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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


les professeurs et les personnes qui avaient exercé des sacerdoces païens coûteux, ils l’affranchirent des corvées, munera sordida (qui comprenaient également les prestations en nature), angarise ou parangarias, par les constitutions de Constant et (Constance du 7 des calendes de juin de 353, Code Théodosien, 1. XV I, tit. II, loi 10 ; de Constance et de Julien César du 8 des ides de décembre de 357, ibid., loi 14 ; de Valens, de Gratien et de Valentinien du 3 des nones de mars de 377, )6(d., loi 24 (exemption des personalia munera qui comprenaient certainement les corvées). Puis — et cette exemption est des plus importantes pour l’époque — ils exonérèrent les ecclésiastiques des fonctions de curiales, magistrats municipaux qui avaient la charge véritablement écrasante de recueillir les impôts. C’est, en effet, ce privilège avant tous les autres que Constantin avait en vue quand il défendait de contraindre les clercs à accepter des charges publiques dans son rcscrit à Anilinus, proconsul en Afrique, de 313 ou 319. Code Théodosien, t. XVI, tit. ii, loi 2, donné comme adressé à Octavien,

« correcteur » de Lucanie et du Bruttium. Le

texte grec du rescrit nous a été conservé par Eusèbe, H. E., t. X, c. VII : les munera du latin y sont des ÀêiToupyfa’, c’est-à-dire de ces services publics dont à Athènes les propriétaires faisaient tous les frais. D’ailleurs, la loi du 5 février 330 promulguée par Constantin, devenu maître de tout l’Empire, parle en termes explicites de la curie. Code Théodosien, t. XVI, tit. ii, loi 7. Il est bon de remarquer que Licinius avait fait entrer les chrétiens dans la curie pour les punir de leur obstination, Eusèbe, Vie de Constantin, t. II, c. XXX, et que par ailleurs de telles exemptions étaient accordées depuis longtemps aux médecins, aux professeurs et aux personnes qui avaient exercé des sacerdoces coûteux. « Ceci, ajoute Mgr Duchesne, détermina beaucoup de vocations ecclésiastiques ; il fallut interdire la profession cléricale aux membres des curies et aux personnes en situation de le devenir. » Histoire ancienne de l’Église, t. ii, p. 63, le texte et la note 2. Cf. Code Théodosien, t. XVI, tit. ii, loi 6, de 326. Les successeurs du grand empereur maintinrent l’exemption de la curie en faveur des ecclésiastiques : tels Constance et Constant en 349, Code Théodosien, t. XVI, tit. II, loi 9, et en 354, ibid., loi 11, avec ce considérant que les clercs en tout ne possèdent rien, et que leur patrimoine n’est d’aucune utilité ; tels Valens, Gratien et Valentinien en 377, ibid., loi 24, sous la forme générale de l’exonération des personalia munera ; tels Honorius et Théodose II en 416, ibid., loi 42 : les clercs ne doivent avoir rien de commun avec les actus publici et la curia. Mais l’interdiction faite aux curiaJes d’entrer dans les ordres est maintenue : en 370, Valentinien et Valens n’accordent l’immunité aux anciens rragistrats municipaux déjà ordonnés qu’après une prescription de 10 ans. Ibid.. loi 19.

« En octroyant au clergé l’exemption des munera

civilia, fait observer Mgr Batiffol, La paix constantinienne et le catholicisme, Paris, 1914, p. 350-351, Constantin ne l’excluait pas nécessairement des honores ou magistratures municipales : une convention tacite entre l’Église et les princes eut cet effet de fermer au clergé l’accès de magistratures aussi bien que l’accès des fonctions civiles de l’administration impériale. Des canons de conciles viendront peu après Constantin transformer cette convention tacite en une loi organique de l’Église. Sur ce point l’Église et l’État perpétuaient d’accord la séparation de la magistrature et du sacerdoce qui, dans le droit public romain, avait été depuis la République tracée si fermement. >

Cette séparation était d’ailleurs un principe du

christianisme, dès le ie siècle : nemo mililans Deo implicat se negotiis sœcularibus. Il Tim., ii, 4. Parmi les décisions ecclésiastiques auxquelles Mgr Batiffol fait allusion, on doit citer principalement la 6 « constitution du 1. II des Constitutions apostoliques et les Canons des apôtres 6<’et 8 « (ces documents ont paru en Syrie vers l’an 400, d’après Funk, voir t. iii, col. 1524 ; t. ii, col. 1615), textes qui défendent aux évoques, aux prêtres et aux diacres d’exercer aucune fonction publique. Cette interdiction avait sans doute pour but de réagir contre une coutume contraire qui tendait à s’établir, puisque, sous les fils de Constantin, i’évêque Jacques de Nisibe était gouverneur de province. Cf. Théodoret, H. E., t. II, c. xxx. Il s’agit d’une province écartée. Quant aux conciles, ceux de Chalcédoine (451), can. 7 ; d’Angers (453), can.7 ; de Tours (460), can. 5, étendirent l’interdiction à tous les clercs. Lœning note que le terme de militia, usité par ces deux dernières assemblées (c’est la traduction de la 7Tça-£ia dont parle le concile de Chalcédoine), ne doit pas s’entendre uniquement du service militaire, mais d’une façon générale de toute fonction publique, à l’encontre de ce qu’ont pensé Hefele, Hinschius et, nous ajoutons, Thomassin. En 452, Valentinien III confirma la législation ecclésiastique sur ce point : Universis clericis præter ecclesiasticos actus nihil omnino cum aliis causis débet esse commune. Novellse Valentinianæ, t. III, tit. xxxiv, § 7. Cf. Lœning, Geschichte des deutschen Kirchenrechls, Strasbourg, 1878, 1. 1, p. 171.

Une tutelle peut être aussi absorbante que l’exercice d’une fonction publique. Aussi le concile de 349 la déclare-t-il incompatible avec les ordres, de même qu’en général le fait de s’occuper des affaires des autres, can. 8 et 9. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 841. Le concile de Chalcédoine renouvela cette défense, mais avec de notables exceptions. Son canon 3 « interdit en effet à tout évêque, tout clerc et tout moine la gestion des biens temporels, mais excepte le cas où l’on se trouve obligé par la loi d’accepter la tutelle de mineurs, ou bien celui où I’évêque de la cité charge quelqu’un, pour l’amour de Dieu, des intérêts des orphelins, des veuves sans défense et des personnes qui ont plus particulièrement besoin des secours de l’Église. Cf. Hefele, op. cit., t. ii, p. 275-276. Ce canon a été inséré au Décret de Gratien, dist. LXXXVI, c. 20. Il reproduit à peu près textuellement une proposition de décret faite par l’empereur Marcien. Cf. Mansi, t. vii, col. 173. Néanmoins, c’est seulement Justinien qui donna la sanction de l’autorité civile aux prescriptions ecclésiastiques. Sa Novelle CXXHI, c. 5, exclut absolument les évêques et les moines de la tutelle. Quant aux prêtres, aux diacres et aux sous-diacres elle ne leur en permet l’exercice qu’en faveur d’un parent. Encore ne pourral-on l’Imposer à ces derniers dans ce cas que s’ils ont déclaré par écrit, dans les quatre ans, qu’ils raccep » taient volontairement. Il est à remarquer que cette immunité de la tutelle est avant tout une interdiction faite aux clercs. Ce n’est pas le seul exemple d’un privilège et d’une incapacité corrélatifs.

b) Les rois barbares ne paraissent pas avoir imposé la corvée au clergé. Si parfois l’Église avait à se plaindre de quelques vexations à cet égard, elles devaient provenir d’un excès de zèle de certains subordonnés. C’est ce qu’indique assez clairement le 21 « canon du IIP concile de Tolède (589), protestant auprès du roi Récarède contre les corvées dont, en beaucoup de cités, les juges et les agents du fisc accablaient les esclaves des églises, des évêques ou des clercs, et frappant les coupables d’excommunication. Bruns, t. i, p. 218. Ce texte est cité par le Décret de Gratien, causa XII, q. ii, c. 69. Le canon de Tolède ne dit pas