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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


canon 121 du Code déclare tous les clercs exempts, immunes, du service militaire, des charges et fonctions publiques ou civiles incompatibles avec l’état clérical. Nous traiterons donc : 1. de l’exemption du service militaire ; 2. de l’extmption des charges et fonctions publiques ou civiles ; 3. nous donnerons quelques indications historiques sur les exemptions d’impôt, aujourd’hui complètement tombées en désuétude, mais qui eurent une grande importance pendant de longs siècles.

1. Exemplion du service militaire.

a) Au temps des empereurs romains, païens ou chrétiens, la question du service militaire des clercs ne se posait même pas, parce que le service militaire n’était pas alors, à proprement parler, obligatoire. Il n’y avait que les fils de légionnaires qui fussent soldats par droit et obligation de naissance. Le recrutement de l’armée se faisait surtout par enrôlement de volontaires. Et le nombre des légionnaires fut toujours peu considérable. De plus, la durée du service était en moyenne de vingt ans. Sous un pareil régime les levées annuelles ne comprenaient que peu d’hommes. Enfin, sauf pour les fils de soldats, le remplacement était toujours possible. Cf. E. Vacandard, Éludes de crilique et d’histoire, 2^ série, Le service militaire et les premiers chrétiens, Paris, 1910, p. 133. D’ailleurs, à partir du me siècle, » l’armée a perdu tout caractère national…, le temps est loin où tout citoyen demeurait au service lant qu’il avait la force d’être soldat… ; sur les frontières, les troupes sont en grande partie composées de barbares. » Cf. Histoire générale du /F » siècle à nos jours, publiée sous la direction d’Ernest Lavisse et d’Alfred Rambaud, 2e édit., Paris, 1905, 1. 1, c. i. Le monde romain jusqu’en 395, par A. Berthelot, p. 19-20. Rien donc d’étonnant à ce qu’on ne trouve d’allusions spéciales au service militaire des clercs ni dans les constitutions des empereurs chrétiens, ni dans les conciles des cinq premiers siècles. La mililia, r ; -’^y.xi’: a. que le 7° canon du concile de Chalcédoine de 451 interdit aux clercs et aux moines, n’est pas nécessairement le service militaire, comme Thomassin l’a cru à tort. Ancienne et nouvelle discipline de l’Église, édit. André, t. vii, p. 439.

b) Avec les invasions des barbares, la constitution de l’armée change du tout au tout : le port et le métier des armes sont remis en honneur, ils font même partie intégrante des prérogatives et des devoirs de tout homme libre. « Le régime militaire des Francs était celui de la levée en masse. Tout Franc était soldat. Tout sujet du roi, franc ou gallo-romain, fut soldat. » Paul VioUet, Histoire des institutions politiques et administratives de la France, Paris, 1890, t. i, p. 437. Et on peut dire qu’il en était ainsi à peu près dans tous les royaumes barbares. Néanmoins les princes, sauf de rares exceptions, une seule peut-être, n’ont pas imposé le service militaire aux clercs. En Espagne, le concile de Lérida de 523 avait frappé d’une suspense, d’une excommunication et d’une pénitence de deux ans, ainsi que de l’incapacité d’être promus aux ordres supérieurs, tous les ecclésiastiques qui verseraient le sang de l’ennemi, can. 1. Cf. H. Th. Bruns, Canones apostolorum et conciliorum sœculorum ir-rn, Berlin, 1839, t. ii, p. 20-21. Les rois ariens eux-mêmes ne paraissent pas s’être opposés à l’application de ce canon. Quant aux rois catholiques ils imitèrent cette politique jusque vers la fin du viie siècle. Le canon 45^ du IV" concile de Tolède (633), qui prononçait la dégradation et la pénitence dans un monastère contre les ecclésiastiques qui auraient pris ou prendraient les armes dans une sédition, était une loi de l’État aussi bien qu’une décision de l’Église, comme tous les canons des conciles généraux de la capitale wisigothique qui étaient des assemblées

nationales. Cf. Bruns, t. i, p. 235. Si le l" novembre 673 le roi Wamba obligea les clercs à venir en personne aux armées à la tête de leurs contingents, son ordonnance ne spécifia pas qu’ils dussent combattre eux-mêmes. Leges Wisigothorum, t. IX, tit. ii, loi 8, édit. Zeumer, dans les Monumenta Germanise historica, p. 371-373. D’ailleurs, Ervige, en renouvelant la loi de son prédécesseur, passa les clercs complètement sous silence. Ibid., p. 375, 376.

Chez les Francs le 1° concile de Mâcon de 581, au canon 5’, châtie d’un emprisonnement au pain et à l’eau pendant trente jours les clercs qui portent des armes et un concile de Bordeaux tenu entre 660 et 673 renouvelle cette défense au canon ". Bruns, t. ii p. 243. Rien n’indique que les Mérovingiens aient jamais contraint le clergé à enfreindre ces prescriptions. Les exemples qu’on pourrait citer à rencontre sont ou bien des défaillances individuelles ou des cas qui n’impliquent pas autre chose que la présence d’aumôniers aux armées. Grégoire de Tours parle de deux évêques qui, en 571, firent un grand carnage de Lombards et il les en blâme : Fueruntque in hoc prælio Salonius et Sagittarius fratres atque episcopi (de Gap et d’Embrun) gui non cruce cœlesti muniti, sed galea swculari, armati, multos manibus propriis, quod pejus est, interficisse referuntur. Historia Francorum, t. IV, c. xxviii, édit. d’Henri Omont et Gaston CoUon, p. 139. Encore s’agissait-il de repousser une invasion. De temps à autre, les documents mentionnent des évêques ou d’autres ecclésiastiques vivant au milieu des troupes, par exemple, Frédégaire, Chronique, c. xc, et Grégoire de Tours, op. cit., t. l, c. xxii. édit. Omont-Collon, p. 234, mais la Vie de saint Sulpice le Jeune nous apprend qu’ils s’y trouvaient au titre c d’abbés des camps » : ut in castris abbatis officia potirentur. Vila Sulpitii, c. ix, Acta sanctorum, januarii t. ii, p. 171.

c) Au viiie siècle, un changement notable se produit qui tient à l’évolution générale de la société en marche vers la féodalité. Dès le milieu de ce siècle, en effet, nous voyons apparaître des bénéfices militaires qui annoncent ce qu’en plein moyen âge on appelait francs fiefs, puis fiefs nobles, c’est-à-dire des domaines concédés à charge de service militaire sans redevance pécuniaire. Cf. Paul VioUet, Histoire des institutions, t. i, p. 436. L’évolution est encore plus accentuée au ixe siècle où un grand nombre de capitulaires nous montrent que » si l’obligation du service militaire pèse en principe sur tous, elle tend à se fixer sur la terre et à s’attacher particulièrement à la richesse foncière. » Ibid., p. 438. S’il en est ainsi, c’est que la cavalerie, dont les armées sarrasines ont révélé la valeur tactique, devient alors la reine des batailles et que l’équipement d’un cavalier, chose fort coûteuse, ne peut être que le fait des riches, c’est-à-dire, à l’époque, des propriétaires terriens. Car les princes n’équipaient pas eux-mêmes les hommes qu’ils levaient (hors de leurs propres domaines). Ibid., p. 439. D’autre part, la vassalité et le séniorat se développent : le possesseur de grands domaines a sur ses terres des hommes à lui ; pour recruter son armée, l’empereur ou le roi est donc obligé de lui demander de lever, d’équiper et de lui amener un certain nombre de ses vassaux. Le comte ou le duc, chargé auparavant du recrutement, est de moins en moins en état de remplir ce devoir, puisque l’immunité féodale lui fait perdre toute autorité sur le nombre toujours croissant des hommes qui relèvent des grands propriétaires fonciers. Or l’abbé et l’évêque deviennent en règle générale des seigneurs immunistes. La contrepartie de cette situation privilégiée sera par conséquent pour eux l’obligation de conduire à l’empereur ou au roi. à toute réquisition, les gens