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IMMACULEE CONCEPTION


prise par la tradition : celle d’une mère dont Jésus-Christ, le nouvel Adam, a daigné faire son associée dans l’œuvre de la rédemption, qu’il a voulu traiter en fils aimant et qu’il a ornée d’une sainteté proportionnée à sa dignité et à son rôle. C’est cette notion historique et concrète de Marie, mère de Dieu, qui est devenue pour les Pères et les anciens auteurs ecclésiastiques comme une va. eur première dont ils ont exploité l’inépuisable contenu.

Sous cet aspect, le privilège de l’immaculée conception rentre, comme un détail, dans les perfections propres à la mère du Verbe incarné, telle qu’elle a été voulue, et décemment voulue par Dieu. C’est Marie sainte et pure, quand son âme sort des mains du créateur et s’unit au corps qui devait porter l’Homme-Dieu ; Marie sainte et pure alors comme en sa naissance, comme au jour de l’Annonciation, comme dans rinefïable nuit de l’enfantement divin, comme dans toutes les circonstances de sa vie unique. Rien de plus juste que cette réflexion de Scheeben, art. Empjàngnis dans K.irchenlexikon, 2’(à.W.., t. iv, col. 462 : « Pourbien apprécier la place de cette doctrine dans la tradition, il ne faut pas la considérer comme une vérité isolée, mais comme faisant partie de l’idée générale que l’ÉgUse a toujours eue de la sainteté de Marie et de son rôle dans l’économie de la rédemption. »

La synthèse des preuves de l’immaculée conception, commencée longtemps avant la définition par les principaux défenseurs du privilège, se trouve, perlectionnée et complétée, surtout au point de vue scripturaire et patristique, dans les cours de théologie plus récents. La plupart des auteurs touchent la question dans le De Verbo incarnato : Scheeben, Handbiich der katholisclien Dogmatik, t. iii, p. 279, Fribourg-en-Brisgau, lH82 ;.J.foMe, LehrbuchderDogmalik, 4e édit., Paderborn., 1909, t. n-, q. 257 ; trad. angl. sous le titre de Mariology, par A. Preuss, Saint-Louis (Mo.), 1914 ; L. Janssens, De Deo hnmine, t. ii, p. 30 ; G. Van Noort, De Deo redemptnrc, sect. iii, 2e édit., Amsterdam, 1910. D’autres rattachent la question au péché originel : Palmieri, Traclatus de peccato originali et de immaculalo B. V. Deiparæ conccplu, 2e édit, Home, 1904 ; Ch. Pesch, De Deo créante et élevante, sect. iv, a. 4. D’autres, formant de la.Mariologic un traité distinct, y font naturellement rentrer l’immaculée conception : A. M. Lépicicr, Traclatus de B. virgine Maria mulrc Dei, part. U, c. 1.3, 3e édit., Paris, 1906 ; C, Van Crombrugghe, Traclatus de B. virgine Maria, c. iii, Gand, 191.’J.


V. Après la DÉnNixioN : adversaires et défenseurs. —

Pour les enfants dévoués de l’Église catholique, la promulgation oITicielle du glorieux privilège fut une cause de joie comparable à celle qui s’était manifestée jadis à Éphèse quand la maternité divine avait été solennellement revendiquée contre les dénégations de Nestorius. Les Alli racontent, dans une dernière partie, ce que les fêtes furent à Rome et quel accueil l’acte pontifical reçut de la part des catholiques ; parmi les instructions pastorales faites à cette occasion et rapportées p. 535, 627, on est heureux de rencontrer, en France, celles des archevêques et évêques de Paris, Lyon, Reims, Chambéry, Poitiers, Orléans, Belley et Marseille. Une autre note devait nécessairement se faire ouïr.

I. LES ADTERSAIRBa ET LEURS ATTJ.QUE3. — S’il

fallait s’attendre à des protestations de la part de ceux qui, séparés de l’Église romaine, ne reconnaissent ni l’autorité du magistère souverain ni les principes dogmatiques que la définition du 8 décembre 1854 supposait, on aurait pu espérer que, chez les catholiques, tous seraient dociles à la voix du pasteur ; il n’en fut malheureusement pas ainsi.

1* L’opposition chez les catholiques. — Si regrettables qu’aient été les défections survenues alors, il s’en faut de beaucoup que, parleur nombre ou par leur importance, elles aient justifié les craintes excessives que la

I perspective d’une définition avait fait concevoir aux pessimistes et aux timides. Quand on examine la liste, donnée par Reusch et par Roskovâny, des écrits publiés contre l’acte pontifical, on n’en trouve qu’un petit nombre sortis de plumes catholiques, et leurs auteurs trahissent presque toujours des tendances jansénistes ou gallicanes. En France, ces opposants sont représentés surtout par deux prêtres, les abbés Laborde et Guettée. Le premier († 1855) avait commencé dès 1850 une campagne acharnée contre la définition ; en novembre 1854, il n’avait pas craint d’adresser à Pie IX une Lettre sur l’impossibilité d’un nouveau dogme relativement à la conception de la bienheureuse vierge Marie, en latin et eu français. Atti, t. ii, p. 250. La définition prononcée, il soutint son rôle dans un nouvel écrit : Relation et mémoire des opposants, etc. L’abbé Guettée, qui passa plus tard à l’Église russe, publia dans L’Observateur catholique, qu’il dirigeait, les Observations d’un théologien contre la bulle et ouvrit largement à d’autres adversaires les colonnes de cette feuille, fondée contre l’ultramontanisme. Quelques attaques parurent aussi en Allemagne, en Italie et en Espagne.

Plus retentissante fut la protestation des trois prélats jansénistes de Hollande, Jean Van Santen, archevêque d’Utrecht, Henri Jean Van Buul, évêque d’Haarlem, et Hermann Heykamp, évêque de Daventrie. Dans une instruction pastorale en langue vulgaire sur l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, 9 juillet 1856, ils affirmèrent que Pie IX avait injustement fait appel, dans l’encyclique Ineffabilis, à la sainte Écriture, à la tradition, à la doctrine constante de l’Église, au consentement des pasteurs et des fidèles, aux actes et aux constitutions des papes. Ils envoyèrent cette instruction au souverain pontife avec une lettre, publiée dans l’Observateur catholique, Paris, 1856, t. ii, p. 281, où ils protestaient formellement contre la définition, se plaignaient de ce que l’ordre épiscopal tout entier n’avait pas été appelé à donner son jugement et se réservaient d’interjeter appel en temps et lieu contre l’acte pontifical. L’instruction pastorale de ces évoques schismatiques fut condamnée, le S décembre, par décret du saint-oflice. Atti, t. II, p. 705 sq.

Parmi les adversaires que le dogme de l’immaculée conception rencontra dans l’Église catholique, il faut encore compter Dœllinger, sur la fin de sa vie. Qu’il n’ait pas été, en 1854, favorable à la définition, on le voit nettement par une lettre, assez embarrassée et pleine d’un sourd mécontentement, qu’il adressa, le 31 janvier de cette année, à Fr. Michelis. J. Friedrich, Ignaz von Dœllinger, Munich, 1901, t. iii, p. 132 sq. Personnellement, il considérait la conception sans tache comme, « une question sur laquelle rien n’avait été révélé ni transmis à l’Église. Cependant, après comme avant le 8 décembre il garda publiquement le silence. En 1863, il fit même à Munich une leçon, où il présenta le privilège de l’immaculée conception comme une conséquence légitime du dogme de l’incarnation : « Si jamais, ajouta-t-il, les formalités requises pour la définition d’un dogme ont été gardées elles l’ont été aussi pour celui-là, so bei diesem », Roskovâny, op. cit., t. iii, p. 564, d’après Scheeben, Periodische Rlûtler, zur wissenschaitlichen Bespreschung der grossen religiosen Fragen dsr Gegenwarl, Ratisbonne, 1874, t. iii, p. 567 sq. Sans doute, ilfaut se rappeler ici la théorie des « dogmes canoniques, » exposée par le biographe de Dœllinger, op. cit., p. 145 ; dogmes requérant « une certaine obéissance, mais non pas une pleine et ferme soumission de l’esprit. En tout cas, après sa défection provoquée par la définition de l’infaillibilité pontificale en 1870, Dœllinger changea complètement d’attitude et de langage. Dans le congrès pour