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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES

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inférieurs au souverain pontife ne pourraient plus désormais imposer de décimes et de cliarges aux églises et aux personnes ecclésiastiques ; que le souverain pontife, de son côté, ne pourrait en décréter que pour une cause grave intéressant toute l’Église et après avoir obtenu l’assentiment des cardinaux et des prélats qu’il lui serait facile de consulter, ainsi que des dignitaires ecclésiastiques de chaque royaume, n. 18. Cf. Hefcle, trad. Leclercq, t. vii, p. 503. A la fin du siècle, les États de Tours, semblant se faire l’écho de ces vœux, demandent que par édit général « désormais tous les droitz, libertez, franchises, prérogatives j et immunités de l’Église, in rébus et personis, soient loyalement gardez et entretenues ». Cf. P. Imbart de la Tour, Les origines de la Ré/orme, Paris, 1905, i. I, p. 102.

Rien n’y fil : l’entente avec Rome pour imposer les clercs paraissait toujours aux rois de France une opération des plus fructueuses et des plus habiles : « Elle mettait entre les mains du roi un dixième du revenu ecclésiastique, elle ne laissait au pape que tout l’odieux d’une mesure toujours combattue parce que toujours onéreuse. A la fin du xv « e siècle la royauté reprit ce système. En 1489, pour faire face aux dépenses de la guerre contre les Anglais, Charles VIII a obtenu d’Innocent VIII un décime qui rapportera 200.000 livres. » En 1501, à Louis XII qui parle de croisade, Alexandre VI accorde un décime. En 1516, François I", profitant de son alliance avec Léon X et se conformant aux articles de Bologne, établit un décime, toujours sous prétexte de croisade, mais « la croisée est une fiction ; » en fait, les levées prorogées en 1517 comblent le déficit et secondent notre diplomatie en Angleterre et en Allemagne. Cf. Imbart de la Tour, op. cil., p. 94, — 95.’L’ancien régime persévéra jusqu’à la fin dans ces errements. Sans doute, dit P. VioUet, le patrimoine personnel des clercs est ordinairement exempt (est-ce bien sûr ?). Mais il ne faut oublier ici, ni les circonstances exceptionnelles où les biens patrimoniaux des clercs furent imposés, ni surtout la décime et l’octroi caritatif. Le lecteur enfin ne perdra pas de vue, qu’en Languedoc et en d’autres provinces, toute terre roturière, même appartenant à un gentilhomme ou à un homme d’église, doit la taille, puisqu’on ces pays, la taille est réelle. Histoire des inslilulions, t. iii, p. 480.

En 1789, les impôts directs sont la taille, la capitalion et le vingtième. Dans les provinces du midi où la taille est réelle, les clercs la paient pour les terres roturières de leur patrimoine. Ailleurs ils sont exempts de la taille qui est personnelle et n’ai feint que le tiersétat. La capitation établie en 1695 et grevant à l’origine toutes les classes n’existe plus pour le clergé depuis 1710, année où son assemblée générale l’avait rachetée une fois pour toutes au prix de six annuités. Reste le vingtième, impôt très lourd puisqu’il a été doublé au xvnie siècle, les ecclésiastiques l’acquittent, mais suivant une répartition qui avantage les ordres privilégiés. L’immunité fiscale personnelle n’a donc pas complètement disparu, mais les vicissitudes que nous venons de narrer ne l’avaient pas laissée intacte.

d) Là se termine notre historique. Avec la Révolution, tous les citoyens deviennent égaux devant l’impôt, du moins c’est un idéal dont nous continuons à nous approcher lentement. Le principe a fait le tour de l’Europe avec le drapeau tricolore et successivement les divers États ont abandonné les derniers vestiges de l’ancienne immunité fiscale des clercs. L’Église s’est tue et le récent Code de droit canonique n’a pas rompu son silence. Notons néanmoins que certaines législations particulièrement libérales assurent aux biens patrimoniaux des clerc— une exemption partielle d’impôts, telle la législation de l’État de

New— York, qui exonère jusqu’à concurrence de 1 500 dollars les biens meubles et immeubles d’un ministre de l’Évangile ou d’un prêtre exerçant ses fonctions, ou empêché de les exercer par raison de santé ou âgé de plus de soi.xante-quinze ans. » F. Klein, La séparalion aux Élals-Unis, Paris, 1908, p. 63.

Le privilège de compétence.

Ce privilège,

can. 122 du Code, réserve aux clercs débiteurs ce qui est nécessaire à leur honnête sustentation.

La competentia, en droit romain, était une réserve semblable dont jouissaient certaines catégories de personnes à l’égard de certaines autres : les parents, frères, enfants, alliés entre eux, le mari pour la restitution de la dot, la femme à laquelle son mari avait promis une dot, les patrons et leurs fils relativement à leurs alîranchis, les donateurs, les débiteurs qui avaient fait cession de leurs biens. Cf. P. Vidal, Institutiones juris civilis romani, Prato, 1917, cité par Maroto, Institutiones juris canonici, t. i, p. 493. Le soldat romain jouissait de la même exemption d’une façon générale. Digeste, t. XLII, tit. i, lois 6 et 18. La glose du Décret en argue pour étendre cette immunité à ceux qui font partie de la milice du Christ, c 19, Caus. XXIll, q. 8. La loi définitive sur ce sujet fut une décrétale de Grégoire IX au chapitre de Tulle : un clerc appelé Odoacre avait été cité par ses créanciers devant l’official de l’archidiacre de Reims, il reconnut sa dette, mais fut excommunié pour avoir opposé son insolvabilité. Le Saint-Père ordonne de relever Odoacre de son excommunication, si son insolvabilité totale ou partielle est prouvée et s’il fournit une caution, de telle sorte qu’il puisse acquitter sa dette au cas où ses ressources augmenteraient. Décrétales, l. III, tit. x.xiii, c. 3. De cette décrétale vint le nom de privilège d’Odoacre. La mesure était fondée moins sur le droit romain que sur le respect de la dignité, Vhonestas du clergé : on voulait empêcher qu’un ecclésiastique en fût réduit à une situation indigne de son état. On étendit la prohibition de l’excommunication à la contrainte par corps, à J’hj’pothèque, à la cession immédiate des biens à une personne laïque, à la saisie de la part de patrimoine constituant le titre d’ordination. Par contre on refusa le bénéfice du privilège au clerc qui reniait sa dette, usait de dol, ne fournissait pas la caution promise ou était plus riche que son créancier laïque. Cf. J.-B. Sâgmiiller, Lehrbuch, t. i, p. 253.

Cette exemption a beaucoup perdu de son importance pratique depuis la disparition de l’excommunication pour dette qui était très fréquente au moins aux xiu « et xive siècles, mais contre laquelle le pouvoir royal, même celui de saint Louis, réagit fortement. Cf. P. Viollet, Histoire des institutions, t. ii, p. 295, 298. La contrainte par corps qui a diu-é en France jusqu’en plein xixe siècle, jusqu’à la loi du 22 juillet 1867, lui donnait également un intérêt qu’elle n’a plus. Cependant quelques législations civiles la maintiennent encore partiellement en vigueur, en décrétant le caractère insaisissable d’une certaine quotité des revenus et de certains biens meubles des ecclésiastiques : telles les lois allemande, autrichienne (17 mai 1912), italienne’(cr. J.-B. Sâgmùller, ibid., et art. Privilèges des clercs, de la Catholic encyclopsedia américaine), espagnole (loi du 12 juillet 1905). Cf. J.-B. Ferreres, Institutiones canonicæ, t. i, p. 108.

Le canon 122 du Code est plutôt une règle de sage administration qu’une loi aux conséquences juridiques précises : il laisse à la prudence du juge ecclésiastique le soin de déterminer ce qui est nécessaire au clerc débiteur pour son honnête sustentation et impose à ce dernier l’obligation de s’acquitter le plus tôt possible. Aucune sanction ne corrobore ce canon.

5 » Acquisition et perle des privilèges personnels des