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HORMISDAS


point de la ligne de conduite qu’il s'était tracée : pas un seul nom de schismatique dans les diptyques ; il ne sortirait pas de là. C’est ce qu’il annonça à l’empereur Justin dans une lettre du 26 mars 521. Jaffé, n. 860 ; Thiel, Epist., cxl. « Que le mo larque veuille bien persévérer dans son désir de l’unité ; qu’il ne redoute point, à l’occasion, de mettre la force au service de la vérité. On verra bien si l’obstination de ceux qui déchirent l’unité de l'Église sera plus forte que tous nos désirs de paix. Il y a des blessures devant lesquelles il ne faut pas reculer, puisqu’elles sont infligées pour le salut de l'âme. Et qu’on ne dise pas que nous nous montrons plus sévère que nos prédécesseurs. Ce n’est point l’oiiiniâtreté qui nous engage dans cette voie, mais bien les scandales dont nous avons été témoin. » On notera cette lettre, elle exprime pour la première fois l’appel de l'Église au bras séculier pour contraindre les dissidents. Nous ignorons quelle réponse y firent Justin et son neveu. Ce qu’il y a de certain, c’est qu'à la suite de tous les événements que nous venons de raconter, plus de cinquante évoques, dont plusieurs fort recommandables par leur science et leur piété, furent déposés et envoyés en exil. Le jour n'était pas loin où l’Orient prendrait sa revanche de telles humiliations.

La controverse théopaschile.

Cette question de

diptyques n'était d’ailleurs pas la seule qui préoccupât à cette époque les légats d’Hormisdas. Plus graves sans aucun doute étaient les querelles théologiques soulevées au ini"me moment par ceux qu’on appelait les moines scythes. Elles roulaient tout particulièrement sur la formule : iimis de Trinilate passua est. Cette expression ne laissait pas que d'être suspecte aux chalcédoniens stricts ; et ses origines étaient bien faites pour aggraver les défiances. Cinquante ans plus tôt, en témoignage de ses sentiments monophysites, Pierre le Foulon, à Antioche, avait introduit dans le Trisagion liturgique l’addition : qui passus es pro nobis. Il voulait signifier qu’une des personnes de la Trinité avait souffert pour nous. Pour qui cdmeltait la fcrmule chalcédonienne des deux natures dans l’unité de personne, l’expression incriminée n'était pas plus scandaleuse que le i om de mère de Dieu attribué à la vierge Marie. Mais quand l’on songe au monophysisme avéré de Pierre le Foulon, on ne peut s’empêcher de remarquer le danger que créait semblable minière de parier. On mettait l’accent sur la nature divine du Christ au point de reléguer dans l’ombre sa nature humaine, seule capable de souffrir et de mourir. On semblait attribuer à la divinité elle-même les souffrances de la passion. Le qui passus es pro nobis était vite devenu dans tout l’Orient le signe de ralliement de l’opposition antichalcédonienne. Sans reprendre cette formule suspecte, l’Hénotique de Zenon contenait une expression apparentée : unus de Trinilate incarnatus. Autant que la précédente, la fonnule impériale était susceptible d’interprétation orthodoxe ; elle n’en était pas moins devenue la tessère du monophysisme modéré. Plus tard, quand l’empereur Anastase avait accentué sa rupture avec l’orthodoxie, une expression rappelant plus clairement les idées de Pierre le Foulon avait été mise en circulation. L’on disait couramment dans les milieux monophysites de la capitale : unus de Trinilate cruciftxus. Et l’adoption de cette fcrmule dans la liturgie constantinopolitaine avait causé dans le public orthodoxe une révolution véritable. Le terme s'était maintenu néanmoins. Ce fut seulement à l’avènement de Justin que l’on songea à l’abroger. Mais juste à ce moment il lui survint de ? défenseurs bien inattendus dans la personne des moine ; scj’thes et de leur abbé Maxence. Ce milieu ne pouvait guère être soupçonné d’hostilité à la foi chalcédonienne. Vitalien, un des plus fermes

soutiens de l’orthodoxie, entretenait les meillem-s rapports avec les moines scythes, dont il se fera l’ardent défenseur. Les écrits de l’abbé Maxence, P. G., t. LXXxvi, col. 74-158, ne témoignent pas d’un attachement quelconque aux doctrines mo lophjsites. Mais en ce milieu on craignait, ou l’on faisait semblant de craindre, que la réaction chalcédonienne, provoquée par Justin, ne fît relever la tête aux restes, toujours vivants à Constantinople, de la faction nestorianisante. En adoptant l’expression : unus de Trinilate crucifixus, on mettrait en relief l’unité absolue dC celui qui avait été engendré de toute éternité, et qui cependant était mort iiour notre salut.

En sens inverse, un diacre nomm J Victor, qui faisait profession de ne connaître que la fcrmule de Chalcédoine, attaquait vivement les moines scythes. C'était bien le moment de rouvrir les querelles théologiques ! Mais le sol byzantin était si favorable à ce genre de produits 1 On en vint bien vite de part et d’autre à se traiter d’hérétique. Pour les moines scythes, Victor n'était qu’un nestorien à peine déguisé ; Victor ripostait et accusait ses adversaires de monophysisrae. C’est au milieu du premier fracas de ces joutes dangereuses qu’arrivèrent à Constantinople les légats d’Hormisdas. Thiel, Epist., lxxv, lxxvi. Les Scythes et Victor voulurent faire trancher le différend par les représentants du pape. Mais la théologie de ces derniers était un peu courte pour se reconnaître de suite dans ces arguties byzantines. Avec beaucoup de raison ils se retranchèrent derrière leur formulaire. Pour être déclaré orthodoxe il suffisait de l’accepter : à quoi bon y rien ajouter ? On avait le texte de Chalcédoine ; il était suffisant à dirimer les questions. Ainsi raisonnaient les légats, qui dans la circonstance se rencontraient avec le patriarche Jean. On fit comparaître devant ces deux autorités les Scj’thes et leur adversaire. Victor déclara qu’il recevait le Tome de Léon et la lettre sj-nodale de Cyrille. C’est fort bien, dirent les Scythes ; mais qu’il ajoute : et unus de Trinilate crucifixus. Les légats s’y opposèrent. « Ce qui n’est point défini dans les quatre conciles, ni dans le Tome de Léon, nous ne pouvons l’ajouter. » Thiel, Epist., xcviii ; relation du diacre Dioscore, 15 octobre 519.

Les Scythes ne se tinrent pas pour battus. Les légats du pape pactisaient avec l’hérésie ; il ne restait plus à Maxence et à ses moines qu'à partir pour Rome et à soumettre directeme.it leur querelle au jugement d’Hormisdas lui-même. Ainsi fut fait ; dans l'été de 519 les Scjlhes arrivaient à Rome et ne tardaient pas à remplir la ville de leurs bruyantes accusations contre Victor d’abord, puis contre les légats pontificaux, entraînés dans son hérésie. Hormisdas cependant ne se pressait point de répondre, malgré les instances pressantes que, de Constantinople, lui adressait Justinien. Thiel, Epist., xcix. Il commençait à comprendre que, sous toutes ces querelles soi-disant théologiques, il y avait surtout des questions de personnes, et avant de prendre une décision, il n'était pas fâché d’entendre les impressions que de Constantinople lui rapporte-I raient ses légats. Lettre à Justinien, mars 520, Jafïé, n. 846 ; Thiel, Epist., cxii. Et comme les Scythes, mécontents des lenteurs romaines, avaient essayé de fuir, le pape les avait fait surveiller plus étroitement. Lettre aux légats, décembre 519, Jalïé, n. 840 ; Thiel, Epist., cm.

Les légats avaient quitté Byzance en juillet 520 ; ils étaient porteurs de lettres adressées au pape par tout ce qu’il y avait dans la capitale de personnages importants. Dans tous ces documents l’on insistait beaucoup sur l’urgence qu’il y avait à arrêter la querelle des moines scythes. Justinien, qui déjà s’exerçait au métier de théologien, discutait la formule de Maxence et| proposait à son tour ses vues personnelles. Il lui sem-