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IIONORIUS 1er


bien que le docte silence, sur cette question fliflicile, <iu docte cardinal !

On peut juger par là du ton que prenait aisément la polémique quand il s’agissait de la question d’Honorius. Elle continuera sur le même ton au cours du xvin » siècle, avec cette différence pourtant qu’on voit reparaître chez plusieurs ultramontains la solution désespérée de Baronius. Le minime Boucat, auteur d’une Theologia Patrum dogmadcoscholasticoposiliva, parue pour la première fois en 1718, soutient qu’après la XI session les légats se sont éloignés ; que l’office célébré à Sainte-Sophie par l'évêque Jean de Porto marque la fin du concile, que dès lors les sessions suivantes ne sont plus que la réunion d’un conciliabule. On n’est pas plus cavalier avec des documents historiques. Quelques années plus tard, en 1750, Bartoli, évêque de Feltre, Apologia pro Honorio, soutient encore la falsification des deux lettres, et prétend que la seconde a été fabriquée de toutes pièces. Il ne faudrait pas c : oi.e cependant que cette attitude soit générale ; autant que j’ai pu m’en rendre compte, les théologiens de cette époque résolvent plutôt la difficulté en soutenant la bonne foi d’Honorius, en défendant avec plus ou moins d'énergie ses deux lettres, en déclarant que le concile a jugé plutôt sur les apparences que sur le fond des choses. Le manuel de 'Tournely, longtemps classique en France, donnerait à peu prèj l’idée de cet état d’esprit. On en restera là, ou peu s’en faut, dans toute la première moitié du xixe siècle.

Ce serait une erreur de penser que la question <rHonorius se soit réveillée seulement à l'époque du concile du Vatican. La renaissance des études historiques et théologiques en France et en Allemagne devait amener, sinon une nouvelle position du problème (il est difficile d’en imaginer d’autres que celles dont nous avons fait la revue), du moins une application plus grande à en étudier les détails. On sait, d’autre part, comment, le deuxième tiers du siècle amenant ime recrudescence d’ultramontanisme, les attardés des doctrines gallicanes crurent devoir mettre tout en œuvre pour contrebatlre cette avance. C’est à ime préoccupation de ce genre qu’il faut attribuer l’opuscule de Dœllinger, Die Papstfabeln des Mitlelalters, 1863, où un paragraphe assez long était consacré à la question d’Honorius ; le pauvre pape en sortait bien meurtri. Plus sereine, non moins sévère, était la dissertation qu’Hefele, dans sa première édition de l’Histoire des conciles, accordait au même problème. Mais les théologiens ultramontains ne restaient pas sans réponse. Le très remarquable travail du jésuite G. Schneemann, Sludien ûher die Ilonorius Frage, 1864, réplique directe à Dœllinger, est sans conteste ce qui a paru de mieux, au point de vue théologique, sur la question d’Honorius. Dœllinger avait résumé en un mot la théologie soi-disant monothélite du pape : « Un seul voulant, donc aussi une seule volonté, car la volonté est affaire de la personne et non des natures. » Schneemann, avec une rigueur de déduction allant parfois jusqu'à la subtilité, montrait que la pensée du pape était bien autrement complexe et se laissait ramener à la théologie dyothélite. Rien de plus pénétrant et, je crois, de plus décisif, n’avait été écrit sur la question d’Honorius.

L’annonce du concile du Vatican, la nouvelle que le problème théologique de l’infaillibilité pontificale serait une des préoccupations principales de l’illustre assemblée ne pouvaient manquer d’attirer sur le cas d’Honorius un renouveau d’attention. De toutes les objections que l’histoire pouvait apporter contre la définition du dogme, celle-ci était la plus claire, la plus obvie, la plus facile à exploiter devant le grand public. On comprend dès lors que les opposants y aient

insisté avec force, et que cette insistance ait amené dans le camp adverse un véritable pullulement de brochures, tracts, articles de revue, voire même traités considérables. Du côté des gallicans, le P. Gratry abordait le problème avec plus de hardiesse et de violence verbale que de vrai savoir historique ou théologique ; plus mesuré, moins polémiste, Mgr Maret, avec une connaissance plus approfondie de l’histoire, faisait rendre à l’objection tout ce qu’il était possible d’en tirer. Mais dans tous les pays cathohques une légion de défenseurs se levaient en faveur de la mémoire d’Honorius. Il reste peu de choses à retenir de toute cette littérature trop directement inspirée par les circonstances ; aucun argument nouveau n’a été apporté ni pour ni contre le fait d’Honorius, aucun point de vue nouveau ne fut mis en lumière. Le plus considérable des travaux produits par cette agitation fut celui de Pennachi, De Honorii R. P. causa in concilio VI disserlatio. Le professeur romain se mettait tout spécialement sur le terrain du VI « concile, et voici comme il raisonnait : " Les lettres d’Honorius sont entièrement orthodoxes, et pourtant Honorius a été condamné par le concile comme hérétique formel. C’est que cette sentence repose sur une erreur de fait du concile. Mais que les adversaires de l’infaillibilité de l'Église dans les faits dogmatiques ne se hâtent pas de triompher. En prononçant cette sentence, le concile n’est pas œcuménique, et en voici les raisons. Par sa condamnation, le concile contredit Agathon, lequel avait affirmé que les papes ses prédécesseurs n’avaient jamais erré. Sans doute les légats ont signé les décisions conciliaires, mais, ce faisant, ils ont outrepassé leurs pouvoirs. Dis lors leur assentiment ne donne aucune valeur aux actes du concile. Le pape Léon II n’a pas approuvé la condamnation portée par le synode, mais lui en a substitué une autre d’ailleurs fort sévère, mais qui ne condamne point Honorius comme hérétique. Qu’on n’objecte pas les paroles d’Hadrien II ; ce pape s’est trompé en disant que le concile avait été autorisé par Agatho.i à condamner Honorius pour fait d’hérésie. »

Ainsi discutait-on, ainsi raisonnait-on autour du concile du Vatican. Il va sans dire que les échos de ces discussions venaient troubler parfois la sérénité même de la salle conciliaire. Il était inévitable que les objections historiques contre rinfalllibllité personnelle du souverain pontife fussent étudiées par la haute assemblée. Malheureusement nous sommes encore assez mal renseignés pour l’instant sur la façon dont travaillèrent aussi bien la Députation de la foi que ses rapporteurs ; nous ne le sommes guère mieux sur la physionomie des séances. Les pièces publiées sont encore trop incomplètes et trop fragmentaires pour que l’on puisse esquisser une histoire sérieuse de la question d’Honorius au concile du Vatican. Ce qui serait le plus intéressant à connaître, ce serait la pensée des membres de la Députation de la foi. Autant que nous pouvons le conjecturer, 11 semble bien que ceux-ci n’aient point attaché une importance extrême aux objections tirées de l’histoire que l’on alléguait contre l’infaillibilité personnelle du pape. Le rapport sur les observations des Pères du concile relativement au schéma De primatu romani pontificis est à ce point de vue particulièrement instructif. Collectio Lacensis, t. VII, col. 287 sq. « L’infaillibilité, disent les rapporteurs, étant un dogme révélé, il n’est pas possible que des faits historiques quelconques puissent en démontrer la fausseté ; si quelques-uns lui sont opposés, il faut très certainement les tenir pour faux en tant qu’ils paraissent opposés. Ce n’est d’ailleurs pas au concile à résoudre les difficultés particulières. Ces difficultés historiques ne sont pas nouvelles : elles ont été résolues bien souvent, et d’une manière complète (fre

«