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HONOKIUS 1er


Dans l’exaiueii des rcsponsaljilités, le VI' concile i-ut-il raison de faire retomber sur Honorius une large part de celles-ci ? Sans aucun doute. Était-il autorisé par les faits à dire qu’il n’y avait poinl de différence entre les Orientaux coupables et le pape de Rome ? A ne considérer que les faits, d’une part, les termes mêmes des lettres d’IIonorius, de l’autre, il ne pouvait guère échapper à cette conclusion. Les papes de Rome ontils ratifié la sentence du VI" concile ? Oui, dans le document officiel adressé à Constantinople. Ne constatet-on pas chez eu.K une tendance à distinguer le cas d’IIonorius de celui des O.ientaux condamnés ? Cette tendance existe. A peine marquée dans la lettre d’approbation duVP concile, elle se précise dans les documents postérieurs, mais cette distinction est toujours hasardée avec quelque timidité ; nulle part elle ne s’affirme comme l’acte d’autorité d’un pape, cassant les décisions du VI'-' concile et leur en substituant une autre.

4° Histoire de la question d' Honorius. — Les Orientaux, on le comprend sans peine, ne devaient pas perdre le souvenir de la condamnation d’un pape de Rome par un concile œcuménique. Tous les synodes successifs répétèrent la sentence portée contre Honorius : c’est le concile in Trullo de 622, qui met sans aucune distinction le malheureux pape sur la liste des hérétiques, Mansi, t. xi, col. 937 ; le VIT concile, deuxième de Nicée, en 787, qui renouvelle d’une manière générale les condamnations antérieures. Mansi, t. XIII, col. 377. (Que l’on compare aussi les documents joints aux actes de ce dernier concile, Mansi, t. XI, col. 1123, profession de foi d’un patriarche ; col. 1142, autre profession de foi ; t. xiii, col. 404, lettre du concile à l’empereur ; col. 412, lettre au clergé de ConstantinopleJ Le VIII'= concile, qui rétablit en 869 l’union des Églises troublée par Photius, renouvelle une fois de plus la sentence portée contre I-Ionorius. Mansi, t. xvi, col. 180-181. La majorité des écrivains grecs, commentateurs, théologiens, historiographes, s’accorde à considérer Honorius comme anathématisé. Il y a bien quelques exceptions ; le chronographe Théophane, à propos de l’explosion du monothélisme, ne cite même pas le nom d’Honorius et raconte toute l’histoire du VI" concile sans faire mention du pape condamné, P. G., t. cviii, col. 680684, 732 ; saint Jean Damascène semble l’ignorer également, soit dans l’opuscule njptôpOo&oçf, ; ttîjtsok, soit dans son traité des hérésies. A l’article consacré au monothélisme, il dit seulement quelesmonothélites tirent leur origine de Cyrus d’Ale.xandrie, et furent affermis dans leur erreur par Sergius de Constantinople. De hæresibus, n. 99, P. G., t. xciv, col. 762. Dans sa préface au traité Z)js deux volontés du même saint. Le Quien fait remarquer qu’on n’y trouve pas mention du rôle d’Honorius dans la controverse dyothélite. Il ajoute que, vers la même époque, saint Germain de Constantinople, dans un synode qu’il célébra en 715, anathématisa seulement Sergius, Cyrus et Pyrrhus, sans faire mention d’Honorius. P. G., t. xcxv, col. 127. Dans les deux cas, nous avons affaire à des écrivains tout dévoués au siège de Rome, et qui cherchent dans le pape uu appui contre les tendances hérétiques et séparatistes qui de plus en plus entraînent l’Orient. Mais ces deux saints sont des isolés ; la tradition qu’ils représentent ne sera reprise qu’au xive siècle, lors des essais d’union entre les deux Églises ; l’ensemble de l'Église grecque reste persuadée de la culpabiUté, disons plus, de l’hérésie du pape Honorius.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire comment le pape Jean IV avait cru pouvoir défendre la mémoire de son prédécesseur. L’explication a dû rester classique dans les milieux romains. OfTiciellemeut sans

doute on proscrivait le nom d’Honorius avec ceux i des chefs du monothélisme, mais, fort de la conviction ' que le siège romain ne pouvait errer dans la foi, on s’ellorçait d'éluder la portée de la sentence du VI «  concile. Cette sentence n’empêche nullement le pape Nicolas 1<", dans sa correspondance avec l’empereur Michel à propos des alTaires de Photius, de soutenir l’infailHbihté du pontife romain, Mansi, t. xv, col. 159 sq., et nous avons vu comment Hadrien II résolvait la dilliculté, en voyant dans le jugement du VP concile l’entérinement pur et simple de la sentence d’Agathon. A la même époque, et dans les mêmes circonstances, Anastase le bibliothécaire compose un opuscule, Collectanea ad Johnnncm Diaconum, P. L., t. cxxix, col. 557 sq., destiné dans sa pensée à réhabiliter la mémoire d’Honorius ; c’est lui qui a recueilli les explications de Jean IV et les tr^ts cités par l’abbé Maxime, dont nous avons fait mention plus haut. Cette tendance apologétique d’Anastase se comprend au mieux ; envoyé par Rome au VIII'= concile, il a pu se rendre compte par lui-même de l'état d’esprit des Orientaux par rapport au siège apostolique. Il est revenu de Byzance très irrité contre les grecs ; et son opuscule s’explique par le désir de leur arracher l’arme que pouvait leur fournir contre Rome le cas d’Honorius. Hincmar de Reims sera le dernier en Occident à alléguer la fâcheuse condamnation. Be una et non trina deitate, P. L., t. cxxv, col. 508. Puis c’est le x"e siècle qui commence, et avec lui l’ignorance et l’oubli où viennent s’ensevelir tous les souvenirs glorieux ou tristes de l'Église romaine. Les copistes continueront à transcrire dans le Liber pontificalis la notice du pape Léon II, les clercs à lire, le 28 juillet, le récit de la vie de ce pape, sans se douter que l’Honorius qui y figure en si fâcheuse compagnie est un pape de Rome. La plupart des historiens ou des chroniqueurs négUgent de le mentionner, et si quelques-uns donnent la liste des condamnés du VI « concile (Chroniques d’Ekkehardt, Monumrnla Germanise hislorica, Scriptores, t. vi, p. 155 ; devdon, P. L., t. cxxiii, col. 115 ; deMarianus Scotus, P. L., t. cxLvii, col. 752), ils ne soupçonnent vraisemblablement pas l’identité de l’Honorius dont ils transcrivent le nom. Les théologiens du moyen âge, ceux-là mêmes qui établissent d’une manière solide la doctrine de la suprématie pontificale, ne mentionnent jamais le cas d’Honorius, même au titre de ces objections de pure forme qui abondent dans les Sommes théologiques. Chose plus étonnante, les légistes eux-mêmes et les adversaires du pouvoir pontifical (et l’on sait s’ils étaient à la recherche des précédents) n’invoquent jamais celui-ci. Quand les gens de Philippe le Bel voudront obtenir de Clément V la mise en jugement de Boniface VIII comme hérétique, les défenseurs du pape défunt opposeront qu’il ne peut y avoir accusation d’hérésie contre un mort ; il ne viendra pas à la pensée des légistes français d’invoquer contre ces derniers le précédent d’Honorius, condamné pour hérésie par le VI-concile, quoique mort depuis quarante ans. Dans les mis.râbles querelles auxquelles donnent lieu et le grand schisme et les conciles qui essaient de le réduire, l’histoire du pape Libère, celle du pape Anastase II, « que Photin a entraîné hors du droit chemin a (Dante), seront indéfiniment ressassées ; le cas bien autrement précis d’Honorius ne sera jamais invoqué. Au xvie siècle même, Platina, Opus de vilis ac gestis SS. PP. ad Sixtum IV deductum, et Panvinio, Epifome vilarum RR. PP., pourront écrire l’histoire des papes sans en dire le moindre mot.

Mais ces derniers sont d’autant moins excusables que, depuis près de cent ans, quelques théologiens ont commencé à soulever la question d’Honorius.