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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES

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Le privilège du for.

Ce sujet aj’ant été traité,

t. NT, col. 527-536, mais antérieurement au Code de droit canon, nous nous contenterons de faire ici un rapide rapproctiement entre les canons 120 et 2341 de ce Code, et la constitution Apostolicæ sedis ainsi que le Molu proprio Quantavis diligentia de Pie X en date du 9 octobre 1911.

Parmi les excommunications de la bulle Apostolicæ sedis spécialement réservées au souverain pontife, se trouvait celle qui frappait cogenles sive directe, sive indirecte judices laicos ad Irahendum ad sunm tribunalem personas ecclesiasticas præter canonicas disposiliones. De nombreuses controverses s’étaient élevées sur le sens de ce texte et en particulier sur l’interprétation à donner au terme cogentes. Le 23 juin 1886, le Saint-Office déclara que cette dernière expression ne visait que les législateurs et les autres autorités et cette déclaration, approuvée et confirmée par Léon XIII, fut communiquée à tous les ordinaires. La S. C. ajoutait que, là où il n’avait pas été dérogé au privilège du for par le souverain pontife, tous les fidèles étaient tenus de demander l’autorisation de l’ordinaire pour traduire un clerc devant un tribunal laïc, que d’ailleurs les ordinaires ne devaient jamais refuser cette autorisation, surtout après une tentative infructueuse de conciliation ; que, dans le cas d’un évêque, la permission du saintsiège était nécessaire ; qu’enfmles ordinaires pouvaient, s’ils le jugeaient utile, prononcer des peines et des censures ferendæ sententiae contre les violateurs du privilège du for qui auraient agi en connaissance de cause (la connaissance de la peine est supposée chez le coupable, car la S. G. emploie la formule : si quis ausus fuerit).

Le Molli proprio Quantavis diligentia annula délibérément l’interprétation du terme cogentes donnée par le Saint-Office. En effet, il déclare frappées par l’excommunication de la bulle Apostolicæ sedis toutes les personnes privées qui appelleraient un clerc devant un tribunal laïc sans la permission de l’ordinaire : Hoc nos molu proprio statuimus atquc edicimus : quicumque privatorum, laici sacrive ordinis, mares feminseve, personas quasvis ecclesiasticas, sive in criminali causa sive in civili, nullo potestatis ecclesiasticas permissu, ad tribunal laicorum vocent, ibique adesse compellunt, eo etiam omnes in excommunicationem latse sententiæ speciali modo romano pontifici reservatam incurrere. Acta sanctæ sedis, 1911, p. 555-556. Une réponse du Saint-Office, donnée au début de 1912 sur l’ordre de Pie X, précisa qu’il fallait étendre l’interdiction même au simple fait de se constituer partie civile dans une cause pénale d’action publique contre un clerc ou de citer comme témoins des ecclésiastiques devant le for laïc. (Cette réponse n’a pas été insérée dans les Acta sanctæ sedis, mais seulement dans // monitore ecclesiasiico, t. xxiv, p. 4. Cf. Philippo Maroto, Institutiones juris canonici, Madrid, Rome et Barcelone, 1918, t. i, p. 488, n. 2.)

Le Codex juris canonici combine ces différentes décisions sans retenir aucune d’elles intégralement. 1. Les prohibitions ne s’étendent pas aux seules autorités, mais elles atteignent tous les fidèles. Il est dit, en effet, d’une façon générale, au canon 120, que les clercs doivent être traduits pour toutes les causes devant le juge ecclésiastique, et le canon 2341 débute ainsi : Si quis contra præscriptum canonis 120 ausus fuerit ad judicem laicum Irahere… 2. Mais d’autre part 11 semble bien difficile d’entendre des expressions telles que conveniri, can. 120, ad judicem laicum trahere, can. 2341, de la simple citation comme témoin. Il est plus probable que le Code restreint l’excommunication au fait de citer un clerc comme défendeur. Cf. Ph. Maroto, /oc. r/7., t.i, p. 488 ;.I.-B. Ferreres, In stitutiones canonicæ, Barcelone, 1920, t. i, p. 101. 3. L’excommunication spécialement réservée n’atteint plus — et c’est là l’innovation certaine du Code en cette matière — que ceux qui traduisent devant les tribunaux civils les cardinaux, les légats et les officiers majeurs de la Curie romaine pour ce qui est de l’exercice de leurs fonctions, ou bien leur propre ordinaire. S’il s’agit d’un autre évêque, d’un abbé ou prélat nuUius, d’un supérieur général de religion de droit pontifical, l’excommunication est simplement réservée au souverain pontife. Si enfin toute autre personne jouissant du privilège du for (clerc, religieux ou religieuse, même novice, même vivant en commun sans vœux) est traduite devant les tribunaux laïcs, le coupable qui est dans la cléricature se trouve frappé ipso facto de la suspense réservée à l’ordinaire ; quant au laïc, l’ordinaire devra le punir de sanctions en rapport avec la gravité de sa faute (donc de peines ferendæ sententiœ). Il faut observer de plus que l’excommunication latæ sententiæ, portée par le canon 2341, n’est encourue que par ceux qui l’ignorent d’une ignornntia afjcctata, celle qui a directement pour but d’éviler une obligation, puisque ce canon débute par la formule si quis ausus fuerit, toujours einplo3"ée pour faire de Vignorantia crassa elle-même une excuse canonique, l’ignorance simpUciter invincibilis ou légèrement coupable écartant toute espèce de censure. 4. Si le Code n’oblige plus l’ordinaire, comme l’avait fait le décret du Saint-Office de 1886, à donner en principe l’autorisation de poursuivre un clerc devant les tribunaux laïcs, néanmoins il lui ordonne, principalement quand le plaignant est laïc, de ne la refuser que pour une raison juste et grave, surtout s’il y a eu tentative de conciliation, can. 120. Il est même ajouté qu’en cas de nécessité les clercs traduits devant les tribunaux laïcs peuvent y comparaître, pour éviter de plus grands maux, après s’être contentés d’aviser leur supérieur, can. 120. 5. Enfin la possibilité de dérogations locales au privilège du for est explicitement prévue, can. 120 : nisi aliter pro locis pnrlicularibus légitime provisum fuerit. Or ces dérogations existent en fait, soit en vertu de concordats, soit en vertu de la coutume. Il semble bien qu’en France, comme cela était admis dès avant le Code, pour l’Allemagne et la Belgique, voir t. VI, col. 536, il y ait eu une de ces coutumes. Ce serait le cas d’appliquer le canon 5 du Code qui autorise les évêques à ne pas aller à l’encontre d’une coutume centenaire ou immémoriale opposée à la loi ecclésiastique écrite, quand ils jugent plus prudent d’agir ainsi. Dans l’espèce, en effet, nous ne sommes pas en présence d’une corruption du droit, corruptcla, expressément réprouvée, puisque les canons 120 et 1241 ne portent pas la mention reprobata quavis contraria consuetudine et que de plus le canon 120 suppose des dérogations locales. Quant aux concordats on peut citer ceux conclus avec la Bavière, a. 12 ; l’Autriche, a. 13 et 14 ; les États de Wurtemberg et de Bade, a. 5, qui impliquent un abandon au moins partiel du privilège, car il y est convenu que, si un clerc est traduit devant un tribunal laïc, son évoque sera averti pour qu’il puisse prendre les mesure— ; d’ordre canonique nécessaires. Cf. F. Vering, Lehrbuch des Kirchenrcchts, 1893, p. 438, note 4 ; V. Nussi, Conventiones de rébus ecclesiasticis inter s. scdem et civilem potestatem variis formis initæ, Mayence, 1870, en particulier, p. 313. Pour l’histoire du privilège du for, voir George Lardé, Le tribunal du clerc dans l’empire romain et dans la Gaule franque, in-8°, Moulins. 1920.

Le privilège d’exemption.

C’est le privilège

d’immunité proprement dite : in munia, absence de charges. Aussi lui donnc-t-on parfois ce nom. Le