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IMMACULÉE CONCEPTION

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Une autre question fut soulevée dans la réunion des évêques. Celui d’Ugento, Mgr François Bruni, demanda qu’on ne se contentât pas d’écarter de Marie la tache du péché proprement dit, qui affecte l’âme, mais qu’on la déclarât aussi préservée et exempte de la concupiscence ou foyer du péché, sed etiam a fomite et concupiscentia prseservedam et immunem fuisse. Atti, t. II, p. 243 sq. La motion ne fut pas agréée ; mais cet évêque fut plus heureux dans l’avis qu’il avait suggéré de faire porter l’exemption de la faute originelle sur la personne de Marie, et non sur l’âme seule : de persona, non de sola anima, asserenda sit, contrairement à la formule, empruntée à la bulle Sollicitudo, d’Alexandre VIT, qui se lisait jusqu’alors dans les schèmes : animam beatissimæ Virginis, cum primum fuit creata et in suum corpus injusa… Le cardinal Joseph Pecci, évêque de Gubbio, soutint cet avis : il fallait, dit-il, éviter toutes les expressions qui pourraient ramener l’opposition, mise jadis par les théologiens scolastiques entre le corps et l’âme au sujet de la conception de la bienheureuse Vierge et, dans ce but. faire tomber la définition sur la personne, ita ut definitio respiceret personau. Conformément à ce vœu, on remplaça le mot an/mam par ces autres : beatissimam virginem Mariam. Atti, t. ii, p. 38, 87, 243, 292, 312.

Comment l’immaculée conception a-t-elle été révélée : d’une façon explicite ou implicite ? Cette question fut discutée, sans être résolue. Divergents avaient été les avis des membres de la Consulte théologique : quelques-uns s’étaient contentés de conclure d’une façon indéterminée à l’existence d’une révélation, soit explicite, soit impUcite ; d’autres, très peu nombreux, s’étalent prononcés pour une révélation explicite ; la plupart avaient soutenu ou supposé une révélation implicite. La même divergence se manifesta dans les délibérations des évêques. Mgr Kenrick, archevêque de Baltimore, observa que le plus grand nombre parmi les catholiques ne croyaient pas à une révélation explicite, quam tamen PLESIQUE catholici non agnoscuni. Atti, t. II, p. 231.

Au même ordre d’idées se rattache une autre controverse. Dans le premier schème, comme dans sa Disquisilio tlieologica, le P. Perrone parlait comme s’il y avait eu croyance explicite à l’immaculée conception dès l’âge anténicéen ; il s’appuyait sur divers arguments : lettre des prêtres d’Achaïe sur le martyre de saint André, textes de saint Hippolyte et de saint Denys d’Alexandrie, passages où saint Justin, saint Irénée et autres Pères établissent une antithèse entre l’ancienne et la nouvelle Eve. Aussi la formule de définition, telle qu’elle était exprimée dans ce schème, contenait-elle l’affirmation d’une doctrine constante de l’Église relativement au privilège mariai : CONSTAN-TEM FvrssE et esse catholicee Ecclesias doctrinam. Atti, t. II, p. 38. Trois sur cinq des théologiens chargés de reviser la pièce critiquèrent l’assertion. Mgr Tizzani et un autre s’en prirent aux textes allégués, comme n’étant pas des premiers siècles ou comme n’affirmant rien de plus que l’intérgité virginale. Le P. Paul de Saint-Joseph, religieux carme, rappela les objections vives et persévérantes que la doctrine de la conception sans tache avait rencontrées, la réserve prolongée des souverains pontifes, etc. Il fut tenu compte de ces observations, mais incomplètement, car les termes constantem fuisse, restèrent dans les schèmes suivants jusqu’au septième ou avant-dernier. Ibid., p. 88, 116, 140, 164, 192. Dans les réunions des évêques et des cardinaux, les protestations recommencèrent. On renouvela les critiques contre l’authenticité ou la force probante des textes allégués. Mgr Kenrick contesta nettement l’existence d’une tradition primitive formelle : pendant plusieurs siècles, il ne fut pas question

de la conception de Marie. Mgr Athanase Bonaventure, évoque de Lipari, parla d’une croyance d’abord implicite, et plus tard seulement explicite. Des prélats allemands, en particulier les archevêques de Munich, de Vienne et de Prague, Mgr de Reizach, Mgr de Rauscher et le cardinal de Schwartzeuberg, accentuèrent la difficulté dans des observations motivées : Je ne comprends pas, dit le dernier, comment on peut affirmer et réaffirmer que la pieuse croyance s’est manifestée des les premiers temps de l’Église par des témoignages clairs et indubitables, que la tradition a toujours existé. » Finalement, les termes contestés disparurent dans le huitième schème et dans le texte définitif. Atti, t. II, p. 208 sq., 215, 217, 274, 295.

La conclusion des travaux préparatoires eut lieu le l*’décembre. Ce jour-là, Pie IX tint un consistoire secret ; après une courte allocution adressée aux cardinaux, il leur demanda s’ils étaient d’avis qu’il procédât à la définition dogmatique : Placetne igitur Vobis, ut dogmaticum de immaculata beatissimæ virginis Mariée conccptione proferamus decretum ? Les cardinaux ayant acquiescé, les débats furent clos, et le pape assigna le huit décembre, jour de la fête, pour la promulgation solennelle du dogme : Itaque iam nunc diem octavum huius mensis decembris, quo de gloriosissims Virginis conceptione festum ab universa Ecclesia concelebratur, indicimus pro emittendo ac vulgando hoc décréta. Atti, p. 275.

La collection déjà citée des Pareri delV Episcopalo, Mgr Vincenzo Sardi, La solenne definizione del dogma delV immacolato concepimento di Maria santissima. Attie documenti pubblicali nel cinquanlesinw anniversario délia slesta definizione, Rome, 1905 ; Roskovâny, op. cit., t. iv, vi ; J. Perrone, S. J., De immaculalo beatissimie virginis Maria conceptu, an dogmatico décréta definiri possit, Rome, 1847 ; éd. altéra emendata. Munster, 1848, dans Pareri, t. vi, p. 309 ; PierreBiancheri, prêtre de la Congrégation de laMission, Voto in forma di dissertazione sulla definizione dogmatica delV immacolato concepimenlo délia beatissima Virgine Maria, Tivoli, 1848, dans AUi, t. i, p. 272, et Pareri, t. V, p. 181 ; dom Guéranger, Mémoire sur la question de l’immaculée conception de la très sainte Vierge, Paris, 1850, dans Parerift. vii, p. 1 ; Pierre Gual, O. M., Délia definibilità délia concezione immacolala di Maria, Rome, 1852, dans Pareri, t. viii, p. 1 ; Antoine Ballerini, S. J., Sylloge monumentorum ad mysterium conceptionis immaculatæ virginis Deiparæ illustrandum, Rome, 1854, dans Pareri, t. x ; C. Passaglia., De immaculalo Deiparœsemper virginis conceptu commentarius, Rome, 1854 ; card. Gousset, La croyance générale et constante de l’Église touchant l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, prouvée principalement par les constitutions et les actes des papes, par les lettres et les actes des évêques, par l’enseignement des Pères et des docteurs de tous les temps, Paris, 1855 ; Mgr Malou, op. cit., 1. 1, c. vii, p. 217 sq. ; t. ii, c. xii, § 5.

IV. LA BULLE INEFFABIUS DEUS : STNTBÈSB DES

PREDVES. — L’acte décisif fut accompli le 8 décembre 1854, par la lecture officielle du document pontifical qui contenait, dans sa dernière partie, la formule de définition dogmatique. Le texte a été donné et expliqué au début de cet article, col. 845. Reste à parler du préambule ou partie d’exposition, sorte de résumé, du long travail d’élaboration qui s’était fait dans l’Église depuis des siècles et qui était devenu plus intense à l’approche du terme. On se rappellera la remarque faite, col. 848, que seule la définition est garantie par l’infaillibilité pontificale et exige un acte de foi.

1 » L’exposé historico-dottrinal. — Pie IX commence par énoncer la raison dernière des insignes privilèges accordés à Marie : c’est l’union étroite qui, dans le plan divin, existe entre elle et le Verbe incarné. De toute éternité Dieu le Père décréta le rachat du genre humain par son Fils unique, et il lui choisit une mère, aimée dès lors d’un amour de prédilection. De là ces trésors incomparables de grâce qui, dans une mère de