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IMMUNITÉB ECCLÉSIASTIQUES


n’est pas formé d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte et appartenant à l’État, aux départements et aux communes ne sont pas soumis à l’impôt foncier et à l’impôt des portes et fenêtres. Il est vrai que cette exonération est la contrepartie de l’appropriation que le pouvoir civil s’est faite de ces édifices. Cf. Dalloz, Manuel des cultes, n. 1708, où on renvoie à la loi du 9 décembre 1905, a. 24, § 1, et à la loi du 2 janvier 1907, a. 6, qui tout en prévoyant une affectation cultuelle (affectation exclusive, ont décidé les tribunaux à plusieurs reprises), maintient toutes les dispositions de la loi de 1905 qui ne lui sont pas contraires.

C’est aux États-Unis que nous trouvons les exemptions les plus larges : « Partout… les édifices du culte sont exemptés d’impôts, loin que les pouvoirs publics aient l’idée de les confisquer ; presque partout les presbytères, asiles, cercles, écoles, séminaires et en général les établissements (religieux), bénéficient de la même exemption. » F. Klein, La séparation aux États-Unis, Paris, 1908, p. 62-63. Dans l’État de New-York, la loi du 24 avril 1903, antérieure de deux ans seulement à notre loi de séparation, exempte d’impôts les biens meubles et immeubles de toute corporation ou association organisée exclusivement pour le progrès moral ou intellectuel, ou ayant en vue la religion, la Bible, la diffusion des tracts, la charité, la philanthropie, les missions, les hospices, les secours aux malades, l’éducation, les sciences, les lettres, les bibliothèques, le patriotisme, l’histoire, les cimetières, la protection de l’enfance ou des animaux, ou poursuivant plusieurs de ces buts à la fois, étant compris que ces biens y seront employés exclusivement. » La même loi ajoute « que les propriétés aux mains d’un ministre d’une dénomination religieuse et servant aux mêmes buts seront également exemptées d’impôts. » Ibid., p. 62. Ce dernier texte prouve d’ailleurs que le principe qui a guidé les législateurs américains est plutôt lutilité publique que l’immunité religieuse proprement dite.

On peut rattacher à l’immunité réelle l’interdiction d’employer pour des usages profanes les objets du culte, res sacræ, consecratæ ou benedictae. La discipline traditionnelle a pris dans le Code la forme suivante ; Les objets consacrés ou bénits d’une bénédiction qui les constitue comme tels doivent être traités avec respect et ne pas être employés à un usage profane ou contraire à leur destination, même s’ils font partie du patrimoine de personnes privées, » can. 1150. On ne doit pas les prêter pour un usage qui ne convient pas à leur nature, can. 1137. S’ils perdent leur consécration ou leur bénédiction, on pourra les acquérir (entre personnes privées) pour des usages profanes, mais décents, can. 1510, § 1.’Leur aliénation était absolument interdite chez les Romains et pendant les premiers siècles du christianisme. La conception germanique du patrimoine séparé des églises mit fin à cette interdiction. Cf. Sâgmiiller, t. ii, p. 300. Le Code admet qu’il soit fait commerce des objets du culte sous certaines conditions, can. 1510. § 1. u Les choses sacrées qui sont dans le domaine des personnes privées peuvent être acquises en vertu de la prescription par d’autres personnes privées qui ne peuvent pas cependant les employer pour des usages profanes ; néanmoins, si elles ont perdu leur consécration ou leur bénédiction, on peut les acquérir librement même pour des usages profanes qui ne soient pas sordides. § 2. Les choses sacrées qui ne sont pas dans le domaine des personnes privées peuvent être prescrites, non par une personne privée, mais par une personne morale ecclésiastique contre une autre personne morale ecclésiastique, »

I VL La Congrégation de l’Immunité. — Ce n’est I plus qu’un souvenir du passé. A la fin du xvie siècle, ! Sixte V confia les affaires d’immunité à la Congréj gation des Évêques, puis Urbain VIII, par la bulle j Inscrutabile (22 juin 1626), créa la Congregalio Immunilatis. Cette Congrégation comprenait plusieurs cardinaux dont le préfet et le secrétaire, un procureur fiscal, deux évêques ponents et des o/flciales minores. Elle a rendu de nombreuses décisions qui n’ont pas été réunies en collection officielle. En 1708, Pierre André Ricci, abbé général de Cîteaux, publia une Synopsis, décréta et resoluliones S. Congreg. Immunitatis super controversiis jarisdictionalibus complectens Une réédition avec un grand nombre d’additions en fut donnée en 1868 à Paris par Mgr Barbier de Montault. La Congrégation des Immunités exerçait son activité surtout dans les États pontificaux ; partout ailleurs les gouvernements n’étaient guère d’humeur à tolérer son intervention. Aussi perdit-elle beaucoup de son importance après 1870 et devint-elle une simple dépendance de la S. C. du Concile.. Quand Pie X réorganisa les dicastères, en 1908, il la supprima purement et simplement. Cf. Mgr Boudinhon, art. Immunity de la Catholic encyclopedia. C’est à la S. C. du Concile que le Code de droit canon confie toutes les affaires qui ont rapport à l’immunité ecclésiastique, can. 250, § 3.

VII. Conclusion.

L’Église a toujours maintenu le principe général de l’immunité, parce que ce principe répond à un sentiment religieux très répandu (nous l’avons vu à propos du droit d’asile) et que les diverses immunités sont souvent nécessaires au libre exercice du ministère ecclésiastique. Mais l’application de ce principe a été très variable suivant les époques, on peut même dire qu’en aucun temps, fût-ce ceux de Constantin, de Charlemagne ou de saint Louis, elle n’a abouti à la mise en vigueur simultanée de toutes les exemptions personnelles, réelles ou locales et cela aussi bien du fait des concessions ou des tolérances tacites de l’autorité ecclésiastique que des exigences du pouvoir civil.

L’âge d’or des immunités fut la période des Décrétâtes (le xnie siècle) et du Sexte (début du xive siècle) : la théorie canonique se constitue définitivement sur ce point, quelles que fussent les déficiences de la pratique. D’ailleurs, le régime féodal dominait alors et l’immunité y était une nécessité pour tout homme libre, car le statut légal de chaque individu comprenait beaucoup plus de privilèges particuliers que de droits reconnus à tous. Cependant, nous l’avons constaté à plusieurs reprises, l’immunité féodale pouvait être le contraire de l’immunité ecclésiastique et imposer aux possesseurs ecclésiastiques des flefs certaines des charges du gouvernement, ou bien une exemption pouvait entraîner la disparition d’un autre privilège. Cf. le remplacement du service militaire par l’impôt.

Dès que le pouvoir royal se fortifiant bat en brèche la féodalité ou se l’annexe — événement déjà en cours au moment où Boniface VIII défend si énergiquement le principe de l’exemption — les immunités cléricales sont fortement entamées, surtout dans l’ordre fiscal. La papauté se montre en cette occurrence assez accommodante, au moins en règle générale, pourvu que la dignité de l’état clérical soit sauvegardée. Les concordats qui, après le concile de Constance, tendent à réglementer l’ensemble des relations entre les deux pouvoirs facilitèrent l’entente de Rome et des gouvernements sur le fait des exemptions. Évidemment nous parlons d’entente en considérant la situation d’un peu haut, dès qu’on entre dans les détails des rapports de l’Éghse et de l’État on constate plus d’un conflit. C’est en s’élevant lui-même au-dessus des