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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


canon 6 : Canones qui jus velus ex integro referunt, ex veleris juris auctoritate, alque ideo ex receptis apud probalos auctores inlerpretaiionibus sunt œstimandi.

Voici les principes en question : les lieux sacrés sont exempts de la juridiction de l’autorité civile et l’autorité légitime de l’Église y exerce sa juridiction, can. 1160. Or, par lieux sacrés, il faut entendre ceux qui sont destinés au culte divin et à la sépulture des fidèles en vertu d’une consécration ou d’une bénédiction prescrite par les livres liturgiques approuvés, can. 1154. Qu’on écarte des églises le négoce, les marchés, même exercés ou tenus dans un but de piété, et en général tout ce qui est étranger à la sainteté du lieu, can. 1179. Il résulte de ce dernier canon que le nouveau Code paraît moins tolérant que l’ancienne législation en ce qui concerne la vente des objets de piété dans les églises : il y a là au moins une indication, sinon une prohibition absolue.

2. Le droit d’asile.

a) Le terme d’asile vient du neutre de l’adjectif grec aauXoç, qui désigne ce qui n’est pas ou ne peut pas être pillé et par suite ce qui est inviolable (a privatif et ouXâw, gu), û, ôter, dépouiller, piller). Un’Ispov aauXov était un temple inviolable et comme tel un lieu de refuge.

Le droit d’asile est un fait très général en dehors du catholicisme : historiens et ethnologues en constatent l’existence à maintes reprises. Edouard Westerman, art. Asylum de VEncyclopeedia of religion and ethics de Hastings, Edimbourg, 1909, t. ii, signale des lieux d’asile chez les sauvages du centre de l’Australie, en Océanie, chez les Peaux-Rouges, dans l’Afrique centrale, l’Hindou-Koush, chez les musulmans d’Afrique et d’Asie, c’est-à-dire, en règle générale, là où règne la « vendetta ». Ces lieux d’asile sont la plupart du temps^ des endroits de culte, parfois aussi des demeures de rois ou de prêtres, des tombeaux de saints ou de personnages illustres. La violation de l’asile peut être punie de mort. Le criminel bénéficie du droit de refuge aussi bien que le meurtrier involontaire et assez souvent le réfugié demeure inviolable après même qu’il a quitté l’asile.

Les anciens peuples ont connu ce droit aussi bien que les sauvages ou les barbares actuels.

Chez les Hébreux il existait six villes de refuge en même temps villes lévitiques, où le meurtrier involontaire pouvait trouver asile. Cf. Num., xxxv, 6 ; Jos., XX, 7, 9. Le livre de Josué explique très clairement leur destination : « Telles furent les villes assignées à tous les enfants d’Israël et à l’étranger qui séjourne au milieu d’eux, afin que quiconque aurait tué quelqu’un par mégarde pût s’y réfugier et qu’il ne mourût pas de la main du vengeur du sang avant d’avoir comparu devant l’assemblée. » Ibid., 9. Le même livre de Josué énumère ces villes : Hébron dans les montagnes de Juda, Sichem dans celles d’Éphraïm et Kadesh sur le territoire de Nephtali ; puis à l’est du Jourdain : Bezer dans le pays de Ruben, Ramoth en Galaad (tribu de Gad) et Golan dans le Bashan (tribu de Manassé). De cette disposition résultait que de n’importe quel point du pays on pouvait gagner une ville de refuge après un trajet de trente milles au maximum (une journée de marche). L’asile n’était assuré qu’au meurtrier involontaire, l’assassin devant être mis à mort sur-le-champ. Celui qui avait tué par accident courait d’abord à la ville de refuge pour se mettre à l’abri des coups du « vengeur du sang, » parent de la victime, qui avait le droit de demander raison du meurtre et de compenser une mort par une autre. Puis le tribunal de l’endroit où le meurtre avait eu lieu avait à se prononcer entre le vengeur du sang et le réfugié qui s’était rendu à sa barre muni sans doute d’un sauf-conduit. Reconnu innocent, l’auteur de l’accident retournait dans la

cité d’asile où il était obligé de demeurer jusqu’à la mort du grand-prêtre en exercice : avant cette date, le vengeur du sang qui le rencontrait hors de la ville, pouvait le tuer impunément. Num., xxxv, 6-39. L’autel du labernacle et du temple était également un lieu de refuge. Cf. Exod., xxt, 12-14. Le meurtrier ou celui qui craignait une vengeance saisissait les cornes de l’autel, tel, par exemple, Adonias, fils de David et rival de Salomon. III Reg., i, 50.

Ce dernier cas est un des très rares exemples de recours au droit d’asile que relatent les livres historiques de la Bible en dehors du Pentateuque, et encore n’y est-il pas question d’un meurtrier involontaire.

Chez les voisins d’Israël, de nombreux temples étaient des lieux de refuge, même pour les criminels ; on peut citer les Phéniciens et les SjTiens jusque sous la domination romaine et les anciens Arabes.

En Grèce, plus d’un sanctuaire possédait le droit d’asile et les violateurs de ce droit étaient menacés des châtiments les plus sévères de la divinité. Cf. Tacite, Annales, t. III, c. lx sq. Voir Asijlia dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. i, p. 505-510. A Rome, une tradition relative à Romulus et les allusions de quelques auteurs, Cicéron, par exemple. De legeagrariaoratio secunda, 14, 36, permettent de conjecturer que quelques sanctuaires anciens étaient des asiles. Mais c’est seulement vers la fin de la république et au temps des empereurs que sous l’influence de la Grèce cet usage tendit à se généraliser. Le premier exemple d’un privilège explicite est celui du temple érigé à César en l’an 42 avant notre ère. Cf. Westermarck, op. cit., p. 162. On se réfugiait auprès des statues de » empereurs comme dans les temples. Cf. Code Théodosien, t. IX, lit. xliv. De his qui ad statuas confugiant. Enfin on rencontre le droit d’asile chez les anciens Slaves et les anciens Germains. Cf. Westermarck, op. cit., p. 162-163.

La protection censée accordée par les dieux aux meurtriers réfugiés près de leurs autels tenait d’abord au sentiment de terreur qu’inspirait à leurs adorateurs la sainteté des lieux de culte. De plus les peuples primitifs ou barbares assimilant par anthropomorphisme les relations entre hommes aux rapports des fidèles avec la divinité, transportent dans les choses religieuses les coutumes de l’hospitalité si scrupuleusement observées par eux. Cf. Westermarck, ibid., p. 164-165.

b) Après la paix constantinienne un fort mouvement d’opinion se dessina, qui transférait aux églises chrétiennes le privilège d’asile dont jouissaient de nombreux temples païens. Des Pères, comme saint Ambroise et saint Grégoire de Nazianze, des auteurs païens, tels Ammien Marcellin et Zosime, témoignent de l’habitude générale de se réfugier auprès des autels chrétiens. Cf. Many, De locis sacris, p. 91-96. La législation impériale suivit ce mouvement tardivement et pour ainsi dire à regret. La première constitution impériale qui fasse allusion au droit d’asile le restreint pour en exclure les « débiteurs publics, « probablement les débiteurs du fisc alors poursuivis avec la plus extrême rigueur : elle est de 392. Code Théodosien, t. IX, tit. XXV, loi 1. Peu après, en 397 et 398, les juifs qui simulent une conversion sont également déclarés forclos de l’asile. Ibid., lois 2, 3. La même année 398, le privilège fut supprimé purement et simplement. Cf. Socrate, H. E., t. VI, c. v, P. G., t. Lxvii, col. 673 ; Sozomène, H. E., t. VIII, c. ,

ibid., col. 1533 ; S. Jean Chrysostome, Homil. in Eutropium, c. ii, 3, P. G., t. ui, col. 394. Le concile de Carthage de 399 demanda que le droit d’asile fût rendu (après le canon 56). Bruns, t. ii, p. 168. Mais ce n’est qu’en 414 que Théodose le Jeune et Honorius don 1