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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


défendent purement et simplement aux ecclésiastiques le porl et le métier des armes : Tours, 1060, can. 7, Mansi, l. xix, col. 925 ; Glermont, 1095, can. 4, Mansi, t. xx, col. 817 ; Béziers, 1233, can. 13, Mansi, t. xxiii col. 213, encore ce dernier excepte-t-il les nécessités de la légitime défense tempore guerræ ; Albi, 1254, dont le canon 51 interdit aux clercs de prendre part aux tournois, biordare. Mansi, t. xxiii, col. 846.

En Allemagne, dans les États du Nord de l’Europe, en Angleterre, en Espagne, la présence des évoques aux armées était également exigée et cette obligation même fut maintenue plus longtemps qu’en France, comme nous le verrons plus loin. Au dire de Thomassin, seule l’Italie ferait exception, du moins la coutume des servitudes militaires ne s’y serait pas aussi bien établie qu’en France et en Allemagne, parce que cette région avait été moins longtemps soumise à l’empire français, t. vi, p. 251, n. 15.

d) Aux xive et xve siècles, la guerre de Cent ans amena une transformation profonde de l’armée. L’ost féodal dont le recrutement dépendait de la bonne ou de la mauvaise volonté des feudataires, formée de contingents disparates dont la convocation exigeait la mise en branle d’une hiérarchie fort compliquée de seigneurs et de vassaux, s’était révélée comme un instrument très insuffisant de défense nationale dans la lutte contre les Anglais. C’est pourquoi Charles V et Charles VII créèrent une armée extra-féodale et salariée, recrutée et formée directement par le pouvoir central. Ils eurent ainsi des troupes de métier composées principalement de mercenaires. Le propre du militaire fut dès lors d’être un « soldat », c’est-à-dire un homme à la solde du roi. Le gouvernement se préoccupa donc moins d’obtenir des contingents que des subsides, et le clergé put ainsi s’exonérer complètement de tout service personnel par l’octroi de sommes de remplacement. Dès 1303 d’ailleurs, Philippe le Bel avait permis aux évêques qui avaient payé la « décime » de choisir, entre leur présence à la tête de leurs gens ou l’envoi de ceux-ci sous la conduite de fidèles de leur choix. Cf. Thomassin, t. vi, p. 313. Au début du xve siècle l’usage s’est généralisé : des ordonnances de 1403, 1410 réglementent la décime que le clergé paie en remplacement du service militaire. Cf. Thomassin, t. VI, p. 314. Puis lorsqu’à la fin du xvie siècle les assemblées du clergé votent en bloc le « don gratuit, » cet impôt spécial disparaît. A la fin de l’ancien régime on admettait l’exemption sans aucune rétribution représentative. Cf. Durand de Maillane, Dictionnaire, t. I, p. 250.

Or cette évolution se fit sans protestation de l’Église au moins après Boniface VIII. Nous donnerons plus loin quelques précisions sur le conflit qui éclata entre ce pape et Philippe le Bel au sujet des décimes. Mais dès le pontificat suivant, celui de Clément V, il y eut entente entre Rome et la roj^auté d’une façon générale pour ce qui est des impôts du clergé. L’entente fut parfois si complète que les deux pouvoirs se liguèrent pour imposer les décimes aux clercs récalcitrants.

Dans le reste de l’Europe l’envoi de contingents par les évêques et les abbés, et même la présence personnelle des clercs aux armées restèrent imposés plus longtemps qu’en France, parce que r « ost » féodal s’y maintint plus tard. « L’Allemagne, dit Thomassin, a été le lieu où les évêques ont été plus assujétis à cette déplorable nécessité, » c. vi, p. 315. La Hongrie suivit cet exemple : en 1454 un édit de Ladislas, confirmé ensuite par l’empereur Frédéric III, obligeait les prélats et autres ecclésiastiques à se trouver aux armées avec leurs hommes. Thomassin, t. vi, p. 315. En Pologne, le roi Casimir ordonne encore en

1475 l’envoi de contingents ecclésiastiques et ce n’est qu’en 1544 que Sigismond-Auguste exempte évêques et abbés de la présence personnelle aux camps. Ibid., p. 316. En Angleterre, Guillaume le Conquérant avait taxé tous les évêchés et toutes les abbayes à un certain nombre de soldats qu’on devait fournir à son armée. Cf. Thomassin, t. i, p. 307, d’après la Chronique de Matthieu Paris à l’année 1070. Cette coutume était encore en vigueur en 1404 au dire de Thomas de Wolsingham. Ibid., p. 321, n. 5. Bien plus, pendant la guerre de Cent ans, des prêtres furent enrôlés (faciunt armare usque ad presbyteros, lettre de Jacques de Bourbon du 24 juillet 1429 découverte par M. Bougenot et communiquée à l’Académie des inscriptions le 8 février 1892). Cf. P. Viollet, Histoire du droit civil /rançais, Paris, 1905, p. 302. En Espagne, ce n’est qu’après la prise de Grenade en 1492 que les clercs purent s’exonérer par des contributions de la présence aux armées du roi, encore tolérée par le concile de Tolède de 1475 au canon 15. Cf. Thomassin, t. vi, p. 325-326 ; Hardouin, Concil. coll., t. IX, col. 1501-1516.

En présence de cet ensemble de servitudes militaires, pécuniaires ou personnelles qui grevaient le clergé dans toute l’Europe, l’Église se borna à maintenir l’interdiction faite aux ecclésiastiques de porter les armes. On peut citer dans ce sens les conciles de Bayeux, 1500, can. 55 ; de Mayence, 1549, can. 74 ; de Narbonne, 1551, can. 20 ; d’Aquilée, 1596, can. 41. Cf. Thomassin, t. vii, p. 454-455. Encore le premier de ces conciles excepte-t-il la justa timoris causa, cf. Code de droit canon, can. 138 : arma ne gestent nisi quando justa timendi causa subsit, et les autres le cas de voyage : les routes restèrent peu sûres pendant, des siècles. C’est pourquoi le concile de Trente décida que les homicides pour légitime défense avaient droit à la dispense en vue de l’ordination. Sess. XIV, c. vu.

e) La Révolution française ne supprima pas complètement l’exemption du service militaire personnel en faveur des clercs : la Convention elle-même, par décision du 23 mars 1793, exonéra les évêques, curés et vicaires salariés par l’État. Napoléon enrôla les séminaristes à plusieurs reprises. Les lois militaires de 1818, 1832, 1868, 1872 comprirent les ecclésiastiques parmi d’autres catégories d’exempts. La loi du 15 juillet 1889 imposa le service d’un an même aux jeunes gens « admis à titre d’élèves ecclésiastiques à continuer leurs études en vue d’exercer le ministère dans l’un des cultes reconnus par l’État, en leur accordant pour les deux autres années le bénéfice du « congé dans leurs foyers. » Cf. P. Viollet, Histoire du droit civil, p. 304. Enfin les lois de 1905 et 1913 ont soumis les clercs, comme tous les autres citoyens, au régime du droit commun.

En Allemagne, la loi militaire du 2 mai 1874 n’exemptait pas les ecclésiastiques du service militaire, mais spécifiait qu’en cas de guerre ils seraient infirmiers ou aumôniers, § 65, confirmé par l’ordonnance pour l’armée du 22 novembre 1888, § 103, 7. La loi militaire du 8 février 1890 a exempté les étudiants en théologie catholique, jusqu’à la septième année, de leurs obligations militaires et déclaré que si, dans cet intervalle de temps, ils avaient reçu le sous-diaconat, ils pouvaient éventuellement être versés dans l’Ersatz-Reserve sans avoir à accomplir de service pendant la paix. Enfin, d’après l’ordonnance du 22 novembre 1888, les ecclésiastiques passaient directement dans certains cas dans la Landwehr ou la Landsturm. Cf. J. B. Sâgmûller, Lehrbuch des kalholischen Kirchenrechts, Fribourg-en-Brisgau, 1914, 1. 1, p. 252. En temps de guerre, les séminaristes qui ne sont pas encore dans les ordres sacrés, ne jouissent d’aucun privilège. Pendant la guerre de 1914 à 1918, ils ont