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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


souffriraient moins de mal à se mêler des affaires du siècle que ce dernier à être privé de leurs services. D’ailleurs les deux sociétés, religieuse et civile, étaient trop intimement mêlées pour que le choix fût possible dans un autre sens.

d) La Révolution, en détruisant définitivement la féodalité en France et en amenant sa disparition progressive dans les autres États de l’Europe, disparition que les suites de la guerre 1914-1918 ont conduite à son terme, par exemple, en Autriche et en Hongrie, a libéré les clercs de nombreuses occasions et tentalions de participer aux fonctions publiques ou profanes. La sécularisation des études juridiques qusqu’au 15 septembre 1793 le droit canonique et le droit civil s’enseignaient dans la même faculté à Paris, la faculté de décret), les a écartés complètement des fonctions judiciaires. Quant aux corvées elles n’existent plus, au moins comme obligation générale. En sorte qu’au xixe siècle l’immunité personnelle des clercs a été mieux garantie que sous l’ancien régime et que dans l’Église raîme sa notion canonique a repris vigueur.

Les lois civiles de certains États l’ont reconnue ou assurée en plusieurs points. L’exemption du jury en faveur des ecclésiastiques est très largement admise. En Italie, les prêtres du ministère paroissial sont exempts des obligations de la tutelle comme en d’autres régions et exclus des fonctions publiques et municipales sur le territoire de leurs paroisses. Cf. A. Boudinhon, art. Immunilij, dans la Catholic encydopedia américaine. Les lois territoriales allemandes (Landgesetze ) exemptent généralement les ecclésiastiques des fonctions publiques. Cf. J.-B. Sagmiiller, Lehrbuch des catholisclien Kirchenrcchts, 1914, t. i, p. 25. Dans ce dernier cas, l’exemption est plutôt un privilège qu’une incapacité : c’est ainsi qu’en 1920 un prêtre catholique, le D’Brauns du Volksverein, était ministre du travail du Reich. Cf. La Démocratie, n. du 25 juillet 1920, p. 12.

En France, le régime concordataire exemptait les clercs d’un certain nombre de fonctions publiques ou civiles et leur interdisait certaines occupations séculières. La pratique administrative, sinon la loi, écartait les ecclésia.stiques des fonctions rétribuées par l’Élat en dehors du culte ; il y avait quelques exceptions en ce qui concerne l’enseignement public, c’est ainsi, par exemple, que la troisième République, celle d’après le 16 mai, a connu un prêtre proviseur de lycée, l’abbé Follioley, dont les services étaient très appréciés en haut lieu. L’art. 3 de la loi du 21 novembre 1872 excluait du jury criminel les ministres de tout culte reconnu par l’État : les mêmes ministres étaient dispensés de la tutelle. Avis du Conseil d’État du 20 novembre 1806 interprétant l’art. 427 du Code civil. La jurisprudence du conseil de l’ordre des avocats de Paris n’admettait pas les ecclésiastiques au barreau. Enfin l’État pouvait les contraindre à l’observation des lois canoniques leur interdisant le commerce.

La loi de séparation du 9 décembre 1905 a supprimé à peu près complètement exemptions et incapacités. L’article de la loi de 1872 sur le jury est désormais sans application. Mgr Boudinhon est cependant d’un avis contraire, voir la Revue d’organisation et de défense religieuse, 1911, p. 223. La dispense de la tutelle est également supprimée. l’ar contre, théoriquement, les ministres du culte peuvent être juges, ministère public près les cours et tribunaux, préfets, fonctionnaires, avoués, notaires, greffiers, recevoir sans aucune espèce d’exception un mandat électif, enfin exercer le commerce. Cependant le conseil de l’ordre des avocats de Paris leur interdit toujours les fonctions d’avocat et la loi de 1905 les avait rendus, pendant huit ans, inéligible.s au conseil municipal dans les communes où ils exerçaient leur ministère, art. 40. Ot article est

un chef-d’œuvre d’illogisme juridique. Cf. sur cet ensemble de dispositions le Manuel des cultes de Dalloz, 1911, p. 293, 329, 330, 334-342.

e) Le canon 121 du Code de droit canon rend les clercs exempts des charges et fonctions civiles publiques étrangères à l’état ecclésiastique sans énumérer ces charges et fonctions, mais le canon 139, qui leur interdit ces mêmes occupations, donne des précisions. 11 s’agit : a. de la médecine et de la chirurgie, du notariat (sauf dans les curies ecclésiastiques) et des fonctions publiques qui comportent l’exercice de la juridiction ou de l’administration laïque : b. des gestions de biens des laïcs ou des occupations séculières qui amènent des redditions de comptes, des fonctions d’avocat ou de procureur, exception faite des tribunaux ecclésiastiques et à moins qu’il s’agisse pour un clerc de défendre sa propre cause ou celle de son église ; de toute participation à un jugement criminel aboutissant à une peine personnelle grave (et non pas simplement une causa sanguinis) même par simple témoignage en dehors du cas de nécessité ; c. de la candidature volontaire ou offerte au Sénat ou à la Chambre des députés sans l’autorisation du saint-siège ou de l’ordinaire (l’ordinaire propre et celui du lieu de l’élection) suivant les cas.

Il faut ajouter à cette liste un certain nombre d’irrégularités ou d’empêchements : irrégularité ex defectu lenitatis du juge qui a rendu une sentence de mort, can. 984, 6 ; irrégularité ex delicto du clerc qui a causé mort d’homme par l’exercice de la médecine ou de la chirurgie, can. 985, 6 ; simple empêchement encouru par les clercs qui exercent un office ou une fonction administrative qui leur est défendue et entraîne une reddition de comptes tant qu’ils n’ont pas démissionné et rendu comptes, can. 987, 3 ; simple empêchement des clercs qui font leur service militaire durant ce service, can. 987, 5.

3. L’exemption fiscale.

Cette dernière exemption a complètement disparu de nos jours, mais jusqu’à la fin de l’ancien régime elle a joué un grand rôle. 11 importe de remarquer qu’il s’agit ici d’une exemption personnelle qu’il faut soigneusement distinguer de l’immunité réelle des biens d’Église : un prêtre pouvait être taxé personnellement, tandis que son bénéfice demeurait exempt ; par contre, mais beaucoup plus rarement, la terre d’Église pouvait être grevée de charges publiques et la personne même de celui qui en avait la jouissance (parfois aussi ses biens patrimoniaux ) être à couvert du fait d’une immunité.

a) Le droit romain imposait aux sujets de l’empire comme impôts directs : l’impôt foncier, stipendium ou tributum, puis capitalio ou jugalio lerrena ; l’impôt personnel, tributum capitis, puis capitatio plebeia ou tnimana ; le chrj-sargire, impôt des patentes ; les muncra extraordinaria, sorte de centimes additionnels ; les munera sordida, corvées et prestations en nature. Parmi ces impôts les clercs payaient le tribntum sur les biens patrimoniaux. Cf. Code Théodosicn. I. XVI, tit.n, l()i 15, de Constance et Julien en 360. Ils n’acquittaient pas la capitatio plebeia. dont de nombreuses catégories de contribuables étaient exonérées : cela doit tenir à ce qu’à cette époque, le clergé catholique était composé principalement de petites gens sans fortune personnelle. Cf. Code Théodoslen, I. XVI, tit. ii, loi 3 et 11. Quant au chrysargirc ils le payaient à partir d’un certain capital : on doit remarquer que les conciles ne leur interdisaient le commerce que lorsqu’il présentait un caractère déshonorant ou usuraire, turpis lucri gratta, cf. II’concile d’Arles de 443, 451 ou 453. can. 14. et le concile de Tours de 460, can. L3. Bruns, t. ii, p. L32, 142. Nou^ avons vu que les munera sordida ne pouvaient en règle générale être imposés aux ecclésiastiques, cependant cette exem ; i-