Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée
141
142
HONORIUS AUGUSTODUNENSIS


silence ; l’auteur, dans un de ses traités, consacré à la description dn monde, fait assez longuement la géographie de la Bavière, de la Franconie, de l’Allemagne en général ; la France est expédiée en deux lignes, et il n’est pas dit un mot de la Bourgogne, chose assez curieuse pour un écrivain qui aurait vécu à Autun ; enfin, chose non moins remarquable, notre auteur sait l’allemand, et explique par des mots germaniques certains mots latins : lonsura= platta ; pascha = osterum (Ostern) ; invesiigare=socan (suchen). Tout cela est bien singulier ; et dès le xviiio siècle un critique français, Le Bœuf, avait cherché en Allemagne la patrie d’Honorius et le théâtre de son activité. Références dans VHisioirc littéraire, toc. cil. Le premier, il fit remarquer qu’on s'était un peu pressé de traduire Augustodunensis par Autun. et il indiquait soit la petite ville d’Augst. près de Bàle, autrefois siège d’un évêché, soit Augsbourg en Bavière. Il est bien vrai que le nom latin de cette dernière localité n’est pas Augustodunum, mais Augustn Vindelicorum. et que d’autre part la ville d’Augst près de Bâle avait été détruite bien avant le xiie siècle et son évêché réuni à celui de Bàle. Les bénédictins de l’Histoire littéraire faisaient déjà cette réponse à Le Bœuf. Aux objections tirées de la familiarité d’Monorius avec les choses d’Allemagne, ils répondaient en compliquant l’hypothèse primitive. Honorius, d’abord en charge à Autun, s'était finalement retiré en Allemagne et c’est en ce pays qu’il avait composé les écrits en question. < Le choix d’une terre étrangère, de la part d’un homme qui veut se vouer à la vie solitaire, n’a rien, ajoutaient-ils, qui doive nous étonner. »

On en resta là provisoirement. En France, on continuait d’enseigner qu’Honorins avait été écolàtre d' Autun ; en.Mlemagne, on commençait à se persuader peu à peu que le solitaire était un compatriote. Aujourd’hui, c’est dans cette dernière direction que s’orientent toutes les recherches ; les raisons de Le Bœuf semblent pércmptoires, c’est bien décidément en Allemagne qu’il faut chercher, sinon peut-être la patrie, du moins le théâtre principal de l’activité d’Honorius. Mais en quelle région ? Dieterich. dans une remarquable dissertation mise en tête de son édition de VOJIendiculum d’Honorius, indiqua délibérément Mayence. Monumenta Germanise historica. De lite irnperatorum et pontificam, Hanovre, 1837, t. iii, p. 29. Faisant état de ce que le traité De libero arbitrio est dédié à un prévôt (prœposilns) nommé Gottschalk (Gottescakus), il relevait dans les listes des dignitaires ecclésiastiques, vers 1120, un Gottschalk, prévôt (le la collégiale de Sainte-Marie des Champs à Mayence ; il montrait ensuite comment les divers indices convergeaient tous vers la même ville et il croyait pouvoir conclure : //onor/iim Mogunlise natum esse, vel saltem circa anniim 1123 ibi degisse non sine tperie veritatis probatum videtur. Il indicfuait néanmoins que le séjour d’Honorius à Mayence n’avait pas été per7)étuel, rien n’empêchant de penser que notre auteur, comme tant d’autres clercs de sa nation, avait (ail pour s’instruire un voyage lointain. Peut-être avait-il séjourné quelque temps en France ; peut-être avanl-il rempli en quelque ville de ce pays, et pourquoi pas à.ulun ? les fonctions d'écoiâtre. La chose était arrivée à d’autres de ses com ;)atrintes. Ces pérégrinations ne durèrent pas fort longtemps. Vers 1132, Honorius était de retour en Allemagne ; il s'était fait moine, moine bénédictin, selon toutes vraisemlilanccs, mais assez loin, semble-t-il, du théâtre de sa première activité. La fréquence des livres d’Honorius dans les bibliothèques de Bavière et d’Autriche indique que c’est vers la région du Danube qu’il faut orienter les recherches. La seule ville d'.Mlemagne mentionnée dans Vlmnqn mimHi est celle de Ratis bonne ; c’e- ; t de Ratisbonne que proviennent beaucoup' des plus anciens et des meilleurs mss d’Honorius conservés à Munich. Restait à identifier les abbés C… et S… à qui se trouvaient dédiés deux œuvres importantes de notre auteur. Dieterich déclarait n’y êtrepoint arrivé. Mais il croyait pouvoir aiïirmar qu’Honorius n'était pas resté simple moine, c’est dans 1 in-pace d’un reclus qu’il aurait tenniné ses jours. Et en quelques lignes Dieterich rassemblait ainsi les traits de la biographie d’Honorius. D’abord chanoine régulier dela collégiale Sainte-Marie de Mayence, il voyage en France, revient en Allemagne, se fait moine bénédictin à Ratisbonne ; c’est durant cette période de sa vie qu’il faut placer la composition de tous ses ouvrages ; une seconde période commence quand se fcrm2 sur Honorius la porte de l’in-pace. Désormais il est mort complètement au monde, et de lui la postérité ne saura plus qu’une chose, qu’il fut solitaire et reclus.

A. Hauck, dans les pages suggestives qu’il consacrait à Honorius dans sa Kirchengeschichle Deutschlands, Leipzig, 1903. t. iv, p. 430 sq., sans accepter toutes les données de Dieterich, orientait égalemsnt vers Ratisbonne les investigations des chercheurs. C’est à J. A. Endres que revient le mérite d’avoir démontré que c’est en cette ville qu’il faut chercher le théàtrfe de l’activité d’Honorius. C’est dans le cercle qui entoure Christian (le mystérieux C… que Dieterich n’avait pu identifier), abbé de Saint-Jacques de Ratisbonne, de 1133 à 1153, et qui correspond avec lui, que les recherches sur la personne d’Honorius se localisent désormais. A lui est dédié le De imagine mundi ; sur son ordre a été composé le Commentaire sur les Psaumes ; à lui il est fait allusion dans l'épître dédicatoire du Commentaire sur le Cantique. A ce moment, il est mort et c’est à son successeur qu' Honorius dédie son travail. C’est le successeur de Christian, Grégoire I", qui commence la construction du portail de l'église Saint-Jacques de Ratisbonne, dans les sculptures duquel se remarque si netteme it l’influence de ce même commentaire d’Honorius sur le Cantique. Avec beaucoup de prudence, Endres s’abstient de spéculer sur l’ensemble de la vie d’Honorius. Le début et la fin de son existence, dit-il, se perdent dans la plus totale obscurité. Sa patrie est inconnue, miis il faut affirmer qu’il a été moine de cette fondation écossaise de Ralisbonne, dont l’histoire commeice à être bien connue. Le mot solitaire ou reclus ne doit point se prendre au sens de « renfermé en un in pace » : il désigne le genre de vie que menaient, dans une fondation aux portes de Ratisbonne, des moines bénédictias d’origine écossaise, voir l’art. Schottenklôster, dans Kirchenlexikon, 2° édit., t. x. col. 1905-1907, et qui ressemblait à la vie de nos chartreux. Cette profession de solitaire n’excluait donc pas, comms le pensait Dieterich, le travail intellectuel, ni mems la publication d’ouvrages ; au contraire, venir en aide au peuple chré' tien et surtout au clergé en l’instruisant par de bon ! » livres était consiJéré en ces fondations comma une œuvre de miséricorde de valeur très singulière. Elle n’excluait point la prédication, ni même en certaines circonstances des voyages à longue distance. Dans un des mss du Spéculum F.cclrsix. on lit que les Frères de l'église de Cnntorhérij. jratres Ca-ituiriensis Ecclesiæ, ont entendu Honorius prêcher quand il séjournait parmi eux : Cam proxime in nostro convenlu resideres. et vcrbum fratribus secundum datam tihi a Domino sapientiam lacères. La mention de Cantorbéry, si singulière au premier abord, n'étonnera plus si l’on songe à l'étroite parenté qui uniss lit les fondations allemandes et les fondations anglaises de moines écossais. Un séjour d’Honorius à Cantorbéry n’a rien d’impossible, 11 explique au mieux les rapports qui existent entre ses idées et celles de saint Anselm". le grand