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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


qu’ils auront eux-mêmes aimés. Ibid., p. 440. C’est pourquoi dès 744 Pépin exige qu’ils amènent leurs hommes à son camp, a. 3. Boretius, Capil., t. i, p. 29. Thomassin cite, il est vrai, t. vi, p. 244, un capitulaire de Charlemagne qui, « à la demande du pape et corrigeant de précédents errements », aurait exempté les évêques de se rendre personnellement aux armées, sauf deux ou trois chargés des fonctions d’aumôniers, les autres se contentant d’envoyer leurs contingents. Mais ce texte, reproduit cependant par Baluze, t. i, col. 405, est un faux de Benoît Lévite. Cf. Paul VioUet, op. cit., p. 441, note. D’ailleurs, on peut lui opposer une convocation adressée par ce même Charlemagne à l’abbé de Saint-Quentin entre 802 et 810. Epist. carol., XXIV, Jaffé, Monum. caroL, p. 387. Quant aux successeurs de Charlemagne, Thomassin reconnaît ouvertement qu’ils convoquaient régulièrement tous les évêques lors des levées de troupes. Ancienne el nouvelle discipline de l’Église, édit. André, t. vi, p. 245. Hincmar nous apprend qu’il était à l’armée avec ses collègues pour résister aux incursions des Normands et, s’il trouve la charge onéreuse, il ne la déclare pas injuste. Ibid., p. 247-248, avec renvoi au t. I, p. 3, et t. ii, p. 299 de l’édition bénédictine d’Hincmar. La coutume était si bien établie à la fin du IXe siècle que Jean VIII demande aux évêques de lui amener des contingents. Cf. Thomassin, t. xi, p. 250, avec renvoi aux pages 114, 125, 144 de son édition des lettres de Jean VIII.

Pour se faire une idée exacte de la situation, il faut néanmoins considérer : a. que beaucoup d’abbayes étaient exemptes du service militaire : c’est ainsi que le concile d’Aix-la-Chapelle de 817, en même temps assemblée nationale, après quatorze abbayes qui fournissaient à l’empereur argent et soldats et seize autres qui n’envoient que des subsides, en compte cinquante-quatre qui ne doivent au souverain que leurs prières, cf. Pertz, Monumenla Germanise historica. Concilia, t. i, p. 223 sq. ; b. que les évêques pouvaient obtenir des dispenses, Thomassin, t. vi, p. 249 ; c. que les ecclésiastiques présents aux armées n’étaient pas obligés de combattre, ni même, sans doute, de porter les armes ; d. que seuls les évêques et les abbés étaient appelés, la grande masse des clercs et des moines restant exempts du service militaire, d’où il résultait qu’on se précipitait en foule dans les ordres pour y échapper. Capilulare missorum de l’an 805, a. 15, dans Boretius, Beilrâge zur capitularienkritik, p. 153.

Quelle fut l’attitude de l’Église en présence de ces exigences de l’État ? Certainement pas celle d’une opposition générale et absolue, ce que nous venons de dire du concile-assemblée d’Aix-la-Chapelle, d’Hincmar et de Jean VIII le prouve déjà. Voici d’ailleurs la série des décisions conciliaires prises à cet égard h l’époque carolingienne. Le I" concile germanique, réuni le 21 avril 742 par Carloman sur le conseil « des serviteurs de Dieu, » c’est-à-dire du pape Zachariiet de saint Bonif ace, et appelé à tort concile de Leptines par Thomassin (les érudits hésitent de nos jours entre Francfort, Worms, Ratisbonne ct’Augsbourg comme lieu de réunion, l’en-tôte ne portant que la mention de la Germanie), édicté au canon 2° le décret suivant : Servis Dei per omnia omnibus armaturam portare vcl pngnare aut in exercilum et in hnstem pergere omnino prohibemus ; i n’autorise aux armées que la présence d’un ou de deux évoques accompagnés de prêtres qui rempliront uniquement les fonctions d’aumôniers. Mansi, Cnncil., t. xii, col. 3C5. Ce décret ressemble singulièrement au faux capitulaire de Charlemagne que nous avons signalé plus haut, peut-être en est-il la source. Il réagit surtout contre les mœurs déplorables des soudards que Pépin, même avant d’être roi en 751, introduisit dans les évôchés et ré pond à la plainte adressée par saint Boniface au pape Zacharie : Episcopi… pugnant in exercilio armati, et ejlundunt propria manu sanguinem hominum. Mansl, t. xii, col. 313. Mais il va plus loin puisqu’il défend même à tous les clercs de se rendre aux armées. La coutume commençait à s’introduire d’exiger des supérieurs ecclésiastiques de conduire eux-mêmes aux camps les hommes de leurs terres et on espérait sans doute l’étouffer dès l’origine. C’est peut-être la même tendance que traduit, dans un texte d’ailleurs trop concis pour être clair, le concile de Soissons de 744 au canon 3 : El abbates legitimi hoslem non faciant, nisi lantum homines eorum transmutant. Thomassin oppose ces abbés « légitimes » ou réguliers aux abbés laïcs ou commandataires qui seuls auraient conduit les troupes, mais cette interprétation n’est pas certaine. Cf. Ancienne et nouvelle discipline, t. vii, p. 437. En 813, le concile de Mayence, au canon 17, se contente d’affirmer le principe alors incontesté par le pouvoir civil — l’inlluence de la réforme de saint Boniface était encore très forte, et les capitulaires de Charlemagne l’avaient même affermie

— que les ecclésiastiques ne doivent pas porter les aimes : ut arma spiritualia habeamus, sœcularia dimitlamus. Mansl, t. xiv, col. 70. En 844, le concile de Ver près de Senlis (et non pas de Vernon, comme dit Thomassin, t. ^^, p. 246) a des exigences bien plus modestes que celles du premier concile germanique, demandant simplement que les évêques qui ne vont pas à l’armée, soit pour cause de maladie, soit par dispense de l’empereur, puissent choisir celui des fidèles du prince auquel ils confieront leurs contingents. Il ajoute néanmoins que les prélats dispensés jouissent d’une quiétude bien désirable, optabilem quielem, can. 8. Mansi, t. xiv, col. 810. En somme, dès cette époque, on se résigne à la coutume introduite depuis le milieu du ane siècle, tout en exprimant parfois avec discrétion le désir d’en être dispensé. L’année suivante, en 845, le concile de Meaux se borne à interdire aux clercs le porl des armes, can. 37. Mansi, t. XIV, col. 811. C’est peut-être un canon du concile de Paris de 846, car les textes de ces deux conciles sont mêlés. A peu près à la même époque, le Nomocanon de Pholius, a. 891, porte pour l’Orient la même interdiction, t. ix, can. 32 de l’édition citée par Thomassin, t. VII, p. 443.

Sous les Capétiens directs l’envoi des contingents des terres d’église et la présence des évoques aux armées continuent, avec cette différence que, pendant longtemps, il s’agit de plusieurs armées, « car l’éclosion de la féodalité, l’avènement des ducs et des comtes héréditaires avaient scindé en plusieurs tronçons la grande armée impériale et royale. Le roi n’avait plus en sa main que les hommes de son domaine. » Paul Viollet, Histoire des institutions, Paris. 1898, t. ii, p. 430. Cet état de choses était d’ailleurs plus que préparé pendant les règnes des derniers Carolingiens. Aux xi « et xne siècles, c’est même principalement par les évêques < qu’on tâcha d’avoir…. tous les coutumiers et vilains, curés en tête. Paul Viollet, ibid., avec renvoi à Orderic Vital, t. VIII, c. xxiv ; I. XI, c. xxxiv, édit. Le Prévost, t. iii, p. 415 ; l. IV, p. 285. Orderic Vital, abbé de Saint-Évroult en Normandie, composa une histoire ecclésiastique et mourut vers 1142. Loui » VIII et saint Louis accordent encore des dispenses de convocation aux évêques, cf. Thomassin, I. VI, p. 245, 312, cequi suppose qucle principe de l’obligation était toujours maintenu. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir saint Thomas déclarer que la présence des clercs aux années est légitime et que seul le combat leur est interdit. Sum. theoL, II » llT, q. XL, a. 2.

Les conciles ne protestent pas, car leurs canons