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HOBBES

Dans l’intervalle, en 1646, Buckinghham, qui, au dire sans preuves de Burnet, cherchait à donner au jeune prince de Galles, le futur Charles II, réfugié en France, des maîtres capables de le corrompre, chargea Hobbes de lui enseigner les mathématiques. Cette faveur toutefois ne dura pas. Le De cive avait déjà été attaqué violemment, acerrime, dit Hobbes dans la préface de la 2e édition ; les ouvrages qui suivirent le furent également. En 1650, il publia coup sur coup le fruit de ses premiers travaux : Human nature or the fundamental elements of policy, in-12, Londres, avec une épître dédicatoire au comte de Newcastle datée du 9 mai 1640, livre dont d’Holbach donnera en 1772 une traduction anonyme ; puis le De corpore potilico, dont une traduction française parut à Amsterdam en 1653 et dont la version originale, qui était en anglais, a été publiée en 1889 par le Dr F. Tôönies, sous ce titre : The elements of law natural and political. Enfin en 1651, paraissait à Londres le Leviathan or the matter form and power of a commonweatlh, in-fol. Le Léviathan, nom biblique, désigne la bête populaire que seul domine, pour le bonheur de tous, le pouvoir souverain tel que le conçoit Hobbes. Ce livre, où Hobbes reprenait pour les développer et les compléter les idées qu’il avait déjà exposées, comprenait 4 parties : la Ire traitait de la nature de l’homme et des lois naturelles ; la IIe, de la nature de la société civile et des droits du pouvoir souverain ; la IIIe, de la société chrétienne, et la IVe, du règne des ténèbres ; dans ces deux dernières parties, il attaquait souvent l’Église catholique. Une Review and conclusion de quelques pages résumait l’ouvrage. Une 2e édition de cette version anglaise parut à Londres en 1680 : une nouvelle fut donnée en 1881 à Oxford par J. Thornton et en 1885 dans la « Morley’s universal library ». Hobbes donna lui-même en 1668 une version latine un peu différente avec trois dialogues apologétiques pour remplacer la Review and conclusion. Or le Léviathan mécontentait dès son apparition des hommes politiques, comme le libéral Hyde, le futur Clarendon, qui en trouvaient les théories dangereuses pour la monarchie, des ministres anglicans qui le jugeaient impie et le clergé français puisqu’il n’avait pas ménagé l’Église catholique. Charles II fit sentir son mécontentement à Hobbes, qui, devant cette disgrâce, rentra en Angleterre (1053), masquant toutefois ses vrais motifs sous ce prétexte, qu’il avait tout à craindre du clergé français. Si l’on en croit Clarendon et surtout le Hobbius heautontimorumenos de Wallis, Hobbes, depuis longtemps désireux de rentrer en Angleterre, aurait préparé cette rentrée par le Léviathan même. Dans la Review and conclusion, il admet comme un devoir pour quiconque veut vivre dans un pays après une guerre civile la soumission vis-à-vis du vainqueur. C’était soutenir la légitimité du gouvernement de fait et se rallier à Cromwell. Wallis relevait même comme une flatterie au « Protecteur » cette affirmation de Hobbes, qu’à l’obéissance chez le sujet correspond la « protection » de la part du souverain. Hobbes fit remarquer, il est vrai, que ce titre de Protecteur, Cromwell ne le portait pas encore en 1651. Enfin, la tête couronnée du pouvoir souverain qui ouvre le Léviathan aurait, dit-on, ressemblé à Cromwell dans la première édition du livre, pour ressembler à Charles II dans l’édition de 1668. Cf. de Rémusat, Histoire de la philosophie en Angleterre, t. i, p. 335 et note 1. Quoi qu’il en soit, Hobbes ne fut nullement inquiété tant que vécut Cromwell. A la mort du Protecteur, craignant des troubles, il repassa le détroit, mais pour revenir bientôt avec la Restauration. De 1653 à sa mort, Hobbes, que la Restauration tint à l’écart, vit la plupart du temps dans un château des Cavendish. Il publie alors le grand ouvrage philosophique auquel il travaillait dès le début, la Ire partie, in-4°, à Londres, en 1655, sous ce titre : Elementorum philosophiæ sectio prima, De corpore, dont il donnera l’année suivante une traduction anglaise ; la IIe, in 4°, à Londres également, en 1657, sous ce titre : Elementorum philosophiæ sectio secunda, De homine ; le De cive formait la IIIe partie. Il soutient aussi une longue controverse avec Bramhall, évêque de Londonderry, sur la question de la liberté. Après le De cive, Bramhall avait soumis une série d’objections à Hobbes, qui n’avait pas répondu. En 1646, les deux adversaires avaient discuté en présence du marquis de Newcastle ; la discussion devait être tenue secrète. Or, en 1654, Hobbes la publiait, malgré la parole donnée, dans une brochure, A letter about liberty and necessity, in-12, Londres. Bramhall répondit immédiatement par un livre, A defence of true liberty from antecedent and extrinsical necessity, Londres, 1655. Hobbes répliqua par : The question concerning liberty and necessity and chance stated and debated between Mr. Hobbes and Dr. Bramhall, in-4o, Londres. En 1658 paraît une réponse de Bramhall : Castigations of Mr. Hobbe’s last animadversions, avec un appendice qui dénonçait « le poison » du Léviathan : The catching of Leviathan, the great whale. En 168, Hobbes s’efforçait de réfuter l’accusation d’athéisme précisée là : d’où son livre : An answer to a book published by Dr. Bramhall…, qui fut publié seulement en 1682, in-8o, Londres. En 1670, il publiait encore, touchant cette même controverse, A letter to William duke of Newcastle concerning the controversy about liberty and necessity, in-12, Londres. Hobbes traitant aussi, sans aucun titre, les questions les plus ardues de la physique ou des mathématiques, ses prétentions en la matière lui attirèrent de rudes controverses avec les professeurs d’Oxford Ward et Wallis, Wallis surtout. Hobbes méprisait l’algèbre, prétendait refaire toute la géométrie, donner des solutions aux questions mathématiques jugées les plus insolubles ; Wallis ne lui passa aucune erreur. La controverse commença après la publication du De corpore, 1655 ; Ward ayant publié une In Th. Hobbes philosophiam exercitatio, et Wallis un Elenchus geometriæ Hobbianæ, Hobbes répondit par ses Six lessons to the professors of astronomy and geometry, qu’il ajouta à la version anglaise du De corpore, 1656. Ce n’est point ici le lieu d’énumérer les ouvrages qui provoquèrent ces controverses ou d’étudier les prétentions mathématiques de Hobbes, mais Wallis, dans son Hobbius heautontimorumenos, 1661, ayant contesté l’orthodoxie de ses sentiments politiques et religieux, Hobbes répondit par une apologie de lui-même : Considerations upon the reputation, loyalty, manners and religion of Thos. Hobbes, 1662. Enfin, il écrit des traductions d’Homère, une histoire des troubles par lesquels l’Angleterre venait de passer : Behemoth : history of the causes of the civil wars of England, terminée en 1668, mais sur la demande du roi, il ne la publia qu’en 1679, in-8o, Londres. Le Dr. F. Tönnies en a donné une nouvelle édition en 1889 sous ce titre Behemoth or the Long Parliament ; une histoire en vers de l’Église, Historia ecclesiastica carmine elogiaca concinnata, publiée seulement en 1688, in-8o, Londres, et enfin son autobiographie en vers latins, Vita Thomæ Hobbes carmine expressa, in-fol., Londres, 1679 ; puis en prose, T. H. Malmesburiensis vita, in-8°, Londres, 1681, celle-ci publiée par R[ichard] B[lackburne]. L’énumération complète des œuvres de Hobbes est donnée par le Dictionary of national biography.

En 1668, Hobbes avait donné une édition de ses œuvres philosophiques latines : Opera philosophica quæ latine scripsit, 2 in-4o, Amsterdam, réparties sous ces titres : Logique, Philosophie première. Physique, Politique, Mathématiques. En 1750, John Campbell publia ses œuvres philosophiques et morales