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IIONORIUS III — IIONORIUS IV


nantes et des besoins profonds du moyen âge, aboutissait à les remettre l’un et l’autre entre les mains du pape.

De là à s’en servir pour armer les chrétiens contre les hérétiques, la distance était courte. Honorius III la franchit. Mais là encore, il n’a rien innové. C’est Alexandre III qui, pour la première fois, proclama la croisade contre les hérétiques, au III « concile de Latran en 1179. Il assimile, dans le canon 27, les chrétiens qui s’enrôleraient pour combattre les albigeois aux fidèles qui se croisaient pour la délivTance du Saint-Sépulcre. Innocent III marche dans cette voie. En 1197, il décide Pierre d’Aragon à faire la guerre à ses sujets hérétiques. En 1205, il ordonne à ses légats de faire effort pour convertir les hétérodoxes et, en cas d'échec, il leur enjoint de recourir au bras séculier : « Avertissez avec zèle le roi de France, son fils Louis, puis les comtes, vicomtes et barons, suzerains en Languedoc, et enjoignez-leur de notre part de confisquer les biens des hérétiques et de proscrire leurs personnes… ; il faut qu'à défaut du glaive spirituel, le glaive matériel en vienne à bout. » Lettres rf'/nnocen////, t. VII, epist.Lxxix, P. L., t. ccxii. Il va plus loin. Après 1207, il développe la théorie qui, depuis lors, s’est appelée la doctrine de l’exposition en proie. Dans une lettre aux prélats du Midi, il déclare que l'Église peut se passer de l’intermédiaire du bras séculier pour exterminer l’hérésie dans un pays. Quand le suzerain s’y refuse, elle a le droit de prendre elle-même l’initiative des hostilités, de disposer des territoires contaminés par l’hérésie, de les offrir comme butin aux conquérants, sans qu’il leur soit nécessaire de demander l’assentiment du suzerain. L. XI, epist. xxvi. Ils succéderont d’ailleurs à toutes les obligations du seigneur dépossédé envers le titulaire du domaine éminent (dominas principalis, comte, duc ou roi) et lui devront la prestation de l’hommage en qualité de vassaux.

Les légats du pape devaient garder la haute main sur les opérations militaires. C’est ainsi que Simon de Montfort reconnut sa dépendance en droit et en fait, entrant en campagne et suspendant les hostilités quand l’autorité ecclésiastique lui en intimait l’ordre.

La doctrine de la croisade contre les hérétiques s'était donc achevée sous Innocent III. Cette doctrine, insérée tout entière dans le IV= concile de Latran (1215), fut invoquée fréquemment par les théologiens et les canonistes, les jurisconsultes et les papes, dans toutes les croisades en pays chrétien. Désormais la guerre sainte est rangée parmi les châtiments réguliers des faidits et constitue une des applications officielles du devoir qui incombe à la papauté de garder le dépôt de la foi contre toute atteinte hérétique.

Honorius III n’avait donc qu'à utiliser les armes forgées par ses prédécesseurs pour réprimer l’hérésie albigeoise. C’est ce qu’il fit. En 1217, il confirme à Amaury de Montfort les possessions que son père avait conquises sur les hérétiques. En 1218, il fait i-ncore prêcher la croisade. En 1219, il devient plus prcssant, offrant à ceux qui ont fait le vœu d’aller à Jérusalem de le réaliser en se croisant contre les hérétiques. Il objurgue Philippe-Auguste et le prince Louis, son fils, de prendre la tête de l’expédition. En 1220, il approuve un ordre mi-religieux et miguerrier destiné à mener le bon combat dans le midi de la France : la Milice de l’ordre de la foi de JcsusCfjrist. Il écrit des lettres menaçantes aux villes qui ne veulent pas se soumettre. Tous ces efforls. au fond, ne pouvaient avoir une réelle efficacité que si le roi de l’rance y ajoutait le poids de sa puissance. Philippevuguste resta hésitant ; Louis VIII se décida en posant des conditions très précises et 11 travailla sur tout pour lui. Cependant les démarches prolongées et souvent infructueuses d’Honorius III furent les dernières tentatives de croisade organisée directement ]3ar le pape en France. Elles n’en jettent pas moins un reflet curieux sur la doctrine du pouvoir pontifical à cette époque.

I. Sources.

Honorii 111 opéra omnia, édit. Horoy, dans Medii irvi bibliotheca pa<ris^'ca, in-S", Paris, 1879-1883, 1. 1 -V ; B. Hauréau, Quelques lettres d’Honorius III, extraites des manuscrits de la Bibliottièque impériale, dans Notices et extraits des manuscrits, 1865, t. xxi b, p. 163-201 ; Ltber crnsuum Ecclesia ? romanæ, édit. P. Fabre pt L. Duchesne, 1885 ; Pressnii, I regestidel ponte fice Onorio 1 1 1, dall’anno 1 2 16 tdl’anno 1227, compilati sul codici deW architiio vaticano ed altre fonti slorirhe, in-S", Rome, 1884 ; Id., Regesta Honorii papas 111, 2 10-4 », Rome, 1888-1895 ; C. Rodenberg, Epistola' seculi XIII, dans Monumenta Germaniæ liistorica, BerJin, 1883, t. i, p. 1-260 ; Liber ponlipcalis, édit. Duchesne, 1892, t. ii, p. 453 ; Pottliast, Regesta pontificum rnmanorum, n. 187.3-1875 ; Watterich, Pon(i/(cumronianorum vitiv, 1862, 1. 1, p. Lxxi-Lxxxiv ; Fabricius, Bibliotheca medii tfvi, t. t, p. 1018-1019 ; t. iii, p. 809-813 ; Bohmcr, Ficker et Winkelmann, Regesta imperii, 1892, t. v, p. 1120-1170, 2136 ; Biironius-Raynaldi, Annales ecclesiastici, an. 1216-1227.

II. Travaux.

J. Clausen, Papst Honorius III (12161227), eine Monographie, in-8, Bonn, 1895 ; F. Caillemer, Le pape Honorius III et le droit cinil, in-S", Lyon, 1881 ; A. Pokorny, Die Wirksamkeil dcr Legaten des Papstes Honorius 111 in Fraiivrcic/i und Deutschland, in-S ", Krenis, 1886 ; F. Vernet, Études sur les sermons d’Honorius III, in-S", Lyon, 1888 ; P. T. Masetti, / pontiftci Onorio III, Gregorio IX ed Innocenzo IV a fronte delV imperalore Federico Il net scailo XIII. in-S", Rome, 1884 ; F. Rocquain, 1.a cour de Rome et l’esprit de Ré/orme avant Luther, 3 in-8°', Paris, 1893, t. ii ; Knebel, K. Friedrich 11 und Honorius III, Munster, 1905 ; L. Bréhicr, L'Église et l’Orient au moyen âge. Les croisades, in-12, Paris, 1907 ; H. Pissard. La guerre sainte en pays chrétien, in-12, Paris, 1912.

H.-X. Arquillière.

4. HONORIUS IV, pape (1285-1287). Jacques Savelli, petit-neveu d’Honorius III, naquit en 1210. Il fit ses études à Paris. En 1261, il fut élevé par Urbain IV à la dignité de cardinal-diacre de Sancta Maria in Cosmedin. Bien qu’il fût infirme, il avait conquis assez d’ascendant au Sacré-Collège pour être élu à l’unanimité, quatre jours après la mort de Martin IV, à Pérouse, le 2 avril 1285. Il fut couronné le 20 mai de la même année. Prou, Registres d’Honorius IV, Introd., c. ii. Il mourut deux ans après, le i avril 1287.

La question la plus pressante qu’il eut à résoudre fut celle du conflit de la papauté avec le roi Pierre d’Aragon. Les vêpres siciliennes du 20 mars 1282 avaient enlevé au protégé de l'Église romaine, Charles d’Anjou, la moitié de son domaine dans le sud de l’Italie. Pierre d’Aragon s'était fait couronner à Palerme, en excipant des droits qu’il prétendait tenir de sa femme, fille de Manfred. Martin IV et Charles d’Anjou lui firent une guerre acharnée.

La situation s'éclaircit pour Honorius IV par le fait de la mort des principaux adversaires. Charles d’Anjou, Martin IV et Pierre d'.Aragon mouraient en 1285. Philippe le Bel ne songeait pas à s’interposer dans les complications siciliennes. Charles H, l’héritier du trône des Deux-Siciles, avait signé, pendant sa captivité en Catalogne, une renonciation à l'île de Sicile. Par son testament. Pierre d'.Aragon laissait à son fils aîné.Mphonse l'.Xragon et à son secontl fils Jacques la Sicile.

Dans ces conjonctures, Honorius IV commença par publier jiour le royaume de Sicile une constitution dont le but était d’adoucir les rigueurs du régime qu’y avait fait peser Charles d’Anjou. Raynaldi, Annales, an. 1285, n. I.'M5. Mais il refusa obstinément de sanctionner le testament de Pierre d’Aragon et frappa d’excommunication ses deux fils. Des dérimes