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IMMACULÉE CONCEPTION


ture, la tradition, la doctrine de l’Église et la liturgie ; un très petit nombre exprima cependant des doutes sur la question d’opportunité. Alti, t. ii, p. 95. Un peu plus tard, neuf autres théologiens furent appelés à donner leur avis, trois en septembre 1850 et six en juillet et août 1851 ; tous se déclarèrent en faveur de la définition, sauf un seul, Mgr Tizzani, ancien évêque de Terni, dont les objections seront indiquées plus loin.

Pie IX ne s’était pas borné à l’institution d’une Consulte théologique ; pendant son séjour à Gaëte il avait, le 6 décembre 1848, désigné huit cardinaux et cinqconsulteurs (en dehors du secrétaire) pour tenir à Napics, sous la présidence du cardinal Lambruschini, une congrégation antépréparatoire. Elle se tint le 22 décembre. Les délibérations portèrent sur ces deux questions : Étant données les demandes faites par la majeure partie des évêques du monde catholique et par le sérénissime roi des Deux-Siciles, Ferdinand II, y a-t-il lieu de conseiller au Saint-Père de déclarer que la bienheureuse vierge Marie a joui du privilège singulier d’être conçue sans la tache originelle ? Et si oui, de quelle manière Sa Sainteté pourrait-elle, dans les circonstances actuelles, procéder à la déclaration dont il s’agit ? Discussion faite, tous les membres présents répondirent oui à la première question. Il n’y eut pas sur l’autre point la même unanimité, et la résolution fut : Dilata, et ad mentem. L’explication ajoutée portait qu’on conseillerait au Saint-Père d’adresser aux évêques une encyclique, pour demander surtout des prières en vue de la définition, mais aussi pour les inviter tous à donner leur avis sur la question d’opportunité, an expédiât deftnitio.

En outre, les consulteurs devaient répondre par écrit aux cinq points suivants : Est-il bien constaté que, de nos jours, l’Église ait pris les devants et qu’elle demande une définition dogmatique de l’immaculée conception de Marie ? L’Église dispersée à travers le monde a-t-elle, depuis les temps apostoliques, admis le privilège dans un sens exclusif de toute ombre de tache originelle, suivant la doctrine exphcitement soutenue par les derniers et très doctes apologistes qui ont parlé du sujet ex pro/esso ? Qu’est-ce que l’Ancien Testament fournit pour ou contre l’immaculée conception, dans le sens où nous la prenons ? De même, en ce qui concerne le Nouveau Testament. L’examen des euchologes, grecs, orientaux et latins, qui datent du nie siècle ou peu après, et dos autres qui ont suivi jusqu’à nos jours, permet-il d’affirmer la pieuse croyance de l’Église à l’immaculée conception de la vierge Marie ? Les réponses aux deux premiers points et au dernier, rapportées par Mgr Sardi, furent affirmatives. Nous verrons bientôt, par un autre document, qu’il en fut de même pour les 3° et 4 « points. Enfin, un autre consulteur, chargé d’étudier quel mode de définition il serait à propos de choisir, conclut à une définition sous forme positive et avec anathème, qui serait comprise dans une bulle dogmatique revêtue des formalités habituelles et qui serait publiée en temps et lieu jugés opportuns. Atti, t. i, p. 555-C18.

3* Le concile par écrit. — Pie IX agréa les meures suggérées par les membres de la congrégation antépréparatoire. De Gæte, il fit expédier l’encyclique Ubi primum, 2 février 1849. Il faisait connaître aux évêques sa résolution de soumettre à un examen définitif le problème de l’immaculée conception ; à cet effet, il avait nommé une consulte de théologiens et institué une congrégation cardinalice. Après avoir demandé l’injonction de prières pour l’heureux succès de l’aHaire. il ajoutait : « Nous désirons vivement qu’il vous plaise de nous faire savoir le plus promplement possible quels sont, dans votre diocèse, les sentiments du clergé et du peuple à l’égard de la concep tion de la Vierge immaculée et dans quelle mesure on souhaite que la question soit tranchée par le siège apostolique ; nous désirons surtout connaître ce que, dans votre insigne sagesse, vous pensez vous-même et souhaitez en ce point. » Suivait une autorisation générale d’adopter, s’il leur semblait bon, l’office propre de l’immaculée conception qui avait été récemment composé et imprimé à Rome. Atti, t. i, p. 573 ; Pareri, t. i. p. fi.

Ce recours aux évêques catholiques du monde entier réalisait en substance le plan conçu au siècle précédent par le cardinal Impériali, et poursuivi par saint Léonard de Port-Maurice ; ce fut ce qu’on a nommé un concile « par écrit. » Les réponses furent insérées dans les trois premiers volumes des Pareri deW episcopato, publiés en 1851 ; des suppléments parurent dans plusieurs des volumes suivants. Quel fut le résultat ? D’après une pièce publiée en 1854, Narratio Actorum SS. Domini nostri PU Papse IX, et insérée dans les Atti, t. II, p. 173, sur 603 évoques environ qui répondirent, il n’y en eut que 56 ou 57 à ne pas se prononcer pour la définition dogmatique, et leurs avis furent très divergents, comme on le voit par une autre pièce. Brève relazione : une dizaine s’abstinrent de formuler un jugement ; à peu près autant ne goûtaient pas une définition directe, avec proscription de l’opinion contraire comme hérétique, et proposaient d’autres formes de définition ; un plus grand nombre, vingt-quatre, étaient arrêtés par la question d’opportunité ; quatre ou cinq seulement se déclarèrent franchement opposés à une définition dogmatique. Atti, t. ii, p. 93. On regrette de trouver parmi ces derniers l’archevêque de Paris, Mgr Sibour. Dans une lettre adressée à Pie IX le 26 juillet 1850, il énonçait ces deux conclusions, résumé d’un examen fait par ceux qu’il avait chargés d’étudier la question : « 1° Que d’après les principes de la théologie, l’immaculée conception de la très sainte Vierge n’est pas définissable, comme vérité de foi catholique, et, dans aucun cas, ne peut être imposée comme croyance obligatoire sous peine de damnation éternelle. 2° Qu’une définition quelconque, alors même que l’Église ou le saint-siège croiraient pouvoir la porter, ne serait point opportune ; car elle n’ajouterait rien à la gloire de la Vierge immaculée, et elle pourrait être nuisible à la paix de l’Église et an bien des âmes, surtout dans mon diocèse. » Pareri, t. III, p. 310. Considérationsdéveloppées dans une autre lettre de l’archevêque, 25 août 1849, et dans la consultation de ses théologiens. Ibid., t. ii, p. 26 sq. ; t. vii, p. 326 sq.

En face de cette infime minorité se dressait la masse imposante de 546 évêques, plus des neuf dixièmes, qui avaient accepté purement et simplement la définition projetée, témoignant ainsi qu’ils regardaient le privilège comme contenu au moins implicitement dans le dépôt de la révélation. Beaucoup s’étaient même formellement expliqués sur ce point, soit dans leurs lettres au pape, soit dans des mandements on des discours sur l’immaculée conception faits à la môme occasion. Tels, en France, Mgr Parisis, évêque de Langres ; en Italie, l’archevêque de Chieti ; en Espagne, le cardinal de Romo, archevêque de Séville, et beaucoup d’autres. Pareri, i.vii, p. 253 ; appendice, p. vi ; t. VIII, p. 131 ; Roskovàiiy, op. r ; 7., t. VI, p.494 sq.Tous ces évêques croyaient à l’opportunité d’une définition ; souvent ils en exposent les convenances, Jei avantages et même la nécessité morale, au point où les choses en étaient arrivées. Ceux qui vivaient dans des milieux composés de catholiques et d’hérétiques ou d’incroyants se rendaient bien compte des attaques et des récriminations que l’acte pontifical pourrait susciter, mais ils estimaient qu’il n’y avait pas lieu de reculer devant ces inconvénients, accidentels et