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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES

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nèrent enfin force de loi définitive au droit d’asile. Code Théodosien, t. I, tit. xii, lois 1, 2. Des constitutions impériales de 431, 433 et 466 (de l’empereur Léon) renouvelèrent cette décision. Cf. Many, ibid., p. 97-98. Enfin Justinien confirma à son tour les édits de ses prédécesseurs, mais en excluant de leur bénéfice les adultères, les homicides et les ravisseurs des vierges. Novelle XXV 1 1, c. 7, de l’année 535. Cependant l’Église réitérait à maintes reprises l’interdiction de livrer ceux qui s’étaient réfugiés auprès de ses autels, au 1° concile d’Orléans en 441, can. 5, Bruns, t. ii, p. 122, au II » concile d’Arles en 443 ou 452 (canon 30 et 34 pour les esclaves), par une décrétale de Gélase (492-496) qui néanmoins exceptait les violateurs mêmes du droit d’asile. Fragments xl-xlui. Thiel, Episi. roman, pontificum, p. 504-506.

Pendant le haut moyen âge le droit d’asile se précise et est reconnu par les Mérovingiens, les Carolingiens et des souverains barbares en dehors de la France. Les conciles d’Orléans de 551, can. 11, d’Épaone de 517, can. 39, de Lérida en 523, can. 8, Bruns, t. ii, p. 160, 172, 205, s’en occupent derechef. Le douzième concile de Tolède de 681 (en même temps loi d’État) étend la protection des réfugiés à 30 ou 40 pas autour des églises, can. 10. Bruns, t. i, p. 329 ; Gratien, Causa XVII, q. iv, c. 35. Quant au canon 89 » du concile de Mayence de 813 (Gratien, Causa XVII, q. IV, c. 9) il est le prototype de la législation de droit commun sur le sujet. Le pape Nicolas I"’et cinq conciles des xi « et xue siècles entérinent et renforcent les prescriptions anciennes. Childebert, Dagobert et Charlemagne (ce dernier après un instant d’hésitation ) leur donnent place dans la législation séculière. Cf. Many, op. cit., p. 99.

Mais c’est le droit canonique classique, celui des Décrétales, qui donna au privilège de l’asile sa forme définitive. Le point de départ fut la seconde partie du canon 15 » du II » concile de Latran tenu en 1139 : Prsecipimus etiam (le début du canon traite du privilège du canon) ut in tos qui ad ecdesiam vel cimœterium confugerini, nullus omnino manum miltere audeat. Quod si feceril cxcommunicetur. Mansi, t. xxi, col. 530. Cette décision est reproduite textuellement des conciles de Cleimont tenu en 1131, can. 14, et de Pise tenu en 1131, can. 14. Conçue en termes très généraux, elle pouvait donner lieu à des abus. C’est pourquoi Innocent III donna à ce sujet quelques précisions au roi d’Ecosse qui semble s’ôtre plaint que des malfaiteurs échappassent à un châtiment mérité en se réfugiant dans les églises. Il faut, répond ce grand pape, distinguer entre les hommes libres et les serfs. Un homme libre, quels que soient ses crimes, ne doit pas être expulsé violemment d’une église, ni après en être sorti être condamné à la mort ou à une peine (corporelle). Les recteurs de l’église de refuge obtiendront d’abord qu’il ait la vie et les membres saufs. Mais par ailleurs il subira un juste châtiment. De plus seront exclus de cette protection les brigands (publici latrones) et les ravageurs nocturnes des champs. Quant au serf on le rendra à son maître en exigeant de celui-ci le serment de ne pas le punir (corporcllement), sinon le maître pourra s’en saisir dans l’église même. Décrétales, t. III, tit. xlix, c. 6, donné au Latran en 1200.

Se fondant surles deux textes précédents, la coutume et les constitutions pontificales ont créé toute une discipline de l’asile. La protection fut d’abord étendue à tous les bâtiments attenant à une église et à tous lieux du culte. Par contre, aux crimes exceptés du privilège par Innocent III, on ajouta l’assassinat, dans les églises et les cimetières, par traîtrise ou à prix d’argent, l’hérésie, le retour au judaï’-nie, la violation du droit d’asile, la fabrication de la fausse

monnaie ou des fausses lettres apostoliques, le duel ; d’ailleurs, même quand il y avait lieu à ces exceptions, le criminel devait d’abord être enfermé dans la prison ecclésiastique et n’était remis aux juges laïcs qu’après une enquête de l’évêque. En dehors de ces cas tout homme, fût-il hérétique (s’il ne s’agissait pas de son crime d’hérésie), juif ou païen était admis à l’asile.

Enfin Pie IX dans la bulle Apostolicx sedis précisa les conditions où l’excommunication, en vigueur au moins depuis le II » concile de Latran, frappait les violateurs du droit d’asile. Il compte, en eflet, parmi ceux qui encourent l’excommunication, réservée au souverain pontife : Immuniialem asijli ausu temerario violare jubentes aut violantes. L’incise ausu temerario suppose que les coupables n’ignorent la peine que d’une ignorance affectée et agissent spontanément. Cf. Instruction de l’Inquisition du 15 juin 1870. Ne tombaient donc pas sous la censure les militaires qui agissaient contraints par l’autorité supérieure ou par la loi.

Cependant les gouvernements avaient cessé depuis longtemps de maintenir le droit d’asile. François I « ’, par l’art. 166 de l’ordonnance de Villers-Cotteret(1539), permit aux juges séculiers de se saisir des cris minels réfugiés dans les églises, tout en observant sur ce point les lois canoniques. Les deux prescriptions étaient contradictoires. En fait le droit d’asile disparut rapidement en France par l’action même de cette ordonnance. Au xixe siècle, seuls quelques États, qui consentirent au saint-siège des concordats exceptionnellement favorables, conservèrent quelque chose de l’antique privilège. Le concordat autrichien de 1855, a. 15, promet de respecter l’immunité des églises dans la mesure où la sécurité publique et l’exercice de la justice le permettraient. Mais dès 1875 le droit d’asile était tombé en désuétude dans les pays autrichiens. Cf. F. Vering, Manuel de droit canonique, trad. Belet, Paris, 1881, t. ii, p. 535. Le concordat conclu avec l’Equateur en 1862, a. 10, repris dans celui de 1881, promet le respect de l’asile, mais toujours sous la réserve des nécessités de l’ordre et de la justice. De plus, dans le même article, le saint-siège consent à ce que les autorités ecclésiastiques donnent, sur la demande du gouvernement, l’autorisation d’expulser les criminels réfugiés près de l’autel. Partout la situation réelle est depuis longtemps la suivante : le pouvoir civil nereconnaissant plus, au moins pratiquement, le droit d’asile, les criminels n’en cherchent plus la protection et l’Église n’a plus l’occasion de l’exercer. Cf. Manj’, op. cit., p. 118. Voir les pages précédentes pour l’ensemble de la législation séculière.

C’est pourquoi le Code de droit canonique a donné une définition très atténuée de l’asile. L’église (c’est-à-dire toute église) jouit du droit d’asile en ce sens que ceux qui s’y sont réfugiés ne doivent pas en être chassés, à moins d’une nécessité urgente, sans le consentement de l’ordinaire ou du moins du recteur, can. 1179. De plus, l’excommunication de la bulle Apostolicæ scdis n’a pas été conservée.

2 » L’immunité réelle. — C’est, ou plus exactement c’était, l’exemption d’impôts pour les biens ecclésiastiques (qu’il faut distinguer des biens des ecclésiastiques). Pour l’historique de la question, voir Biens ECCLÉSIASTIQUES, t. II, col. 867-877.

En Allemagne, les lois d’empire du 4 juin 1887 et du 22 juillet 1906 exemptent en partie les biens paroissiaux. Mais les concordats de Wurtemberg et de Bade, a. 10-12, soumettent à l’Impôt d’une façon générale les biens d’église. Cf. Sagmiiller, Lchrbuch, t. II, p. 446, note 1. En Autriche, certains privilèges spéciaux subsistaient encore en 1914. Ibid.

Chez nous, la séparation n’a pas complètement supprimé toute immunité fiscale, puisque, même s’il