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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


donc été envoyés au front. Un bon nombre de jeunes prêtres, au moins Alsaciens et Lorrains, ont été appelés à rejoindre leurs dépôts pour le service armé, mais la plupart ont été, peu après, libérés ou versés dans le service de santé. Voir F. Erman, La situation légale du catholicisme en Alsace-Lorraine dans la Revue du clergé français, 1915, t. lxxxii, p. 390-391. En Autriche, la loi du 4 octobre 1882 exemptait du service militaire les étudiants en théologie et en cas de guerre destinait les ecclésiastiques mobilisables aux fonctions d’aumôniers, § 25, 1 et 2. Une loi hongroise de la même année contenait des dispositions semblables. Cf. Fr. Vering, Lehrbuch des Kirchenrechts, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 440, note 11.

En Italie, la loi de conscription du 7 juin 1875 supprima toute exemption de service militaire en faveur des clercs. Cf. "Vering, op. cit., p. 441, note 13. Mais les possibilités de rachat étaient très étendues et on sut trouver les « combinazioni » nécessaires pour aboutir pratiquement à une exemption limitée. En Belgique, le clergé n’est pas astreint au service militaire, non plus qu’en Espagne. En Angleterre et aux États-Unis, le service militaire universel n’existant pas ou n’ayant existé pendant une partie de la grande guerre qu’avec une pratique administrative bienveillante pour le clergé, la question ne se pose même pas. Au xix’e siècle comme auparavant, l’Église a toujours maintenu sa doctrine traditionnelle sur l’incompatibilité de l’état clérical avec le service militaire personnel (qu’il faut soigneusement distinguer de la participation du clergé aux charges militaires de la nation et même de sa présence aux armées). La 32 « proposition condamnée par le Syllabus est ainsi conçue : Absque ulla naturalis juris et œquilalis violalione potesi abrogari personalis immunilas qua clerici ab onere subeundæ exerccndœque militia : eximuntur ; hanc veto abrogalionem postulat civilis progressas, maxime in socielale ad jormam liberioris regiminis consliluta. Cette proposition est extraite, quant au sens, sinon quant au texte lui-même, d’une lettre de Pie IX, à l’évêque de Montréal et protestant, en date du 29 septembre 1864, contre « une loi pleine d’injustice » proposée au Canada au sujet des ordres religieux. Léon XIII écrivait au cardinal Nina, le 27 août 1878, en condamnant la loi italienne de 1875 dans les termes suivants : Nedum dolendum quod divine cultui subtrahantur ministri, quoad militum deleclum, quæ omnes indiscriminalim cogit ad arma. Acla sanctie sedis, 1878, t. xi, p. 278. Le même pontife, antérieurement à la loi allemande du 8 février 1890 exemptant les étudiants en théologie, envoyait le 6 janvier 1886 une encyclique aux évêques de Prusse revendiquant le droit absolu pour l’Église de former ses ministres et, par conséquent, pour les évêques le droit plein et entier de former, dans les écoles des séminaires, loin de la dissipation, des bruits du monde, des périls des camps, la milice pacifique de Jésus-Christ, le droit de choisir à leur gré les prêtres à placer dans les divers postes et de pouvoir sans obstacles s’acquitter de leur devoir pastoral. Acta Leonis XIII. Rome, 1887, p. 8 sq. Résumé par L. Choupin, art. Immunités ecclésiastiques du Dictionnaire apologétique de d’Alés, col. 621. Pie X, au début de l’encyclique Vehemenler nos du 11 février 1906, adressée

« ux archevêques, évêques, au clergé et au peuple

de France, signale " parmi les coups si nombreux et si redoutables portés par l’autorité publique à la religion le fait qu’on a vu t arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire. » Cf. M. Bargilliat, Prxlecliones juris canonici, 1918, t. i, p. 127. Enfin la S. C. Consistoriale, dans son décret De clericis e militia redeuntibus, traduit ainsi les sentiments de

Sa Sainteté Benoît XV : Ilaque Bealissimus Pater Benediclus papa XV dum cum episcopis universis impense dolet grave vulnus ecclesiasticæ disciplinée illatum clericos adigendo ad mililare stipendium faciendum, quod prseier reliqua, tôt parœcias spiritualibus subsidiis et seminaria suis alumnis magno cum christianse plebis delrimento privavil. Cf. Canoniste contemporain, 1919, p. 520. Néanmoins aucun conflit d’ordre pratique ne s’est élevé pendant la grande guerre au sujet du service militaire des clercs, et il est à croire que d’aucun côté on n’a recherché un tel conflit, sauf tel ultra de gauche comme M. Sixte-Quenin, qui proposa la loi qui envoyait au serice armé certaines classes d’ecclésiastiques, jusqu’alors infirmiers. f) La législation actuelle sur l’immunité militaire n’est pas très développée, cependant on ne saurait la qualifier d’inexistante. D’abord le canon 121 place en premier lieu l’exemption qui nous occupe. Le canon 141 le renforce en interdisant aux clercs de s’engager volontairement sans l’autorisation de leur évêque, même pour être libérés plus tôt ; de même le canon 188 qui assimile un tel engagement à une renonciation tacite aux offices ecclésiastiques. Puis les auteurs de lois, d’ordonnances et de décrets imposant le service militaire aux ecclésiastiques tombent certainement sous le coup du canon 2334, § 1, qui frappe d’une excommunication spécialement réservée au pape, qui leges, mandata vel décréta contra libertatem aut jura Ecclesiæ edunt. » Ce canon n’est que la reproduction de la seconde partie du n. 7 de la section i" de la constitution Apostolicae sedis (12 octobre 1869) ; on y a ajouté l’expression de mandata pour atteindre sans doute les actes du pouvoir qui ne sont ni des lois, ni de= décrets. Il y a lieu probablement d’appliquer au canon 2334 l’interprétation que donnait du passage visé de la bulle Apostolicae sedis l’instruction de l’Inquisition en date du l^r février 1871 : Excommunicationem eos non altingere qui subordinali sunt , eliamsi judices fuerint, sed in eos tantum esse lalam, qui a nemine coacti, vel lalia agunl, vel alios ad agendum cogunt. C’est ainsi qu’on ne devrait pas considérer comme excommuniés les membres d’un conseil de guerre qui appliqueraient à un ecclésiastique les pénalités du Code militaire. Les minorés qui se font enrôler volontairement sont déchus de l’état clérical par le fait même, can. 141. La simple présence sous les drapeaux, même imposée par la loi, tant qu’elle dure, crée un empêchement aux ordres (empêchement simple qu’il ne faut pas confondre avec une irrégularité, can. 987, 5). L’homicide, fût-il perpétré dans une juste guerre, et la coopération à cet homicide constituent une irrégularité, ex deliclo, can. 985, 4 ; comme toutes les autres, cette irrégularité s’oppose aussi bien à l’exercice d’un ordre déjà reçu qu’à l’ordination elle-même. On doit remarquer que l’homicide ne crée l’irrégularité que s’il a été volontaire et réellement suivi d’effet.

2. L’exemption des cliarges et fonctions publiques. — Ici encore, pour ne pas se contenter d’affirmations vagues et forcément inexactes dans leur généralité, il importe de distinguer entre les divers gouvernements en face desquels l’Église s’est trouvée au cours des siècles : empire romain, royautés barbares, suzerainetés féodales, royautés absolues. États modernes. Cependant nous traiterons ensemble des périodes féodale et royale, parce que, à notre sens, elles ne présentent pas une diUérence marquée dans leur évolution. Nous terminerons par un rapide aperçu des dispositions du Code relatives à notre sujet.

a) Les empereurs chrétiens se préoccupèrent principalement d’éviter au clergé les charges publiques humiliantes ou trop onéreu.ses. D’abord, et de môme qu’on l’avait fait depuis longtemps pour les médecins,