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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


leurs revenus ou de ceux de leurs églises (il s’agit donc de l’impôt personnel aussi bien que de l’impôt réel) sous quelque nom que ce soit, même celui de subsides ou de dons. Il excommunie de même tous les laïcs qui exigent ou perçoivent ces sommes ou prêtent seulement leur concours à de telles ; exactions. Sexte, t. III, tit. xxni, Z)e imm. eccl., c. 3. On ne saurait être plus net. A Compiègne, en 1304, les évêques condamnent les serviteurs des seigneurs qui imposent des tailles et des collectes aux clercs non mariés ou mariés cum unica et virgine, sous le faux prétexte qu’ils sont marchands, can. 2. Mansi, t.xxv, col.ll7sq. A Avignon, en 1326, ils défendent aux seigneurs temporels de recueillir des tailles ou des exactions levées sur les biens même patrimoniaux des clercs, can. 32. Mansi, ibid., col. 739, 774

Et maintenant, à côté du principe, voici les accommodations pratiques. Si les rois et les seigneurs ne doivent pas imposer de taxes aux clercs, n’est-il pas convenable que ces derniers offrent spontanément des subsides quand l’État se trouve dans un pressant besoin ? C’est ce que pensa le IIl^ concile de Latran. Sans doute, il condamne les laïques, les redores mundi, les consuls et les autres podestats, qui moins excusables que Pharaon font supporter aux biens des églises, des clercs et des pauvres du Christ (les religieux) presque tout le poids des charges publiques (notez que les biens des clercs et non pas seulement ceux des églises sont grevés). Mais il admet que si l’évêque et le clergé se rendent compte d’un besoin urgent auquel les ressources laïques ne peuvent pas suffire, il leur sera loisible d’y subvenir à condition de ne subir aucune contrainte. Ce qui est une des premières affirmations, sinon la première, d’un grand principe moderne : le consentement des impôts par les contribuables, can. 19 ; Décrétales, t. III, tit. xlix, c. 4. A peu de temps de là, une occasion mémorable se présenta d’appliquer cette procédure. Saladin venait de battre, àTibériade(1187), Guy de Lusignan, roi de Jérusalem, et de s’emparer de la ville sainte. Une troisième croisade fut décidée. Il fallait des subsides et on résolut^ de lever des « décimes » ou dîmes de tous les revenus. En 1188 eut lieu « une entrevue du roi de France, Philippe-Auguste, et de Henri II, roi d’Angleterre, entre Gisors et Trie en Normandie. Les évêques et les barons des deux États étaient présents. Les prélats y fulminèrent une excommunication formidable contre ceux qui par fraude éluderaient de payer ces décimes. Le roi d’Angleterre les fit premièrement lever dans les États qu’il tenait en France, puis, passant en Angleterre, il fit conclure dans une grande assemblée de prélats et de barons qu’on les y lèverait. » Thomassin, t.T, p. 255, avec renvoi à Baronius, année 1188, n. 4, 7, 8. Or, ces décimes étant imposés à tous incombaient aux clercs aussi bien qu’aux laïques. Philippe-Auguste de son côté venait de remplacer par une simple redevance pécuniaire les prestations militaires en hommes et en argent qu’acquittaien’déjà depuis des siècles les prélats et les communautés ecclésiastiques et il les fixa au dixième des revenus de chaque prélat et de chaque communauté. Cf. Jean Guiraud, Histoire partiale, histoire vraie, t. iii, p. 175. C’était l’application stricte du droit féodal, où souvent l’octroi d’une im lumité amenait la diminution d’une autre. Le pape étendit à l’Église universelle cette pratique que le roi de France venait d’introduire dans ses États et, sous le nom de dîme saladine, il ordonna que tout chrétien qui ne prendrait pas personnellement les armes contre Saladin paierait le dixième de son revenu à la croisade qui s’organisait pour la reprise de la Terre Sainte. Cette dîme était imposée aussi aux ecclésiastiques, sauf aux chartreux, aux cisterciens et aux religieux de Fontevrault. Ils

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

devaient acquitter le 10 « de leurs revenus et de la valeur de leurs biens meubles sans y comprendre néanmoins leurs livres, leurs armes, leurs ornements et les vases sacrés. Ibid., p. 175-176. Il s’agissait donc là d’un impôt général à la fois réel et personnel et qui par conséquent atteignait aussi bien les possessions patrimoniales des clercs et leurs personnes que leurs bénéfices. Le pape, nous venons de le voir, était intervenu dans l’octroi des décimes. Le IV » concile de Latran régularisa cet usage : renouvelant le canon 19 du 111= concile du même nom, il y ajouta cette clause que l’évêque et le clergé devaient, avant de consentir à des subsides, consulter le pontife romain, cujus interest communibus utilitatibus providere, can. 46. Décrétales, t. III, tit. xlix, c. 7.

Au cours du xme siècle, les décimes se multiplièrent, car on assimila aux croisades : a. les guerres contre les hérétiques, par exemple, les albigeois (la guerre contre ces derniers fut d’ailleurs prêchée comme une croisade) ; b. toutes celles qui empêchaient les souverains de partir pour la croisade dont on leur attribuait bénévolement et dont ils proclamaient au mieux de leurs intérêts l’intention perpétuelle. C’est la levée de deux décimes pour la guerre des Flandres accordée par une assemblée des évêques réunie à Paris qui provoqua la bulle Clericis laicos, bulle destinée d’ailleurs aussi bien à l’Angleterre et à l’Allemagne qu’à la France, car les décimes sur le clergé n’étaient pas spéciaux à notre pays. Cf. ce que dit Thomassin, t. vi, p. 255, de l’Angleterre où, d’après Matthieu Paris, le clergé était exempt des impôts sur ses biens patrimoniaux, sauf les levées extraordinaires qu’il consentait. Or, cette bulle, malgré la rigueur de ses interdictions, admet la possibilité du consentement du pape aux décimes. Elle fut d’ailleurs atténuée à trois reprises par Boniface VIII, et Philippe le Bel ne se contenta que du troisième amendement, la bulle Etsi de statu, où le rigide pontife reconnaissait au roi et à ses successeurs le droit de demander, petere, non d’exiger, exigere, des contributions du clergé et de les recevoir de lui, pour la défense du royaume, sans l’autorisation du saint-siège, au moins au cas de nécessité. Cf. P. Viollet, Histoire des institutions, t. ii, p. 404-405. Bien plus, Clément V, successeur de Boniface VIII, révoqua purement et simplement, penitus revocamus, la constitution Clericis laicos, parce que, de cette bulle et des déclarations subséquentes, étaient résultés nonnulla scandala, magna pericula, et incommoda gravia, déclarant en revenir en la matière au IVo concile de Latran. Clémentines, t. IV, tit. xvii, c. 1. En somme, Boniface VIII n’avait fait qu’appliquer strictement le canon 46 de ce dernier concile, qui exigeait l’assentiment du pape pour la levée des décimes. Seulement il y avait la manière et on ne peut échapper à l’impression que Boniface VIII pratiquait un droit canonique un peu trop prompt. Il est vrai que Philippe le Bel et ses légistes ne manquaient pas, eux non plus, de promptitude. Les successeurs de Clément V suivirent si bien sa politique condescendante qu’en plus d’un cas ils s’unirent au roi pour imposer les décimes au clergé récalcitrant. C’était l’époque d’Avignon où des pontifes français € avaient amour et tendresse pour la France et une grande disposition à favoriser les demandes de nos rois. » Thomassin, t. vi, p. 281. De telles alliances entre le pouvoir royal et la papauté contre les résistances (les clercs s’étaient d’ailleurs déjà produites dès le xnie siècle. Cf. Thomassin, t. vi, p. 272.

Quand le grand schisme eût affaibli le saint-siège le concile de Constance s’opposa aux empirtemenls de la fiscalité royale et autre. Dans un projet de réforme communiqué par le pape lui-même aux nations le 20 janvier 1418, il était déclaré que les prélats

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