrant, c’est que le sens des prophéties avait été défiguré par une interprétation trop matérielle du royaume du Christ. Jésus se charge lui-même de rectifier la croyance de ses contemporains sur ce point. Matth., XVI, 21-22 ; Marc, viii, 31-33 ; Joa., xii, 34, 37-38 ; cf. Luc, xxiv, 20. Sur ce point, consulter Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1908, p. 236-250 ; Schurer, Geschichle des iildischen Volkes, 3e édit., Leipzig, 1898-1901, t. ii, p. 554-557.

2. Les figures messianiques.

Adam est à l’Iiumanité déchue ce que Jésus est à l’humanité rachetée. De là, le Christ est appelé le nouvel Adam. I Cor., XV, 22, 45 ; cf. Rom., v, 14. Abel figure Jésus, par l’innocence de son sacrifice et par sa mort, due à la jalousie fraternelle. Heb., xii, 24. Noé sauve l’humanité pendant le déluge, comme Jésus la sauvera plus tard par la rédemption. Abraham, père des croyants, symbolise le Christ, chef de toux ceux qui vivent de la grâce. Melchisédech représente le sacerdoce de la